De quel dialogue parle-t-on ?

par pierre Dieme

Ni de farouches guerriers aveugles refusant tout dialogue, ni des saints naïvement pacifistes. Se diviser en partisans et adversaires du dialogue, c’est ajouter de la confusion à la « confusion » qu’évoque Macky pour justifier son décret d’abrogation

Dans le combat contre le coup d’État de Macky Sall intervient un débat : les forces qui luttent contre cette forfaiture doivent-elles répondre ou non à l’appel au dialogue du président Sall ? Rappelons qu’une telle question a déjà servi à casser dans un passé récent un large et dynamique front de lutte contre le pouvoir En sera-t-il de même cette fois-ci encore ou les forces en lutte auront-elles l’intelligence de tirer les enseignements des erreurs commises afin de les éviter ?

Bien poser les termes du débat

Si la question posée est d’être pour ou contre le dialogue en principe, elle est abstraite et vide de sens, donc mal posée. Nous ne sommes ni de farouches guerriers aveugles refusant tout dialogue, ni des saints naïvement pacifistes disposés à dialoguer quelles que soient les conditions. Se diviser sur cette base en partisans et adversaires du dialogue, c’est ajouter de la confusion à la « confusion » qu’évoque Macky Sall pour justifier son décret d’abrogation. Le vrai débat est de savoir de quel dialogue sommes-nous partisans ou adversaires dans le contexte actuel.

La stratégie de Macky Sall

Macky Sall et ses complices ont annoncé et déroulé une stratégie dont la feuille

de route est limpide : i) accusations de corruption du PDS contre deux juges du Conseil Constitutionnel, ii) appui de la majorité présidentielle à la demande du PDS pour la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire, iii) signature du décret n° 2024-106 du 3 février 2024 abrogeant le décret n° 2023-2283 du 29 novembre 2023 portant convocation du corps électoral par le président Sall sous le prétexte d’une crise institutionnelle, iv) vote par la majorité présidentielle et les députés du PDS de la loi constitutionnelle reportant les élections présidentielles du 25 février au 15 décembre 2024 et prolongeant du même coup le mandat présidentiel jusqu’en début 2025.

La réponse du peuple sénégalais

Face à ce coup d’État constitutionnel de Macky Sall, tous les secteurs du peuple sénégalais sensibles à la démocratie, mouvements citoyens, syndicats de travailleurs, organisations patronales, universitaires, juristes, artistes, … se sont levés pour dire non, jusques et y compris dans les propres rangs du pouvoir en place. Autant donc le président Sall a terni l’image d’un Sénégal démocratique, autant la mobilisation exemplaire de notre peuple rejetant massivement l’atteinte portée contre sa souveraineté suscite fierté et espoir. Nous sommes ainsi présentement engagés dans une lutte dont l’enjeu majeur et l’objectif fondamental consistent à sauver notre système démocratique et notre État de droit, plus spécifiquement la souveraineté de notre peuple dont l’expression libre pour le choix à date échue de ses dirigeants vient d’être confisquée.

Alors de quel dialogue est-il question dans un tel contexte ?

Ce dialogue a été annoncé par le président Sall en même temps que la signature du décret suspendant le processus électoral. Il fait donc partie du package conçu et mis en œuvre pour réaliser le coup d’État constitutionnel. Il est à son service et sa fonction est manifeste : briser l’élan actuel de lutte notamment en divisant le front démocratique, créer un rapport de forces plus favorable à la forfaiture que présentement, faire entériner de fait le coup d’État dans un processus dit de dialogue mais dont seuls Macky et ses complices sont maîtres des objectifs, de l’ordre du jour, du calendrier et de la prise de décision finale.

Du dialogue pour la démocratie, l’État de droit et la souveraineté du peuple…

Tout d’abord, tout dialogue sérieux avec Macky Sall exige dans la situation actuelle de nécessaires préalables : libération de tous les détenus politiques, arrêt de toutes les restrictions et violations contre l’exercice des libertés publiques, retour à l’ordre démocratique. Ensuite, ce dialogue ne peut se dérouler que dans le respect strict de la Constitution qui doit se traduire par le retrait des mesures constitutives du coup d’État constitutionnel (le décret et la loi en cause) et la pleine reconnaissance des attributions du Conseil constitutionnel dans son rôle d’arbitre du processus électoral. Une fois que celui-ci aura fixé la nouvelle date de l’élection présidentielle tenant compte de la date-limite du mandat actuel (2 avril 2024), l’objectif du dialogue national sera alors de discuter des modalités de la poursuite du processus électoral et, éventuellement, des mesures à prendre pour rassurer les différentes parties prenantes.

…Ou alors vers un dialogue alternatif ?

Si Macky Sall ne veut pas s’engager dans ce dernier dialogue, tous les secteurs essentiels du peuple actuellement engagés dans la lutte pour la sauvegarde de la démocratie et de l’État de droit pourront et devront promouvoir ensemble un dialogue alternatif. L’objectif sera, dans une première étape, de soutenir le Conseil Constitutionnel afin qu’il puisse dire le droit. Si pour une raison ou pour une autre, celui-ci refuse de dire le droit ou que Macky refuse d’appliquer la décision de droit prise, alors l’objectif sera de préparer et de conduire la transition à la fin du mandat du président Sall, c’est-à-dire à partir du 2 avril 2024. Il s’agira notamment de mettre en place une assemblée constituante dont les membres seront les représentants de ces différents secteurs. Elle tiendra lieu de Parlement national et sera chargée de définir le cadre légal de la transition, d’élire la direction qui gouvernera le pays durant la période de transition et d’organiser les élections présidentielles.

  • Malado Agne, juriste, UCAD, Dakar
  • Félix Atchadé, médecin, Paris
  • Hawa Ba, sociologue et journaliste, Dakar
  • Elhadji Alioune Badara Ba, journaliste, Dakar
  • Mame Penda Ba, professeur de science politique, UGB, Saint-Louis
  • Selly Ba, sociologue, universitaire, Dakar
  • Cheikh Badiane, haut fonctionnaire international, Genève
  • Abdoulaye Barry; linguiste, maître de conférences titulaire, Université de Gambie.
  • Samba Barry, juriste, membre fondateur d’Aar Sunu Election, Dakar
  • Abdoulaye Bathily, professeur des universités à la retraite, UCAD, Dakar
  • Alymana Bathily, écrivain, sociologue des médias, Dakar
  • Kader Boye, juriste, ancien recteur de l’UCAD, ancien ambassadeur à l’Unesco, Dakar
  • Thiaba Camara Sy, administrateur de société, Dakar
  • Youssouf Cissé, conseil stratégie et développement, Dakar
  • Alioune Diatta, journaliste, Dakar
  • Oulimata Diatta Tricon, docteur en chirurgie buco-dentaire, La Cadière d’Azur
  • Sékouna Diatta, enseignant-chercheur à la faculté des Sciences et Techniques, UCAD, Dakar
  • Paul Dominique Corréa, sociologue, Dakar
  • Demba Moussa Dembélé, économiste, Dakar
  • Mamadou Diallo, historien, doctorant, Columbia University, New York
  • Abdoulaye Dieye, juriste, professeur à l’UCAD
  • Abdoulaye Dieng, sociologue, enseignant-chercheur à la retraite, Fastef, UCAD, Dakar
  • Babacar Buuba Diop, chercheur, professeur d’universités, Dakar
  • Bachir Diop, agronome, Saint-Louis
  • Moustapha Diop, informaticien, Dakar
  • Massamba Diouf, enseignant chercheur à la faculté de médecine de l’UCAD, Dakar
  • Thierno Diouf, géographe, Bruxelles
  • Amadou Fall, historien, professeur à la retraite, UCAD, Dakar
  • Babacar Fall, haut fonctionnaire à la retraite, Dakar
  • Rokhaya Daba Fall, agropédologue, New York
  • Dior Fall Sow, ancienne avocate générale, TPI pour le Rwanda, Dakar
  • Diomaye Ndongo Faye, consultant en stratégie développement politique, Princeton, New Jersey
  • Makhily Gassama, écrivain, ancien ministre
  • Mansour Gueye, informaticien, Paris
  • Thierno Gueye, expert en droit international et en gestion des conflits, Dakar
  • Annie Jouga, architecte, Dakar
  • Falilou Kane, consultant en finances, Dakar
  • René Lake, journaliste, Washington
  • Mohamed Nabi Lo, informaticien, Paris
  • Mohamed Ly, médecin, spécialiste de santé publique, Grand Mbao
  • Mouhamed Abdallah Ly, sociolinguiste, IFAN-UCAD, Dakar
  • Saphie Ly, journaliste, DG de Nexus
  • Anne-Marie Mbengue Seye, experte en financement de la Santé, Dakar
  • Mourtala T. Mboup, professeur de mathématique, Genève
  • Aly Ndiaye, délégué à la protection des majeurs, Paris 
  • Aminata Ndiaye, professeur d’anglais à la retraite, Dakar
  • Khadim Ndiaye, philosophe, historien, Udes, Québec
  • Maty Ndiaye Sy, coach en développement, Dakar
  • Moustapha Ndiaye, faculté de Médecine et Pharmacie, UCAD, Dakar
  • Ndeye Astou Ndiaye, maîtresse de conférences titulaire, UCAD, Dakar
  • Seydi Ababacar Ndiaye, enseignant chercheur, UCAD, Dakar
  • Denis Ndour, consultant Droits humains, Dakar
  • Mamadou Ndoye, expert en éducation, ancien ministre, Dakar
  • Ousmane Ndoye, consultant, développement de projets, Dakar
  • Mbissane Ngom, professeur agrégé en Droit, UGB, Saint-Louis
  • Pap’ Amadou Ngom, chef d’entreprise, Paris.
  • Majaw Njaay, directeur artistique, Dakar
  • Ada Pouye, expert en développement international et urgence humanitaire
  • Pierre Sané, ancien directeur général adjoint de l’Unesco, Dakar
  • Mouhamadou Lamine Sanokho, ancien gestionnaire, Dakar
  • Abdourahmane Seck, anthropologue, Centre d’études des religions de l’UGB, Saint-Louis
  • Paap Seen, journaliste, Dakar
  • Amadou Lamine Sène, linguiste, interprète de conférences, Dakar
  • Chérif Seye, ingénieur, Dakar
  • Serigne Seye, maître de conférences, UCAD, Dakar
  • Pape Touty Sow, consultant international, Dakar
  • Tidiane Sow, mathématicien et coach en communication politique, Dakar
  • Mouhamadou Thiam, professeur École Polytechnique, Thiès
  • Pierre Thiam, chef et expert en gastronomie, auteur et chef d’entreprises, New York
  • Samba Traore, professeur des universités, ancien Directeur UFR SJP, UGB, Saint-Louis

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