Crise au Niger: Alassane Ouattara ou le boutefeu de la CEDEAO (Par Babacar Justin Ndiaye)

par pierre Dieme

Le Nigérian Bola Tinubu est certes le chef de file des faucons ; mais Alassane Ouattara reste le boutefeu le plus déchainé de la CEDEAO. Est-ce un hasard ou une division du travail programmée par la Puissance étrangère qui s’ingère de la façon la plus brutale dans les affaires de l’Afrique de l’Ouest ? La réponse coule de source comme sur la pente la plus abrupte des « 18 Montagnes » de Man, dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire.

En effet, le chef de l’État ivoirien fait rageusement résonner le tambour de la guerre, dans une démarche paradoxalement à géométrie variable. Jugez-en ! Le Burkina qui a enregistré deux coups d’État (putsch du Colonel Damiba et coup de force du Capitaine Traoré), est moins lourdement sanctionné que le Niger, théâtre d’un seul pronunciamiento militaire. Question : la légitimité du Président Mohamed Bazoum est-elle supérieure à celle de son ex-collègue Roch Christian Kaboré, pourtant mieux élu, selon les observateurs ?

L’explication de la modulation des punitions se niche dans l’Histoire personnelle du Président Alassane
Ouattara. En vérité, ce dernier est plus charnellement burkinabé qu’ivoirien. Des faits sont éloquents à cet égard. Après avoir décroché le baccalauréat au Lycée Zinda Kaboré, dans la capitale du Faso, le brillant élève Ouattara (né en Côte d’Ivoire) bénéficia d’une des bourses américaines octroyées au gouvernement du Président Maurice Yaméogo. Ii atterrit en Pennsylvanie.

Il va sans dire qu’avec une telle odyssée (volontairement ramassée et non détaillée), le Président Ouattara garde le Burkina dans ses viscères ; et fait le maximum pour épargner ses tantes, ses oncles et autres neveux encore présents dans la patrie des Moro Naba, des affres d’une fermeture hermétique des frontières..

En revanche, il dirige (sans aucune pitié) la panoplie des plus sévères sanctions sur le Niger et ses populations. Des citoyens nigériens totalement innocents et non préalablement informés ; encore moins associés aux préparatifs du coup d’État du Général Tchani.

Bref, celui qui avait expédié Laurent Gbagbo à la CPI pour crimes de guerre, se fait l’avocat véhément des crimes de sanctions (en attendant les inévitables dégâts collatéraux d’une intervention militaire) sur des bébés nigériens en agonie dans les hôpitaux sans électricité de Niamey et de Zinder.

Justement, le Président Gbagbo, grand magicien des formules mémorables, explique que Monsieur Alassane Ouattara a une « nationalité ambiguë ». Tout comme le tchado-nigéro-libyen Mohamed Bazoum possède « une nationalité équivoque ».  À ce propos, on peut dire que c’est le temps ou le printemps des « métèques », pour emprunter le titre d’une chanson de George Moustaki. Les métèques étant les sans-patrie.

Sinon, comment comprendre que l’Intellectuel très cultivé et très fécond Mohamed Bazoum (un Philosophe féru d’Histoire) puisse suivre un chemin potentiellement inondé de sang que deux Présidents de la sous-région, Kaboré et IBK, ont fermement évité par patriotisme ardent et inoxydable. Autrement dit et bien compris, au Niger, la légitimité et l’ordre constitutionnel doivent être impérativement rétablis ; y compris dans un cimetière national de 1 266 000 Km2 ou dans une sorte de Somalie du Sahel.

En octobre 2022, lors du coup d’État en cours du Lieutenant-Colonel Damiba, le chef de l’État du Faso avait refusé l’affrontement entre deux fractions de l’armée nationale. Pourtant, le Président Roch-Christian Kaboré (un banquier formé à Dijon) conservait une fidèle « clientèle » dans l’armée burkinabé. En outre, les commandos de l’opération SABRE et leurs hélicoptères campaient dans  le pourtour de l’Aéroport de la capitale. Même attitude adoptée par IBK qui avait ordonné à sa Garde de baisser les armes.  

En cette mi-août 2023, le décor de la guerre du Niger prend progressivement forme. Toutefois, les clivages fleurissent au cœur du bloc ouest-africain. Certains chefs d’État condamnent les échappées solitaires du Togolais Faure Eyadema. Des échappées solitaires qui, aux yeux de certains observateurs, sont moins mauvaises que les combines…solidaires. La seule certitude demeure que les rangs des pays non-partants grossissent. Et finalement, c’est une demi-CEDEAO qui ira éventuellement au combat.

Dans cette perspective-là, Ouagadougou et Bamako doivent réfléchir intensément avant de poser des actes, c’est-à-dire d’envoyer des soldats en territoire nigérien. La France embusquée saisira tout prétexte réel ou artificiel de menace contre la vie de ses 1 500 soldats, pour déclencher des bombardements aériens massifs et en profondeur sur les territoires du Mali et du Burkina. Arguments opérationnels et prévisibles : couper le flux de la logistique et entraver l’intendance ou les divers appuis des armées alliées de la Junte de Niamey.


S’agissant de la posture menaçante du Nigeria, les observateurs sont frappés d’étonnement. Si l’ancien chauffeur de taxi et actuel Président du Nigeria avait lu une seule page de l’Histoire récente de son  pays, il n’aurait ni coupé l’électricité ni menacé militairement le Niger. En effet, le premier Président du Niger, Diori Hamani, avait refusé de reconnaître l’État sécessionniste du Biafra proclamé par le Colonel rebelle Ojukwu. Malgré les pressions combinées du Général De Gaulle, de Jacques Foccart et de ses propres amis africains : Houphouët Boigny et Omar Bongo.

Rappelons que la guerre du Biafra (1967-1970) avait pour objectif, le démantèlement de la République Fédérale du Nigeria, à travers l’indépendance de la province la plus riche en pétrole. Voilà comment Diori Hamani, un des sauveurs du Nigeria et ami personnel du Général Yacoubou Gowon, est payé en retour pour de fumeuses considérations d’ordre constitutionnel.

Par ailleurs, Emmanuel Macron ne doit point être agacé par les initiatives en solo du Président togolais. Le 1er mai 1977, lorsque le Polisario (guerre du Sahara Occidental) pénétra dans la ville mauritanienne de Zouérate et captura des coopérants français, c’est le Général Gnassingbé Eyadema (père de Faure et médiateur devant l’Éternel) qui obtint la libération des otages français déposés à Lomé puis remis au Président Valéry Giscard d’Estaing.

Par Babacar Justin NDIAYE 

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