Conseil Constitutionnel. Par devoir de gratitude ?

par pierre Dieme

Au moment où ces lignes sont écrites, le Conseil Constitutionnel n’a pas encore rendu public le rejet programmé (Dixit Juan Branco) de la candidature de Ousmane Sonko, le seul candidat favori capable de tout rafler au 1er tour, mais coupable d’avoir déclaré qu’il mettra un terme à la bamboula au sein des institutions, et qui n’est pas du genre à couvrir des refus de déclaration de patrimoine par ceux qui y sont astreints de par la loi.

Chaque fois que le Conseil Constitutionnel version régime Sall a été saisi aux fins d’invalidation d’une loi querellée par les adversaires politiques de celui qui signe les décrets de nomination, de celui qui distribue les avantages à la tête du client, de celui qui peut ordonner aux corps de contrôle de laisser tranquille tel ou tel, de celui qui distribue les décrets d’allongement de l’âge de la retraite, on constate que cette juridiction s’est toujours illustrée par ce qui semble être un devoir de gratitude envers son bienfaiteur, quitte à violer la loi de façon flagrante, quitte à être la risée du monde par des décisions risibles ou des motivations loufoques.

Jamais depuis 2012 le Conseil Constitutionnel n’a visiblement cherché à s’ériger en rempart contre les abus du phénomène majoritaire, jamais il n’a tracé une ligne rouge de sauvegarde de la démocratie que ne peut franchir celui qui distribue les avantages et passe-droits.

Pourtant sous le régime des Wade, le Conseil Constitutionnel avait au moins une fois eu le courage de prendre une décision allant à l’encontre du souhait du patron, en refusant que la Coalition Wade fasse figurer le nom WADE et sa photographie sur son bulletin de vote aux législatives.

Jamais dans la perception des administrés, un Conseil Constitutionnel n’est autant allé à l’encontre de sa mission première qui est d’exercer son pouvoir régulateur au nom de l’intérêt général, de l’ordre public, de la paix, de la stabilité des institutions, que sous le régime Faye – Sall. En effet :

1°  En 2016, alors qu’il était attendu par tout un peuple pour faire respecter sa volonté de faire réduire le mandat en cours de 7 à 5 ans, comme par devoir de gratitude, ce Conseil Constitutionnel a préféré suivre Macky Sall dans ses artifices pour ne plus appliquer cet engagement pris devant ce peuple et devant l’opinion internationale

2° En Mai 2018, lorsque les parlementaires ont saisi le Conseil Constitutionnel sur la non-conformité flagrante de la loi votée sans débat à l’Assemblée Nationale instituant le parrainage obligatoire pour toutes les élections, le Conseil Constitutionnel, comme par devoir de gratitude envers le patron a préféré se défausser en se déclarant à tort incompétent alors qu’était en cause un aspect intangible de la Constitution. Résultat, Macky Sall a pu légalement remplacer toutes les élections par des sélections à sa seule discrétion.

En Avril 2021, la Cour de Justice de la Cedeao a rendu la décision que refusait de prendre le Conseil Constitutionnel, en ordonnant à l’Etat du Sénégal de supprimer cette loi sur le parrainage car violant le droit élémentaire à la libre participation aux élections. Cette décision exécutoire a bien sûr été ignorée par l’Etat de Droit en papier maché qu’est devenu le Sénégal sous Macky Sall.

3° En Juillet 2021, l’opposition parlementaire a saisi le Conseil Constitutionnel d’un recours contre des modifications du code de procédure pénale et du code pénal, tout en sachant que cette haute juridiction ne pourra pas statuer car Macky Sall a bloqué volontairement depuis des mois son fonctionnement en refusant de remplacer les 3 membres manquants (2 mandats expirés, 1 décès). C’était aussi pour l’opposition une manière de démontrer au grand jour les conséquences des micmacs d’un président jouant avec les institutions de la république.

Comme par devoir de gratitude le Conseil Constitutionnel n’a pas hésité à violer la loi en délibérant quand même avec une composition irrégulière de 4 sages sur un effectif de 7 puisque l’article 23 de la loi organique n°2016-23 relative au Conseil Constitutionnel dit clairement que le Conseil Constitutionnel ne peut délibérer qu’en présence de tous ses membres au nombre de 7, sauf cas d’empêchement temporaire.

4° En Juin 2022, la coalition de Macky Sall avait commis une bourde monumentale qui l’éliminait d’office des élections législatives, en déposant une liste de parrainage qui ne respectait pas le maximum légal. De surcroit elle ne respectait pas l’obligation de parité qui est là encore un motif d’élimination de la liste concernée.

Comme par devoir de gratitude envers l’homme au coude destructeur, le Conseil Constitutionnel n’a semble-t-il pas sourcillé un seul instant pour décider de se discréditer définitivement au bénéfice de la validation de la liste foncièrement irrecevable de Macky Sall. Ils ont non seulement violé leur propre jurisprudence (cf jurisprudence Malick Gakou) sur le non-respect du nombre de parrainage, mais ils sont allés jusqu’à inventer une règle qui mérite de figurer dans le top 10 du bêtisier mondial, à savoir que désormais un parti ou une coalition peut présenter uniquement une liste de suppléants sans une liste majoritaire, et vice-versa, à des élections. Donc nos lions peuvent désormais aller à la CAN ou au Mondial avec une équipe sans remplaçants, ou avec juste des remplaçants sans l’équipe titulaire.

5° En Décembre 2023 – Janvier 2024, il ne faut rien attendre d’un Conseil Constitutionnel qui a déjà franchi toutes les frontières de l’imaginable décrites ci-avant, par devoir de gratitude envers celui qui a l’art de recycler les retraités. Jamais ce Conseil Constitutionnel ne laissera passer la candidature du trop intègre Ousmane Sonko, peu importe les conséquences que cela peut engendrer. Les tentatives de citoyens patriotes d’alerter ou de raisonner ce Conseil Constitutionnel là n’y feront rien, les Ndiaga Sylla, Boubacar Sadio, Pape Ale Niang, Pr Sidy Alpha Ndiaye, et bien d’autres.

Tout le monde, y compris les 7 membres du Conseil Constitutionnel, a assisté aux nombreuses péripéties contre la candidature de Ousmane Sonko, les nombreux actes tendant à la clochardisation des institutions dans le but pour radier illégalement Ousmane Sonko des listes électorales, l’obstination à refuser d’appliquer des décisions de justice par ceux qui sont sensés garantir l’état de droit, les refus répétés de lui délivrer les fiches de parrainage, les refus de lui délivrer son attestation de dépôt de caution, les refus de laisser ses mandataires, son avocat, des huissiers de justice accéder à des établissements publics.

Avec ce Conseil Constitutionnel là, avec tout ce à quoi on a déjà assisté, on peut même s’attendre à ce qu’ils évoquent des raisons d’invasion d’extra-terrestres pour refuser de valider la candidature de Ousmane Sonko.

Macky Sall n’a rien qui ressemble de près ou de loin à du génie politique. Tout ce qu’il possède, c’est le pouvoir de nomination ou de révocation qui fait de lui un Dieu sur terre pour certains carriéristes. Et il est aussi le chef suprême des Forces de Défense et de Sécurité. Depuis 2014 c’est tout ce dont il a usé et abusé avec allégresse pour ne pas affronter d’adversaire politique un tant soit peu menaçant, tant il est convaincu de son impopularité, de l’incompétence des hommes qui l’entourent. Dans tous les cas il n’a aucune ambition, encore moins une intention de faire mieux que ses prédécesseurs.

Mais qu’il vente ou qu’il neige, le peuple a déjà opté pour l’éradication de la kleptocratie installée depuis 2012, qui a fini par une dictature veule et sanglante. Le carnage sur les pro-Sonko, la rafle des milliers de pro-Sonko, l’emprisonnement de Sonko, les appels à l’assassinat de Sonko et des pro-Sonko, le refus de toute activité politique au camp Sonko, le braquage de l’ensemble des institutions contre Sonko, n’y feront rien. Tant que ça continue, cela ne prouve qu’une chose, que ces politiciens froussards et mauvais perdants voient toujours Ousmane Sonko en tête malgré chaque acte posé. 

Après Avril 2024, ce peuple exigera une chasse aux sorcières.

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