Un temple du savoir désorganisé

par pierre Dieme

Des armes blanches au désordre politique, l’impuissance face à la montée de la violence ébranle le prestige de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar

Depuis quelques années, la violence est devenue endémique dans les universités sénégalaises. Entre batailles rangées entre groupes d’étudiants et saccages des biens publics, le désordre règne en maître dans les temples du savoir. Et visiblement affectée par les violences, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) qui a toujours été un creuset de savoir pour beaucoup d’intellectuels africains, est en train de perdre de son superbe. 

En juin dernier, l’emprisonnement du leader de l’ex parti Pastef, Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour «corruption de la jeunesse» dans l’affaire «Sweat Beauté» avait secoué le Sénégal avec de violentes manifestations un peu partout dans le pays. Et les universités sénégalaises n’ont pas échappé à la furie des manifestants.

De Dakar, en passant par Thiès, Ziguinchor et Saint-Louis, les stigmates étaient visibles dans les établissements publics d’enseignement supérieur. Ce qui a dû perturber les enseignements pendant quelques mois. A l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, les enseignements continuent de se dérouler à distance depuis lors. Malgré la multiplication des appels à la réouverture du temple du savoir, notamment du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SAES) et des étudiants, le Conseil académique de l’université maintient toujours la poursuite des cours à distanciel. Une situation qui continue de faire débat au Sénégal.

Cependant, il faut dire que depuis quelques années, la violence est devenue endémique dans les universités sénégalaises, surtout à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Entre saccages, bagarres à relents communautaires ou confrériques ou pour le contrôle des amicales, l’insécurité règne dans le temple du savoir. Véhicules calcinés, bâtiments saccagés, l’UCAD était devenue méconnaissable, au lendemain des évènements de juin dernier. Pour beaucoup de personnes, même si l’UCAD a toujours été un lieu de contestation politique, jamais elle n’a connu cette ampleur.

Ce qui a fini d’indigner plus d’un. L’UCAD qui faisait la fierté de toute une Nation, ce qui faisait de Dakar un creuset du savoir pour avoir formé beaucoup d’intellectuels africains notamment des présidents de la République, des très hauts cadres de l’armée, de très grands fonctionnaires internationaux, est en train de perdre de son superbe. On se rappelle également du concert de casseroles qui avait été le théâtre d’affrontements entre étudiants de la coalition Yewwi-Wallu et ceux du pouvoir. Des armes blanches brandies lors de ces affrontements avaient occasionné des blessés. Sans oublier, les heurts qui ont suivi la visite du leader de l’ex parti Pastef, Ousmane Sonko au campus universitaire de Dakar. Il y a aussi quelque temps, suite à la descente des hommes chargés de la sécurité du campus social de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, des armes, barres de fer, des couteaux avaient été découverts dans les chambres des étudiants.

Quid des affrontements entre les associations « Ndefleng » et « Kekendo » qui ont occasionné la mort de Ismaïla Gaoussou Diémé. Sur ce, le Conseil de discipline de l’Université Cheikh Anta Diop avait sanctionné des étudiants en les excluant de l’université.

Présidant le Conseil présidentiel sur l’insertion et l’emploi des jeunes, le Chef de l’Etat, Macky Sall avait dénoncé les scènes de violence qui se passent à l’université. «L’université, c’est un centre de savoir, ce n’est pas un centre pour des gladiateurs sinon on va aller à l’arène. Il n’est pas normal et nous allons mettre un terme au désordre qu’il y a à l’université où des non-étudiants qui ne sont pas inscrits, qui ne sont pas dans la communauté universitaire, puissent rester dans le campus et y perpétrer de la violence», avait déclaré Macky Sall. A ce mal qui gangrène les universités sénégalaises, il faut aussi ajouter la fuite de cerveaux. D’éminents professeurs servent maintenant à l’étranger. En effet, malgré la montée d’un cran de la violence en son sein, l’UCAD continue à s’illustrer en Afrique. Elle est à nouveau sortie première en Afrique francophone du classement Edurank2023, pour la deuxième fois cette année.

Mariame DJIGO

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