Le concept »ubbi tay, jang tay » peine à devenir effective à cause de ‘’nombreux facteurs exogènes’’ qui plombent la mise en pratique de ce concept né du constat fait par la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique
Le concept »ubbi tay, jang tay » peine à devenir effective à cause de ‘’nombreux facteurs exogènes’’ qui plombent la mise en pratique de ce concept né du constat fait par la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (COSYDEP) que les enseignements dans les écoles sénégalaises démarrent des jours voire des semaines après la rentrée des classes.
Ce démarrage tardif des cours a pour conséquence une énorme baisse du quantum horaire, en plus du fort risque de voir chaque année l’école perturbée par des grèves d’enseignants ou d’apprenants.
A l’analyse, ‘’beaucoup d’éléments [sont] en cause’’, dont le manque de moyens de certains parents pour le paiement des frais d’inscription de leurs enfants et des fournitures scolaires, le nettoiement tardif des écoles. Il s’y ajoute que le personnel enseignant est souvent tardivement mis à la disposition des établissements scolaires. Ce sont ces facteurs et tant d’autres qui ont d’ailleurs conduit à l’élaboration du concept ‘’ubbi tey jang tey’’.
C’est ainsi donc qu’est née l’idée de travailler à sensibiliser toute la communauté éducative pour que, dans une dynamique unitaire, le Sénégal puisse arriver à faire démarrer les enseignements le jour de la rentrée scolaire.
Pour le secrétaire général du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (SELS), Hamidou Diedhiou, ‘’ubbi tey, jang tey peut bien être une réalité’’.
‘’L’idée n’est pas forcément de démarrer le jour même de la rentrée, mais plutôt de minimiser le temps perdu et faire en sorte que les cours démarrent au plus tard trois à quatre jours après la rentrée’’, défend le syndicaliste.
Il estime que ceci est ‘’absolument faisable si les parties prenantes, au premier rang desquelles l’Etat, les parents d’élèves, les collectivités territoriales, les syndicats, les enseignants et les ONG actives en éducation y croient et que chacun joue pleinement son rôle’’.
‘’Si chaque acteur comprend bien son rôle et l’assume pleinement, affirme-t-il, le Sénégal peut effectivement réaliser cet idéal qui ne peut être que bénéfique pour le système et nous permettra d’atteindre le quantum horaire visé.’’
L’Etat a la mission régalienne de faire fonctionner l’école et de »permettre ainsi aux enfants en âge d’être scolarisé d’y aller et d’y rester, puisque l’école est du domaine de la souveraineté de l’Etat, rappelle le syndicaliste ».
‘’Pour cette rentrée aux allures d’une rentrée à fort enjeu politique, nous attendons principalement la résolution de la situation des enseignants décisionnaires pour garantir un +ubbi tey jang tey+ et une année scolaire stable’’, martèle Hamidou Diedhiou.
Président de l’Union nationale des associations de parents d’élèves et d’étudiants du Sénégal (UNAPEES), Abdoulaye Fané, pense que c’est »un concept bien à propos et fort novateur qu’il va falloir traduire durant la rentrée en actes concrets sur le terrain ».
‘’Objectif parfaitement atteignable’’
Pour lui, loin d’être une utopie, le démarrage des enseignements dès le premier jour de la rentrée est un objectif parfaitement atteignable, si tous les éléments qui contribuent à sa réalisation sont posés jalon après jalon par tous les acteurs de la chaîne.
L’Etat, les syndicats d’enseignants, les parents, les collectivités territoriales : chaque acteur a une partition à jouer dans la réussite de ce processus, déclare le président de l’UNAPEES.
‘’Nous parents d’élèves, nous œuvrons pour que ça soit une réalité, mais il y a des facteurs exogènes qui font qu’il est difficile (…) que ce concept, dans chaque école, soit effectif’’, a-t-il fait remarquer.
Parmi les ‘’facteurs bloquants’’ figurent, selon lui, l’environnement scolaire avec des écoles sous les eaux ou envahies par les herbes, ou encore sans système d’assainissement, surtout au niveau de la banlieue de Dakar. S’y ajoute la situation de certains départements situés dans le sud du pays, comme Ziguinchor, Kolda, Sédhiou, où l’hivernage commence très tôt et finit tard. Dans d’autres cas, c’est le nombre important d’abris provisoires qui est en cause.
Il a aussi rappelé que la mise à disposition du matériel didactique pose problème, appelant les collectivités territoriales à s’y mettre très tôt afin d’accompagner les écoles du préscolaire et du moyen secondaire.
»Les syndicats sont [certes] dans leur rôle pour demander les conditions meilleures d’exercice de leur métier, mais ils doivent penser à ces enfants et essayer des fois de lâcher un peu de lest au lieu de faire dans les menaces avec des dépôts de préavis de grève avant la rentrée scolaire. Cela crée une psychose au niveau des parents et des élèves’’, critique-t-il.
Il considère qu’il est possible de continuer les négociations tout en assurant les enseignements-apprentissages, estimant qu’aller en grève dès la rentrée des classes pose problème.
‘’ubbi tay jang tay’’ se heurte également aux dépenses onéreuses qui pèsent sur les ménages pendant la rentrée. Certaines familles ne peuvent pas en effet faire face aux frais liés aux inscriptions, aux fournitures, au transport et parfois à l’habillement. Aussi préfèrent-ils retenir leurs enfants en attendant de réunir l’argent nécessaires, explique Abdoulaye Fané.
Une conjonction de facteurs qui fait que +ubbi tey jang tey+ sera très difficile à réaliser, si certains préalables ne sont posés pour soulager les ménages. Pour Abdoulaye Fané, ‘’si chacun s’y met, l’objectif sera sûrement atteint d’ici quelques années’’.
« Une dynamique qui appelle un changement de paradigme »
Pour le directeur exécutif de la Cosydep, Cheikh Mbow dont l’organisation est l’une des initiatrices du concept à côté du Mouvement du 23 juin (M23), ‘’ubbi tey jàng téy’’ est loin d’être irréalisable.
‘’C’est loin d’être une utopie ! Pas du tout. Au contraire, il s’agit d’une dynamique qui appelle un changement de paradigme’’, martèle-t-il.
»Nos modes de penser et d’agir doivent être radicalement transformés’’, suggère-t-il. De son point de vue, ‘’le problème du retard dans le démarrage des cours est loin d’être une fatalité, car les causes explicatives sont à notre portée (…)’’. Tout au plus faut-il ‘’un peu plus de sens de l’initiative, d’organisation et de méthode’’.
‘’Il est évident que les mauvaises habitudes qui engendrent les énormes pertes sur le quantum ne peuvent être éradiquées par décret. Créer les conditions d’un démarrage des cours dès le premier jour de la rentrée suppose que chaque acteur de l’éducation mesure bien ses responsabilités et les assument correctement et à temps’’, estime-t-il.
En plus, »ubbi tey jang tey’’ ne se pose que dans le public alors que le privé et les « établissements non entièrement sénégalais » ne connaissent pas ce problème, fait-il remarquer.
C’est pourquoi, a indiqué Ckeikh Mbow, ces acteurs suggèrent une »évaluation exhaustive » et »sans complaisance » du concept, laquelle doit être faite chaque année avec toutes les composantes du système éducatif, pour identifier les goulots d’étranglement afin de pouvoir y remédier au fur et à mesure.