Porte-étendard de la rupture avec le camp présidentiel, Mimi assume pleinement son nouveau rôle d’opposante radicale. Entre attaques cinglantes contre la gouvernance en place et activisme politique soutenu, elle se pose en alternative au président
De tous ceux qui ont quitté la mouvance présidentielle, Mimi Touré s’affirme comme celle qui fait le plus mal au régime en place. Ses sorties fracassantes et percutantes ainsi que ses attaques sans complaisance ont fini de mettre à nu toutes les failles du pouvoir allant de la mauvaise gestion à la violation des règles démocratiques. Femme charismatique ayant joué un rôle déterminant au sein de la coalition BBY, elle se positionne comme l’une des opposantes les plus en vue du président qu’elle a contribué à porter à la magistrature suprême de ce pays.
Depuis qu’elle a claqué la porte de l’APR, Mme Aminata Touré n’entend rien au monde revenir à la « maison du père » et continuer de cheminer comme si de rien n’était avec ses anciens camarades de parti. Mieux, elle s’est érigée en vraie opposante et ne cesse de les combattre pour leur départ du pouvoir. Sa candidature à la présidentielle déclarée, ses attaques contre les dérives du pouvoir, son combat pour la tenue d’élections inclusives, libres et démocratiques et son cri de cœur contre la confiscation des libertés…sont devenus un viatique pour elle. Devenue très radicale, Mimi a émargé sur la liste des opposants qui font le plus de mal au régime du président Macky Sall. Cette nouvelle posture de l’ancienne Première ministre n’est nullement le fait d’une quelconque frustration ou d’une volonté de règlement de comptes comme le soutiennent certains. Pour elle, cette attitude résulte d’une cohérence dans sa démarche et de son ancrage dans le respect des valeurs humaines.
«J’ai quitté la mouvance présidentielle, la tête haute…»
Revenant sur les raisons de son départ de la mouvance présidentielle, elle a expliqué que «Ce qui m’oppose à Macky Sall, c’est ma position sur le troisième mandat. Il voulait que je le soutienne en revenant sur ma position de départ. Peut- être que, lui, ça ne le gêne pas. Mais moi, en tant que femme attachée à mes convictions et respectueuse de la parole donnée, je ne pouvais pour rien au monde me dédire devant mon peuple en qui je voue respect et considération» disait elle avec beaucoup de fierté. C’était avant la renonciation de Macky Sall à ce troisième mandat… C’est justement pour venir au secours de ce peuple qui fait face à des «difficultés pour se nourrir, avoir accès au logement, aux soins médicaux, à une bonne éducation, à l’emploi entre autres» qu’elle a décidé de solliciter ses voix pour la présidentielle de février 2024. Après avoir acquis une grande expérience dans la gestion de l’État et sur le plan international, Mme Aminata Touré se considère comme une alternative à son ancien patron pour sortir le pays de sa situation marquée depuis un certain temps par «une régression à tous points de vue». Elle compte réussir cette mission à travers son mouvement politique «Mimi 2024» lancé dès sa rupture avec la mouvance présidentielle et un programme qui prend en compte tous les aspects de la vie de notre pays. A la question de savoir si elle ne regrette pas avoir quitté ses anciens camarades, elle coupe : «Non pas du tout. Au contraire, puisque je ne les regarde jamais la tête baissée. Quand j’étais avec eux, j’ai eu à assurer pleinement mes fonctions aussi bien politiques que publiques avec des résultats palpables. Sur le plan de la gestion des deniers publics, je n’ai jamais été épinglée par un corps de contrôle malgré les audits menés. Donc, ils n’ont rien à me reprocher sinon d’avoir assumé mes positions et pris mes responsabilités» confiait elle à des journalistes. Reconnue pour son charisme, Mme Aminata Touré n’est pas du genre à transférer un combat. Dès qu’elle se sent offensée, elle prend sa propre défense. Le dernier exemple est la réplique très salée apportée à M. Marwane Ben Yahmed du journal « Jeune Afrique ». En effet, après le refus de l’administration pénitentiaire de lui accorder l’autorisation de voir l’opposant Ousmane Sonko en prison, elle a publié un post pour dénoncer ce fait. Le journaliste a réagi pour lui rappeler l’épisode judiciaire ayant opposé Karim Wade à la CREI. Et la réponse de celle qui était ministre de la Justice à cette période ne s’est pas fait attendre.
Une opposante qui s’affirme de plus en plus…
L’ancienne cadre à l’ONU se fait respecter de par son niveau intellectuel mais aussi le leadership qu’elle incarne et les valeurs qu’elle prône. Elle se dit préoccupée par la conquête du pouvoir en février prochain. Pour cela, Mimi Touré s’oriente depuis vers la massification de son mouvement et s’implique activement dans toutes les actions entreprises par les partis de l’opposition pour pousser le pouvoir à jouer franc jeu et à la démocratisation de l’espace politique. Aussi, elle se distingue par son engagement pour amener les Sénégalais à punir sévèrement le candidat du président Macky Sall. C’est-à-dire l’actuel Premier ministre Amadou Ba. Lequel, estime-t-elle, «n’a ni le programme encore moins les qualités requises pour sauver le Sénégal de la situation précaire qu’il traverse dès l’instant qu’il a promis de s’inscrire dans la continuité». C’est la raison pour laquelle, elle a invité son lointain successeur à un débat public. Ce qui, d’après elle, n’était pas une défiance mais un exercice banal de confrontation d’idées entre des personnes qui souhaitent devenir président de la République. «Je pense qu’il est temps que l’on fasse évoluer notre démocratie en prenant l’exemple sur ce qui se fait ailleurs quand c’est positif. En tout cas, moi, je ne me fais pas de fixation et suis prête à débattre avec n’importe qui» s’était-elle expliqué. Bien dans ses habits d’opposante, l’ex-chef du gouvernement poursuit ses activités politiques à travers des tournées à l’intérieur du pays. Ce, pour également mieux s’imprégner des conditions de vie des populations et communier avec elles, un exercice auquel elle s’est habituée. D’autre part, la candidate à l’élection présidentielle a été membre du F24 qui s’était fixé comme priorité de faire barrage au président Macky Sall dans sa volonté d’effectuer un troisième mandat et aussi pour la libération des détenus politiques. Le premier combat a finalement porté ses fruits tandis que pour les détenus politiques, au contraire, les procureurs du régime continuent toujours d’envoyer des militants de l’opposition en prison. Toujours dans cette lignée de combats nobles, elle fait partie des initiateurs du FITE (Front pour l’Inclusivité et la Transparence des Élections). Plateforme qui regroupe d’autres ténors de l’opposition, le F24 a comme principal objectif le respect de tout le processus électoral menant au scrutin de février prochain.
A moins de trois mois de l’élection présidentielle, Mimi déclare avoir bouclé sa collecte de parrainages dont la campagne s’est très bien déroulée. «Je ne fais pas de soucis. Ce n’est pas la première fois que je dirige une telle opération. Je suis entourée d’une équipe expérimentée et de militants très engagés. Donc je suis plus que confiante à ce niveau », a-t-elle rassuré avant de faire part du dépôt de sa caution en attendant de savoir de ce que va décider le Conseil constitutionnel.
Youssoupha BA