Midi à Touba ce dimanche. En cette journée animée, à la veille du grand Magal de Touba, la cité religieuse est en pleine ébullition. Le marché central de Touba Ocass se distingue particulièrement par la présence massive des charrettes tirées par des chevaux et des ânes, qui perturbent la circulation environnante.
Plus d’une centaine de ces charrettes parcoure les rues, à la recherche de clients, s’arrêtant où bon leur semble pour accoster les passants et leur proposer leurs services. Elles ne respectent guère les règles de circulation, empruntant parfois même les sens interdits, occupant la route, les trottoirs et même les ronds-points. Leur popularité auprès des pèlerins en quête de transport rapide les conduit à envahir la ville religieuse.
Au milieu de ce tumulte, Samba, charretier se démarque, vêtu d’un t-shirt noir déchiré, d’un jean et d’une casquette, un sifflet de couleur rose dans la bouche, tente de réguler le chaos qui règne parmi les personnes occupant les routes. Son visage ruisselle de sueur alors qu’il brandit un fouet, s’engageant dans une dispute houleuse avec un autre charretier. Accusations et insultes fusent, chacun blâmant l’autre pour un accident évité de justesse.
« Comment peux-tu voir que je suis en train de tourner et te précipiter ainsi ? Tu as failli blesser mon cheval. C’est quoi ces manières méchantes ? Nous pouvons tous circuler en paix », assène-t-il. Son protagoniste réplique avec des insultes, l’accusant d’avoir blessé ses clients, dont l’un est descendu de la charrette à cause du choc. L’homme, le visage noir de colère, déverse sa frustration.
Les riverains interviennent pour séparer les deux hommes qui s’apprêtaient à en venir aux mains. Après cinq minutes de discussions tendues, les deux charretiers reprennent la route, se dirigeant dans des sens opposés.
Les charrettes en vedettes
Ces incidents ne sont pas rares en cette période. Au marché Ocass, les charrettes semblent dicter leur propre loi, criant à tue-tête des destinations telles que « Mbacké, Mbacké, Mbacké… 200 francs seulement ». Des passagers, parfois désorientés, s’approchent d’eux pour solliciter des informations, cherchant à rejoindre leur destination malgré les flaques d’eau boueuses qui jonchent le marché.
Non loin de là, une intersection est obstruée par les charrettes, mettant à rude épreuve les policiers chargés de réguler la circulation. Cette situation chaotique perturbe également les piétons, à l’instar de Ndoumbè Fall, une pèlerine venue de Dakar, qui saute sur le trottoir pour éviter une charrette lancée dans sa direction. Elle exprime son mécontentement envers les « conducteurs indisciplinés ».
« Tu ne peux pas regarder où tu vas ? Vous êtes vraiment impolis. C’est ainsi que vous faites, jusqu’à blesser les gens. Pourquoi tant de précipitation ? Vous voyez bien que le marché est bondé, alors prenez votre temps », lance-t-elle avec dédain.
« 70 % des embouteillages à Touba sont causés par les charrettes… »
Pas très loin de la grande mosquée de Touba, le marché Ocass est le point de rencontre de nombreux pèlerins et charretiers. « À partir d’ici, on peut se rendre partout à Touba, et des centaines de milliers de personnes affluent ici. C’est un lieu très prisé pour acheter des cadeaux ou faire des courses. En cette période, les charrettes sont très utiles, mais elles posent également des problèmes en occupant les zones de stationnement et les passages piétons. En fait, 70 % des embouteillages sont causés par elles. Elles ne semblent pas se soucier de gêner les autres et font ce qu’elles veulent. À la fin de la journée, c’est épuisant, même pour nous qui marchons, nous avons du mal à les éviter », déplore Assane Diop, un riverain en s’essuyant le front sous le chaud soleil.
Malgré ces désagréments, de nombreux pèlerins considèrent les charrettes comme des moyens de transport indispensables en cette période où la ville est submergée de visiteurs. Mame Diarra, une jeune femme rencontrée dans les rues de Darou Minam, témoigne de leur utilité et de leur popularité, notamment pour se rendre à la mosquée ou visiter des amis.
« Les charrettes sont très utiles. Beaucoup de pèlerins aiment les utiliser et se prendre en photo dessus en guise de souvenir. Moi, chaque année quand je viens, j’en prends pour me rendre à la mosquée et pour rendre visite à mes amis qui habitent à Dianatou. Ce n’est vraiment pas facile de trouver une voiture en ce moment, et certaines rues ne sont accessibles qu’aux charrettes. Personnellement, je les préfère pour me déplacer », témoigne la jeune femme.
Ainsi, malgré les problèmes qu’elles engendrent, les charrettes demeurent indétrônables à Touba. La célébration du grand Magal de Touba, prévue pour demain le 4 septembre, promet de maintenir cette effervescence dans la ville religieuse.
Ndeye Fatou Touré