Le Conseil constitutionnel, à travers sa décision du 15 février 2024, a annulé le décret du chef de l’Etat abrogeant celui convoquant le corps électoral. Il a aussi annulé la loi votée à l’Assemblée nationale portant report de l’élection présidentielle au 15 décembre.
Mais selon le professeur Ameth Ndiaye, maître de conférences titulaire (CAMES) en droit public à l’UCAD, « l’entité est morte et on peut même dans la foulée proclamer la naissance d’une nouvelle juridiction constitutionnelle ».
« Le Conseil constitutionnel est mort, vive le Conseil constitutionnel », dit-il face au « Jury du dimanche (JDD) sur iRadio.
Selon lui, pendant trop longtemps, relativement à l’appréciation des lois constitutionnelles, les juges constitutionnels sénégalais étaient emmurés dans le confort de leurs compétences strictes d’attribution pour se déclarer incompétents à chaque fois qu’ils étaient saisis. « Au lieu de refermer la Constitution dans un carcan, le Conseil constitutionnel l’a libérée et lui permet maintenant de déployer des initiatives et des énergies ».
Il faut aussi noter que dans sa décision, le Conseil constitutionnel, qui affirme être dans l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle à la date initialement prévue, invite les autorités compétentes à la tenir dans les meilleurs délais.
Date butoir du 2 avril et l’organisation dans les meilleurs délais…
Le Conseil constitutionnel a ramé à contre-courant, à ce niveau. C’est d’ailleurs là que se trouve la grimace, il a rebroussé chemin, selon le Pr. Ndiaye. « Le Conseil, jusque-là, était dans des habits parfaits. Et arrivé face à l’une des questions les plus décisives et les plus importantes, on a l’impression qu’il s’est dérobé », dit-il.
Parce que, explique le professeur, « demander aux autorités compétentes d’organiser dans les meilleurs délais l’élection présidentielle, c’est nous replonger dans des interrogations, des doutes, des incompréhensions. Là, il est important que les autorités compétentes s’organisent dans les meilleurs délais. C’est impossible de demander, sur les 18 millions de Sénégalais, à quelqu’un, excepté peut-être le président de la République, mais quand va-t-on organiser cette fameuse élection présidentielle ? ».
Pourtant, le Conseil constitutionnel pouvait bel et bien prendre une telle décision ; c’est dans ses prérogatives, selon l’invité d’iRadio. La preuve, dit-il, « il le dit même dans la décision : ni l’Assemblée nationale ni le président de la République ne peuvent reporter une élection présidentielle. Et en cas de difficulté, seul le Conseil constitutionnel a compétence pour aménager une nouvelle date pour l’élection. Et donc, quand on se base sur les articles 29-30, il est possible de fonder la compétence des juges constitutionnels. Il le peut et il le doit ».
Et pour illustrer son propos, il affirme : « L’élection présidentielle ne saurait être objectivement et subjectivement reportée. Mais combien de fois dans ce pays, on a touché aux élections législatives ou locales ? »
Pour lui, le Conseil constitutionnel n’est pas allé au bout de sa logique, loin de là. « Il est à mi-chemin. Mais ce qui est formidable, c’est qu’on a des acquis et on s’y agrippe. Mais maintenant, comme je dis, il y a des zones d’ombre. Le président de la République a sorti un communiqué pour dire qu’il compte exécuter pleinement la décision du Conseil. Les vertus de l’article ou la rigueur des dispositions de l’article 92, nous les acceptons. La loi est dure, mais c’est la loi », conclut-il.