Quand la fumée blanche avait jailli du Palais, le camp de Amadou Ba avait explosé de joie. Ses partisans avaient raison parce que le Président de la République, Macky Sall venait de porter son choix sur l’actuel Premier pour être le candidat de la coalition Benno Bokk Yakaar : le candidat de la raison au détriment de celui de cœur supposé être Abdoulaye Daouda Diallo. Amadou Ba partait ainsi en perspective de la présidentielle avec une longueur d’avance sur ses futurs adversaires. En tant que candidat du pouvoir, il dispose d’un programme appelé Plan Sénégal Emergent (PSE). Toutefois, cette volonté clairement affichée de Macky Sall de soutenir son ancien ministre des Finances et ancien ministre des Affaires Etrangères pourrait aussi se révéler être un fardeau parce que la candidature de Amadou Ba apparaît aux yeux de beaucoup de sénégalais comme une certaine continuité de la politique du Président Macky Sall. Or, ce dernier ne cesse de perdre du terrain, comme en témoignent les élections locales et surtout les législatives qui ont presque failli installer une cohabitation au sein de l’Hémicycle.
Le 3 juillet dernier, après des mois de suspense, le Président de la République, Macky Sall a porté son choix sur l’actuel Premier Amadou Ba pour être le candidat de la coalition Benno Bokk Yakaar à la présidentielle de 2024. A quelques encablures de ces joutes électorales prévues le 25 février 2024, c’est donc la course contre la montre pour le «dauphin» de Macky Sall pour aller la recherche de l’adhésion populaire autour de sa candidature. Par conséquent, le Chef de l’Etat n’avait pas d’autre choix que de laisser du terrain à son candidat et de mettre tous les atouts aux côtés de ce dernier pour lui donner les chances de gagner les élections. C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’il l’a maintenu comme Premier ministre, au dernier remaniement ministériel et ce, malgré les appels à la démission lancés de tous bords. Au pas de charge, Amadou Ba entreprend des tournées « déguisées » dites économiques qui vont lui permettre de sillonner le pays qui, économiquement, est presqu’à l’arrêt. Occasion pour lui d’aller à la rencontre des populations locales, d’effectuer des visites chez les chefs religieux, de lancer les grands travaux, et donc de tâter le pouls.
En effet, en plus de profiter des privilèges de l’Etat pour battre campagne grâce à sa casquette de Premier ministre, le candidat de la coalition présidentielle a encore d’autres avantages. Il a le feu vert pour se parader librement dans le pays. En témoigne sa tournée « économique » dans la région de Thiès. Au même moment, les convois des leaders de l’opposition sont fréquemment bloqués alors que les candidats déclarés sont en pleine campagne de collecte de parrainage. Le dernier en date est celui du leader des Forces démocratiques du Sénégal (FDS)/Les Guélewars, Dr Babacar Diop qui a été stoppé par la Police avant d’être relâché. C’était dans la région de Sédhiou lors d’une tournée politique de collectes de parrains. C’est pour dire que le Président Macky Sall pourrait être une béquille pour son dauphin pour une victoire au soir du 25 février 2024. Ce qui prolongera le séjour de la coalition Benno Bokk Yakaar au pouvoir.
Cependant, il est également évident qu’en adoubant Amadou Ba, le Chef de l’Etat pourrait se révéler être un véritable fardeau pour le candidat de la coalition Benno Bokk Yakaar. Et pour cause, Amadou Ba a du mal, aujourd’hui, à se démarquer de son mentor. Or, comme on dit : une présidentielle, c’est une rencontre entre un homme et son peuple. Pis, d’aucuns voient en lui le candidat de la continuité de la politique de Macky Sall. D’ailleurs, l’ancien Premier ministre, Aminata Touré a déjà engagé ce débat. « Le seul défi, c’est le changement. A ce niveau je ne crois pas que le candidat du Président Macky Sall puisse l’incarner. M. Amadou Ba n’est que la tenue de camouflage de M. Macky Sall. Voter pour lui, c’est valider une troisième candidature vigoureusement contestée du Président or le pays aspire au changement. Je ne fais pas partie de ceux qui disent que le Président Macky Sall n’a rien fait. On ne me prendrait même pas au sérieux. Mais le temps est venu de passer à un niveau supérieur et de régler les problèmes puisqu’il en existe quand même surtout en termes de bonne gouvernance et de renforcement de la démocratie », avait déclaré Aminata Touré, après sa tournée effectuée dans l’intérieur du pays.
Le défi relatif à sa position par rapport à la gouvernance politique de Macky Sall se dresse aussi sur le chemin de Amadou Ba vers le fauteuil présidentiel. Un coup dur pour lui du fait que le Sénégal se trouve dans un contexte de conjoncture économique, de cherté de la vie et de reprise de l’émigration clandestine qui a emporté plusieurs jeunes sénégalais.
Mariame DJIGO