25 juillet 2023-25 février 2024. C’est sept mois jour pour jour qui nous séparent de l’élection présidentielle ; environ un mois de la date limite pour le retrait des formulaires pour le parrainage. Jusque-là, le président de la République n’a pas livré le nom de son candidat pour sa propre succession.
Alors que dans les partis alliés, l’on essaie de se conformer à la promesse de donner carte blanche au président de la coalition, dans les rangs de l’Alliance pour la République, c’est plutôt une rude bataille entre les différents candidats à la candidature. Ce qui rend d’autant plus difficile le choix du patron. ‘’Ce qui est bizarre, c’est que tout le bruit vient du parti même du président de la République, l’Alliance pour la République. Vous n’avez pas entendu trop de bruit au niveau des autres formations’’, fait remarquer cet analyste, proche des dirigeants de la majorité présidentielle.
Plusieurs fois annoncé depuis la déclaration de non-candidature du président Sall, le 3 juillet dernier, le choix de Macky Sall reste toujours un mystère. Pour beaucoup d’observateurs, quelle que soit la décision, elle risque d’être lourde de conséquences pour le parti présidentiel, éventuellement aussi pour la majorité. Pour désamorcer la bombe, des auditions ont eu lieu dernièrement, avec la deuxième personnalité de la majorité, en l’occurrence l’ancien président de l’Assemblée nationale Moustapha Niasse. À l’arrivée, la plupart des candidats déclarés ont défilé devant le patron de l’Alliance des forces de progrès. Parmi eux, le Premier ministre Amadou Ba, bien qu’il n’ait jamais déclaré publiquement sa candidature ; le ministre de l’Agriculture et maire de Linguère Aly Ngouille Ndiaye ; le président du Conseil économique, social et environnemental Abdoulaye Daouda Diallo ; le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations Mamour Diallo, l’ancien Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne et le DG du Fonsis Abdoulaye Diouf Sarr.
Selon le journal ‘’Les Échos’’, les questions avaient tourné autour de deux points essentiels. ‘’Qu’avez-vous de plus que les autres candidats à la candidature ?’’ ; ‘’Êtes-vous prêt à vous ranger derrière celui qui sera choisi ?’’.
Abdoulaye Daouda Diallo mine le Fouta
Recevant dernièrement le PM sur son plateau à la 7TV, la journaliste Maimouna Ndour Faye est un peu revenue sur les réponses de certains des candidats auditionnés. À l’en croire, Aly Ngouille Niaye s’engage à soutenir Abdoulaye Daouda Diallo et vice-versa, au cas où l’un des deux arriverait à être choisi. Tous les deux auraient également émis des réserves dans le cas où c’est l’actuel PM qui est choisi, comme s’ils s’étaient passé le mot.
Pour sa part, Amadou Ba, si l’on en croit toujours la patronne de la 7TV, aurait soutenu qu’il n’a pas de problème de personne avec ses adversaires (les propos ont été tenus devant le concerné qui n’a pas démenti, NDLR). Des informations qui présagent déjà des conséquences que pourrait engendrer la décision du président de la République dans un sens ou dans un autre.
Lors du face-à-face entre le président et les élus de la majorité, deux jours avant la déclaration de non-candidature, le président du groupe parlementaire, Oumar Youm, prévenait déjà : ‘’Je n’ai vu aucun autre candidat qui peut rassembler la famille Benno Bokk Yaakaar. Si vous voulez que votre famille se disloque, c’est facile, déclarez juste que vous n’êtes pas candidat. Vous êtes le seul à pouvoir garder la famille unie ; personne d’autre.’’
Mais plus que ce souci de gérer les états d’âme de ses lieutenants ambitieux, le plus dur pour le président Macky Sall sera de satisfaire sa base affective. Quel choix pour continuer à conserver la même domination, ou à tout le moins limiter les dégâts, dans ses bastions comme le Sine, le Saloum, le Fouladou, le Sénégal oriental, le Ndiambour, le Djolof, mais surtout le Fouta revendiqué comme son ‘’titre foncier’’ et où il fait les scores les plus importants depuis 2012 ?
Voilà la partie la plus difficile de ce choix et il se trouve que chaque décision aura son lot de conséquences.
Conscient des enjeux et du poids que peut représenter le Fouta dans l’électorat de Benno Bokk Yaakaar, l’ancien ministre de l’Intérieur, qui a l’avantage de bien maitriser les réalités électorales, Abdoulaye Daouda Diallo, tente de jouer son va-tout dans cette partie nord du pays, où il effectue pas mal de sorties, depuis quelque temps, dans l’optique de mobiliser les dignitaires et surtout les grands électeurs.
L’actuel président du Conseil économique, social et environnemental a bien évidemment été également chez Thierno Samassa, passage incontournable dans cette partie du pays pour les candidats. Nul doute qu’il n’a pas manqué de profiter de ces rencontres pour faire augmenter la pression sur le président de la République ou même avoir la bénédiction de sa candidature, quelle que soit la décision du président Sall.
Une alliance stratégique entre Abdoulaye Daouda Diallo et Aly Ngouille Ndiaye contre Amadou Ba
Cela dit, pour notre interlocuteur qui connait bien les réalités politiques de la zone, une des plus grandes difficultés de Daouda Diallo sera de convaincre l’influent Farba Ngom et sa bande (le ministre Moussa Bocar Thiam, le DG de l’APS Thierno Amadou Sy, le maire de Ouro Fondé, pour ne citer qu’eux). L’autre grand électeur à convaincre pour espérer faire le maximum de voix dans le Fouta, c’est Arona Dia et ses soutiens qui sont également indispensables dans la région.
Pour ce qui est de Farba, le PM Amadou Ba a une bonne carte à jouer. Avec le griot du président, il semble entretenir une relation qui date même d’avant l’arrivée du président au pouvoir. Et c’est le PM lui-même qui vendait la mèche, il y a quelques jours. ‘’C’était en 2011 ; Farba était passé me voir à mon bureau. À un moment, il était au téléphone avec Macky Sall qui était candidat. Il s’est éloigné un peu pour parler, avant de me le passer par la suite. Macky Sall m’avait donné de bons conseils, avant de me dire qu’il allait faire de moi un ministre, s’il est élu président de la République’’.
Par ailleurs, ce pourrait être trop réducteur, voire handicapant, pour un candidat à la succession, de ne miser que sur le bastion que constitue le Fouta.
En effet, la force du président Sall, c’est bien plus que le seul Fouta. C’est aussi le Sine avec Fatick et Kaffrine, le Saloum, le Ndiambour, le Fouladou, de même qu’à Tambacounda. Dans la plupart de ces localités, il a très souvent des scores au-dessus de la barre des 50 %.
En outre, même s’il est difficilement jouable pour le camp présidentiel, Dakar, Thiès et Touba seront décisives lors des prochaines batailles électorales. Répondant à ceux qui l’accusent de ne pas avoir une base, le PM disait : ‘’Il ne faut pas oublier qu’on peut perdre Dakar et avoir quatre ou cinq fois les voix de quelqu’un qui a gagné dans une autre localité. Il faut donc relativiser. Dakar représente un poids très important, soit 1/4 de l’électorat. Ce n’est pas comparable avec les autres localités. Pour les élections à venir, si on perd Dakar, le second tour est assuré.’’
Le PM affaibli, mais toujours favori
Annoncé comme le grand favori de ces ‘’primaires’’, Amadou Ba devra faire face à de nombreux accueils. En sus du défaut de base qui lui a toujours été collé, il est également confronté à l’alliance stratégique entre Aly Ngouille Ndiaye et son grand rival Abdoulaye Daouda Diallo. Encore qu’il n’est pas non plus assuré d’avoir le soutien de tout Dakar où ses partisans et ceux de Diouf Sarr se sont déjà signalés par leurs divergences.
Une chose est sûre : pendant qu’il essaie de se la jouer très prudent, sans doute pour ne pas frustrer le chef de l’État, ses adversaires, eux, conscients de leur retard, tentent de jouer le tout pour le tout pour combler le gap. Dans cette perspective, des alliances se négocient et se nouent entre ‘’APR authentiques’’ pour lui barrer la route. ‘’Il doit être un compagnon historique du président, un membre fondateur de l’APR, quelqu’un de loyal envers le président, son parti et ses alliés’’, disait le député Abdoul Mbow que d’aucuns présentent parmi les soutiens de Daouda Diallo.
Même s’il préfère jusque-là dissimuler son jeu, Amadou Ba est lui aussi crédité d’un bon réseau chez les responsables les plus significatifs de l’Alliance pour la République et de la coalition Benno Bokk Yaakaar.
Difficile, selon nombre d’observateurs, de trouver un profil qui suscite le plus d’adhésion. Cette force, c’est aussi sa faiblesse, puisqu’il est également l’ennemi à abattre chez la plupart des candidats à la candidature. Et pour éviter cette guerre fratricide, le président pourrait opter pour un joker, qui a l’avantage d’être moins clivant. C’est le principal argument de ceux qui ont tenté de vendre la candidature de l’ancien PM Mahammad Boun Abdallah Dionne.