65 ans après nos indépendances la vie des enfants de KÉDOUGOU est encore terriblement handicapée, comme dans plusieurs régions périphériques du pays du reste par des politiques publiques héritées du colonisateur qui n’avait de rapport avec l’hinterland que son exploitation sauvage au profit de la capitale; ou pour être plus exact au profit de l’étranger.
65 ans après nos indépendances, les enfants de KÉDOUGOU vivent à l’écart sur leur îlot de pauvreté au milieu d’un vaste océan de richesse naturelle: or, diamant, zircon, uranium, marbre, fer, eau, terres fertiles…..
65 ans après notre indépendance, KÉDOUGOU compte encore beaucoup de citoyens de seconde zone. Les rêves de ses enfants sont très tôt brisés, s’il leur arrive même de rêver; car jamais on y a vu le rêve d’un fils du terroir se réaliser. On ne peut y conter en effet aucun success story.
KÉDOUGOU n’est toujours pas libre. Il est exploité politiquement comme économiquement; socialement comme culturellement . Ses enfants sont tous marqués au feu d’une brûlante injustice.
65 ans après nos indépendances, les enfants de KÉDOUGOU languissent encore dans les endroits les plus insécures et insalubres de la société SENEGALAISE comme des exilés dans leur propre pays.
C’est cette condition humaine honteuse que Tomboronkoto a dénoncé hier . Comme réponse à cette légitime requête, notre gendarmerie nationale avait brûlé ses maisons et embastillé ses fils.
Aujourd’hui c’est au tour de Khossanto de dénoncer cette flétrissure sociale en protestant contre la modification d’un arrêté préfectoral, fixant la composition et le fonctionnement des commissions de recrutement de la main-d’œuvre locale non qualifiée par les entreprises minières.
Pour rappeler que l’impunité est la valeur la mieux partagée dans le pays, cette même gendarmerie sans aucun problème de conscience ni de regret a préféré célébrer l’anniversaire du 11 septembre 2011 en versant ce 11 Septembre 2023 le sang d’innocents citoyens qui ont seulement commis le crime de refuser de donner la haute main à l’administration territoriale sur les processus de recrutement, au détriment des villageois qui présidaient eux-mêmes les commissions pour plus d’inclusion et d’équité.
On parle bien d’emplois non qualifiés; mais hélas ! il fallait aussi leur arracher ces morceaux de pains de la bouche.
Et qui pose cet acte inique et injuste ? Notre État itself.
Vous le verrez très prochainement amuser la galerie en affectant vers une autre périphérie le commandant de brigade ou le préfet en guise de sanction; mais de qui se moque-t-on ?
Les instructions du commandant comme du préfet ne sont que les conséquences d’une cause plus profonde de mal gouvernance et de pénurie criarde d’éthique dans le pays.
Regardez combien deviennent de plus en plus ridicules certains arrêtés de notre administration  !
Ils cassent en effet l’État, infantilisent nos institutions et installent le pays dans une crise de confiance, de méfiance et de défiance de nos institutions.
Quand on fait chanter l’hymne aux enfants des périphéries, quand on leur parle de la République, quand on leur explique la devise du pays: un peuple, un but, une foi, on leur fait croire qu’ils sont eux aussi héritiers des vaillants devanciers et qu’ils peuvent donc devenir comme eux ou même les surpasser.
La République leur faisait la promesse que tous les enfants, de quelle que région qu’ils puissent être auraient la garantie que les droits inaliénables de la vie, de la liberté et de la quête du bonheur leur étaient assurés.
Il est évident aujourd’hui que l’État du Sénégal a manqué à ses promesses à l’égard de ses citoyens des périphéries.
Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’État et surtout le gouvernement actuel a délivré au peuple des périphéries un mensonge d’État.
Il n’y aura ni repos ni tranquillité dans le pays jusqu’à ce qu’on ait accordé aux citoyens de chaque région ses droits de citoyen.
Les tourbillons de la révolte comme aujourd’hui à khossanto, hier à Tomboronkoto, avant hier à Ngor … ne cesseront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’à ce que le jour éclatant de la justice apparaisse.
Les tourbillons seront encore plus dangereux dans des régions périphériques telles que Kédougou qui constitue la frontière naturelle de notre pays avec des pays déjà déstabilisés par le terrorisme.
Faites des routes. Construisez des usines pour les riches, mettez partout des immeubles; forcez les à devenir vos électeurs, sachez néanmoins qu’ils ne seront jamais satisfaits aussi longtemps que les enfants de KÉDOUGOU seront les victimes d’indicibles horreurs de la brutalité policière.
Ils ne pourront être satisfaits aussi longtemps que leurs études ne leur permettront pas d’être des actionnaires et d’occuper les postes de directions dans ces sociétés minières.
Ils ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que la liberté d’expression et de manifester leur sera opposée par des coups de fusil, les menottes ou l’incendie dans leurs foyers.
Ils ne pourront être satisfaits aussi longtemps que l’administration publique et le service public n’offriront pas aux enfants comme aux adultes respect, empathie, assistance et accompagnement dans leur ascension sociale.
Ils ne pourront être satisfaits aussi longtemps que les pouvoirs publics ne seront pas les premiers à préserver la vie humaine et à la sécuriser.
Ils ne pourront être satisfaits aussi longtemps qu’ils ne seront pas impliqués dans la gestion des affaires de leur cité, qu’il n’y aura pas de répartition équitable des revenus générés par les ressources naturelles et extractives .
Ils ne pourront être satisfaits que lorsque l’État continuera d’être myope et de manquer de générosité pour favoriser un aménagement équitable du territoire national pour garantir la prospérité, la stabilité et la paix sociale. Â
Ils attendent de l’État qu’il investisse dans la vocation naturelle de chaque région. Pour Kédougou ce n’est pas l’or jaune mais l’or vert: la faune, la flore, le beau, la terre , sa géographie, sa culture, bref l’économie de la vie.
Non, ils ne seront pas satisfaits et ne le seront jamais, tant que le droit ne jaillira pas comme l’eau, et la justice comme un torrent intarissable.
Non ils ne seront pas satisfait parce qu’on a abrogé l’arrêté préfectoral. Ils exigent plus : qu’on « abroge » aussi cette mentalité des hommes qui nous gouvernent et qui ont eu l’outrecuidance de proposer de tels textes.
Non, ils ne seront pas satisfaits et ne le seront jamais, tant que les personnes qui les tuent quand ils manifestent conformément à leur constitution ne sont pas identifiées, démasquées et traduites devant la justice.
Qu’une enquête sérieuse et indépendante soit donc urgemment diligentée pour situer les responsabilités et édifier les sénégalais sur cette sordide histoire qui comme un phare remet une lumière vive sur les errements de nos politiques publiques et des hommes qui les portent.
Pour une fois on espère avoir un rapport d’enquête transparent qui sera rendu public. Pour une fois on espère comme dans les grandes démocraties que peut-être les conclusions de l’enquête amèneront le gouvernement à condamner le gouvernement ; l’État à condamner l’État.
Au nom de tous les miens, n’est-il venu le temps d’organiser les assises nationales des forces de l’ordre compte tenu des abus constatés ces dernières années et dans le but ultime de les réconcilier avec leur mission première qui est de servir les sénégalais. Â
En effet les opérations de maintien de l’ordre sont régulièrement accompagnées de pertes en vies humaines.
Pour finir, je m’incline pieusement devant la dépouille des personnes mortes à Khossanto et je présente mes sincères condoléances à leurs familles.
J’exprime toute ma compassion et toute ma peine aux personnes blessées et aux personnes dont les biens ont subi des dommages.
MOUSTAPHA GUIRASSY
PRESIDENT DU PARTI SET