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Moins d’un an après leur élection pour représenter les Sénégalais, les députés sont aujourd’hui à la croisée des chemins. Entre le respect du suffrage, de la confiance des électeurs et les stratégies politiciennes d’un président de la République en fin de mandat, les parlementaires devront choisir. Pour la première fois, des députés devront signer leur mort politique en votant pour la modification de la loi 87 autorisant dorénavant le président Macky SALL à dissoudre l’assemblée nationale d’ici le 31 juillet prochain.
Si pour empêcher l’élection de Mimi TOURÉ à la tête de l’assemblée nationale et imposer l’actuel président Amadou Mame DIOP, il a fallu beaucoup de subterfuges à Macky SALL, allant même jusqu’à “garder à vue” dans un hôtel les 82 députés de BBY des jours avant l’installation de la 14e législature sans compter certains avantages. Force est de reconnaître qu’il faudra beaucoup manœuvrer, menacer, promettre monts et merveilles aux députés de voter favorablement la modification de la loi 87 de la Constitution. Une modification si elle passe, est synonyme de la fin de la 14e législature moins de 12 mois après son installation.
Avec une majorité relative à l’assemblée nationale pour la première fois de l’histoire politique du Sénégal, Macky SALL qui avait réussi à installer au forceps Amadou Mame DIOP, n’est toujours pas à l’abri d’une surprise à 6 mois de la fin de son bail à la tête du pays. Les dernières élections locales et Législatives ont montré à suffisance une percée de l’opposition et principalement de son leader emblématique Ousmane SONKO. Assez pour le pouvoir de jouer les cartes de l’invalidité de la candidature du Maire de Ziguinchor en le jugeant et le condamnant en mode Fast-track sur deux affaires, celle de viols multiples l’opposant à Adji SARR et l’autre de diffamation contre Mame Mbaye NIANG le ministre du Tourisme. Sans conséquences immédiates sur l’avenir politique de Ousmane SONKO, les verdicts de ces deux procès avaient plongé le Sénégal dans une nouvelle spirale de violences avec à la clé, plus d’une vingtaine de morts.
Face au tollé général et le traitement de la presse internationale, Macky SALL recule et convoque un dialogue national pour rendre éligibles à nouveau Khalifa SALL et Karim WADE…et écarter légalement Ousmane SONKO
Pour obtenir la tête de l’enfant terrible de la politique, quoi de plus simple pour Macky SALL d’associer certains opposants à la mise à mort du leader de Pastef crédité d’une victoire lors de la présidentielle du 25 février 2024. Ainsi, Khalifa SALL l”ex Maire de Dakar et leader de Taxaxou Senegal de même que Karim WADE, candidat du PDS, tous deux condamnés et déchus de leurs droits civiques, pourront être sur la ligne de départ pour février 2024 à travers la modification des articles L 28, L 29 et L 30 du Code électoral. Une modification qui permet également de mettre Ousmane SONKO définitivement sur la touche, ouvrant un boulevard pour le candidat de Macky SALL.
Mais, cette participation à la présidentielle se fera à la condition pour les deux futurs candidats, d’apporter leur soutien au vote du projet de loi portant modification de l’article 87 autorisant le président Macky SALL à dissoudre l’assemblée nationale pendant les 12 premiers mois après son installation. Sacré dilemme pour Taxaxou Senegal et le PDS qui, en acceptant de voter ledit projet de loi, ne sont plus maîtres de leurs destins pour passer le cap du parrainage. En effet, Khalifa SALL et Karim WADE disposant chacun d’au moins 13 députés, passeront sans dégâts l’étape cruciale du parrainage si l’article L 28 du Code électoral est modifié ce lundi.
Ousmane SONKO suspendu à la volonté des Sénégalais pour sa participation à la présidentielle, Khalifa SALL et Karim WADE contraints de participer à la dissolution de l’Assemblée nationale pour espérer être candidat
Pour rappel, Macky SALL n’aura pas besoin de 3/5ème des députés pour réviser la constitution, en réalité, il lui faudrait juste les 3/5ème des suffrages exprimés. En termes plus simples, le président de la République pouvait compter sur ses 82 députés qui lui assurent le passage de la loi sans trop de dégâts, avec l’absence des 13 députés de Taxaxou Senegal et les 25 de Wallu Sénégal. En effet, cette acrobatie juridique a été introduite lors du référendum de 2016; et cela induit qu’au Sénégal, il faut plus de voix pour modifier une loi organique (exigence de la majorité absolue des membres composants l’assemblée nationale, soit 84 députés) que pour réviser parfois la constitution qui est la norme fondamentale.
Dans ce cas, pourquoi Macky SALL tient-il à faire participer Khalifa SALL et Karim WADE à la dissolution de l’Assemblée nationale ? Simplement pour partager avec eux les effets impopulaires de cette nouvelle disposition constitutionnelle qui est un couteau à double tranchant. En effet, si la loi 87 passe, Khalifa SALL et Karim WADE ne seraient plus sûrs de passer le cap du parrainage des élus mais, pourraient compter sur la mansuétude de Macky SALL lors du parrainage citoyen qui n’offre aucune garantie à un quelconque candidat à la présidentielle.
À rappeler qu’en prenant le décret de dissolution de l’Assemblée nationale après la modification de la loi 87, le président Macky SALL fixe également la date du scrutin pour l’élection des députés. ” Un scrutin qui a lieu soixante jours au moins et quatre-vingt dix jours au plus après la date de la publication dudit décret “
Atlanticactu/ Dakar/ Cheikh Saadbou Diarra