L’exigence d’une attestation du Directeur de la CDC pour confirmer une quittance dûment établie par les services de la CDC ne se justifie pas. C’est un récépissé de dépôt que la loi électorale aurait dû prévoir
Sauf cas de faux où leur disqualification les place à égalité, une quittance du Trésor public a en principe plus de valeur probante qu’une attestation administrative ; l’exigence d’une attestation du Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations pour confirmer le dépôt du cautionnement électoral est-elle justifiée ?
La loi n° 2021‐35 du 23 juillet 2021 portant Code électoral exige pour la candidature à l’élection présidentielle et aux élections des députés et des conseillers départementaux et municipaux l’accomplissement de certaines formalités parmi lesquelles le versement d’un cautionnement à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) (article L.122 alinéa 1er du Code électoral en ce qui concerne l’élection présidentielle). Le second alinéa de l’article L.122 indique qu’« il est délivré (au candidat qui fait le versement de son cautionnement) une quittance confirmée par une attestation signée par le Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations ». C’est ainsi que, parmi les pièces accompagnant le dossier du candidat à l’élection présidentielle, l’article L. 121, alinéa 1er, 9ème tiret impose « une quittance confirmée par une attestation signée par le Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) attestant du dépôt du cautionnement »[1].
Aux termes de l’article R.81, alinéa 1er, du décret n° 2021-1196 du 20 septembre 2021 portant partie réglementaire du Code électoral, « le montant de la caution doit être versé par chèque de banque à la Caisse des Dépôts et Consignations… » [2]. La première phrase du deuxième alinéa de l’article R 81 rappelle qu’« à la réception du chèque de banque, la Caisse des Dépôts et Consignations délivre une quittance au déposant ».
Une quittance délivrée par le comptable de la CDC, dûment visée et enregistrée, constatant le dépôt du montant du cautionnement, forme titre envers la CDC ; dès lors, pourquoi l’exigence d’une attestation de confirmation de la quittance ?
A notre sens, le but que poursuit la disposition de l’article L. 121, alinéa 1er, 9ème tiret c’est de faire authentifier la quittance constatant le versement intégral du cautionnement c’est-à-dire, en d’autres termes, d’établir la réalité de l’encaissement du chèque déposé à la CDC (le chèque remis par un candidat peut être rejeté lors de la compensation bancaire).
La remise du chèque de banque ne devrait pas donner lieu à la délivrance immédiate d’une quittance
L’erreur fondamentale des rédacteurs de la loi électorale, c’est d’avoir méconnu la notion de quittance. Si l’on se reporte au vocabulaire juridique de Gérard Cornu, le mot quittance a la définition suivante en langage financier : « Tout titre qui emporte libération, reçu ou décharge… »[3]. Par définition, une quittance est une preuve de paiement effectif, au même titre qu’un reçu de versement en numéraire.
L’exigence d’une attestation du Directeur de la CDC pour confirmer une quittance dûment établie par les services de la CDC ne se justifie pas. À notre avis, c’est un récépissé de dépôt que la loi électorale aurait dû prévoir comme document à délivrer au moment de la réception du chèque de banque. C’est seulement sous cette condition que l’on pourra justifier l’attestation prescrite par les articles L.121, L.122, L.173, L.174 L.246, L.247, L.281, L.282 et L.286 du Code électoral.
Le Directeur de la Caisse est dans l’obligation d’exécuter purement et simplement la disposition de l’article R 81 du décret du 20 septembre 2021 sans pouvoir exiger d’autres justifications au candidat.
La seconde phrase de l’alinéa 2 de l’article R 81 dispose très clairement : « L’attestation n’est délivrée qu’après encaissement effectif du chèque par la Caisse conformément aux dispositions de la règlementation bancaire en vigueur
Il résulte de cette disposition du Code électoral que dès qu’il a la confirmation que le chèque est accepté en compensation bancaire, c’est-à-dire que son compte bancaire est crédité, le Directeur de la CDC est dans l’obligation de délivrer l’attestation de confirmation [4]. Dans son communiqué sur le dépôt des cautions en vue de l’élection présidentielle 2024, la CDC confirme que « c’est seulement après encaissement effectif du chèque de banque par la CDC que l’attestation de confirmation d’encaissement est délivrée ».
En définitive, il est seulement demandé au Directeur de la CDC de déclarer que, suivant quittance (à indiquer les références), il a été versé à sa caisse la somme de (en chiffres et en lettres) au titre de cautionnement pour (objet du cautionnement) par (identité du déposant avec adresse).
[1] Remarque : l’article indéfini une est employé devant le mot quittance ce qui voudrait dire que le législateur ne désigne pas la nature précise de la quittance.
[2] Il ne serait pas superflu de rappeler qu’en matière de comptabilité publique, l’article 54 du Règlement Général sur la Comptabilité Publique de 2020 dispose : « Sous réserve des dispositions particulières prévues par le Code général des impôts et le Code des douanes, le débiteur de l’Etat est libéré s’il présente un reçu régulier (…) ou s’il établit la réalité de l’encaissement des sommes dues par un comptable public ».
[3] Gérard Cornu, Vocabulaire juridique Association Henri Capitant, 11ème edition 2016, PUF, p. 843.
[4] L’attestation du Directeur de la Caisse n’est pas exigée comme pièce justificative lors d’un éventuel remboursement de la caution à un candidat. Selon l’article R.81, le remboursement s’opère sur la présentation de l’original de la quittance du cautionnement et d’une attestation de main levée du ministre chargé des Elections.
Mamadou Abdoulaye Sow