Procés Adji Sarr-Sonko: Au nom de la vérité….

par pierre Dieme



Quand la République est en danger, ses fils doivent s’engager à la défendre même au péril de leur vie.


Depuis le prononcé du verdict du procès opposant Le ministère public et Adji Rabi Sarr à Ousmane Sonko et Ndèye Khady Ndiaye,  beaucoup de personnes ont fait des sorties  médiatiques afin d’éclairer l’opinion sur le fondement juridique de la décision rendue par la Chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar .

A l’entame de mon propos,  Je tiens à dire que je  respecte la position de chacun , ce qui, d’ailleurs, me donne droit de donner la mienne. 

Avant de chercher à éclairer l’opinion comme chacun le propose à tort ou à raison, je l’ai déjà dit, éclairons-nous nous même juristes car charité bien ordonnée commence par soit même. Aussi, dans mon analyse, le délit de menaces de mort sera-t- il laissé de côté à dessein, parce que ne présentant aucun intérêt juridique particulier.

Pour justifier sa décision d’entrer en voie de condamnation, la Chambre criminelle a estimé nécessaire de donner aux faits portés à sa connaissance une qualification juridique  autre que celle retenue à l’origine des poursuites. C’est légal !  Personne ne le conteste. Seulement, c’est l’infraction retenue qui pose débat et ceci  pour plusieurs raisons. 

D’abord au début de la procédure, Ousmane Sonko est poursuivi pour viol et Ndèye Khady Ndiaye pour Complicité de ce crime. . Autrement dit, pour avoir, le premier, commis un ou des actes de pénétration sexuelle sur sa victime par violence, contrainte, menace ou surprise et, le second, provoqué ou donné des instructions , fourni les moyens nécessaires ou  aidé ou assisté l’auteur du viol. Donc, après enquête, le Procureur avait en principe dans son dossier suffisamment d’éléments objectifs faisant penser à la commission  des crimes de  viol et de Complicité de viol.

Après clôture de son information, le juge d’instruction en charge du dossier a renvoyé l’affaire en jugement parce que convaincu de l’existence de charges suffisantes contre les inculpés Ousmane Sonko et Ndèye Khady Ndiaye. Mais curieusement à l’audience, ni le juge, ni le procureur n’ont cherché à assoir ou à écarter la thèse du viol et de sa Complicité en posant des questions à la victime et aux  témoins relatives aux circonstances de commission des infractions, aux dates, aux  moyens utilisés et à la raison du mutisme de la victime pendant aussi longtemps . Elle l’aurait fait, la Chambre aurait édifié le monde entier sur la véracité ou non des dires de  Adji Sarr.  Malheureusement , les magistrats se sont tout juste contentés de circonscrire l’affaire autour  d’un plat  que leur a servi, de la manière la plus scabreuse possible,  la victime et qui,  vraisemblablement , était exclusivement destiné à rassasier « les affamés de sexe ». 

Au lieu de recentrer les débats et de bien définir les contours  du problème du jour, la Chambre a laissé Adji la liberté totale de lui faire le récit d’une affaire  qui ressemblait beaucoup plus à une uchronie que de faits qui se sont réellement déroulés comme par elle présentés.

A la fin de l’histoire, et bien sûr il ne pouvait en être autrement, la Chambre criminelle a sorti, de nulle part, comme dans une séance de prestidigitation, une infraction imaginaire pour entrer en voie de condamnation contre les accusés.

La bizarrerie dans cette histoire se trouve  réellement dans le dispositif du jugement où il est clairement dit que Ousmane Sonko est reconnu  coupable du délit de corruption de la jeunesse et ainsi condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement ferme et à une amende de six cent mille francs, en application des dispositions de l’article 324 avant dernier alinéa du code pénal.

Ce texte,   parlons en!

Contrairement à une certaine opinion qui a été distillée dans la presse, sans doute par des non sachants, l’expression corruption de la jeunesse existe bel bien dans les dispositions de l’article 324 du code pénal.

En effet, ce texte dispose : Sera puni des peines prévues au présent article, quiconque aura attenté aux mœurs en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou de l’autre sexe au- dessous de l’âge de vingt et un an, ou, même occasionnellement, des mineurs de seize ans.

Si on le lit  bien, le texte prévoit et punit les attentats aux mœurs commis en excitant, favorisant ou facilitant la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou de l’autre sexe en dessous de l’âge de vingt et un an. 
Donc, l’article 324 du code pénal ne prévoit pas une infraction appelée corruption de la jeunesse mais plutôt une infraction appelée attentat aux mœurs. Autrement dit, la corruption de la jeunesse utilisée dans ce texte n’est pas en soit une infraction mais plutôt une modalité de commission d’une infraction appelée attentat au mœurs. Donc, après une disqualification des faits, la Chambre devait dire dans son dispositif de jugement qu’ après disqualification des faits , Ousmane Sonko est déclaré coupable du délit d’attentat aux mœurs par corruption de la jeunesse d’une personne âgée de moins de vingt et un an. Malheureusement,  impatiente de juger l’affaire dans les délais impartis, elle a commis  la grossière erreur de condamner Ousmane Sonko pour une infraction qui n’existe pas réellement. C’est Ce  qui évidemment, lui à coûter une dérision bien méritée.

Sous un autre angle mais cette fois-ci procédurale, la Chambre criminelle a dit avoirs disqualifié les faits pour pouvoir retenir une autre incrimination contre Ousmane Sonko et ainsi entrer en voie de condamnation contre lui. Mais là aussi, la démarche de la Chambre n’est pas exempte de reproche dans la mesure où il est trivial que lorsqu’une juridiction de jugement decide de requalifier des faits lors d’un procès, elle doit faire apparaître clairement dans les débats d’audience son intention de les  faire évoluer vers une qualification juridique qui les épouse le mieux afin de permettre à toutes les parties de se défendre  convenablement. Il y va de la compréhension même par tout le monde de sa décision future

On va me dire que Ousmane Sonko était jugé par contumace et, de ce fait, ne pouvait se voir offrir cette possibilité . C’est vrai, mais quid de Adji Sarr? Elle est partie au procès à ce que je sache et, à ce titre, devait être informée, de part la tournure des débats d’audience, que  les faits allaient revêtir une qualification autre que celle pour laquelle elle s’était constituée partie civile à l’origine. Ainsi, on lui aurait sans doute  évité d’offrir le spectacle désolant de se fondre en larmes dès le prononcée du jugement.

Sous un troisième et dernier angle, je me permets de  critiquer, bien sûr avec toute l’humilité qui sied, la décision rendue dans cette affaire.
En effet, il est clairement apparu dans ce procès que la justice a donné l’impression à l »opinion  nationale et même internationale, qu’elle a utilisé un marteau pour tuer une mouche.

Je   m’explique!

Quand on lit bien le code pénal, l’infraction pour laquelle la Chambre a jugé et condamné Ousmane Sonko, et maladroitement appelée par elle  corruption de la jeunesse, se trouve dans la section V du chapitre I intitulé: Des crimes et délits contre les personnes. Ce chapitre lui même est rangé dans le Titre III intitulé : Crimes et délits contre les particuliers.

La section dont j’ai fait état ci-dessus est intitulée: Attentats aux mœurs. Elle traite de l’outrage public à la pudeur, de l’attentat à la pudeur, des actes impudiques ou contre  nature, du harcèlement  sexuel, du viol, de la pédophilie, du proxénétisme et de l’attentat aux mœurs. 

Si on regarde bien, l’avant dernier alinéa de l’article 324 cherche à punir une infraction assimilable au proxénétisme. En termes plus clairs, le texte cherche tout juste à faire entrer dans son champ d’application des comportements qui orientent  certaines personnes particulièrement vulnérables de part leur âge jeune, vers des voies moralement répréhensibles.

Après une telle analyse, est-il maintenant pertinent d’installer les faits reprochés à Ousmane Sonko dans cette catégorie,  compte seulement tenu de ce que Adji Sarr à dit qu’il a eu à entretenir avec elles plusieurs rapports sexuels et à maintes reprises?

Pour répondre à cette interrogation, entendons- nous  bien sur ce constat à faire au préalable.

Si la Chambre criminelle a écarté la thèse du viol et des menaces de mort c’est seulement parce qu’ aucun élément objectif et crédible du dossier ne permettait de retenir les deux ou l’une seule de ces infractions. Dés lors, il est évident que les simples dires de Adji Sarr  ne pouvaient pas suffir à établir la matérialité des faits de viol, de menaces de mort ou d’une quelconque autre infraction tant qu’ aucun autre élément( témoignage accablant, constatation matériel,  etc.)  n’est venu  corroborer ces dires.  Mais malheureusement, comme dans une séance de prestidigitation,  la Chambre criminelle a sorti de son chapeau une infraction qui, en soit, n’existe même pas dans l’arsenal répressif sénégalais.

D’ailleurs, même si on concède à Adji Sarr le fait que Ousmane Sonko ait entretenu avec elle plusieurs fois des rapports sexuels, dès l’instant que la Chambre criminelle n’a pas retenu la thèse du viol, ces rapports sont considérés donc comme faits avec son consentement.

Maintenant le danger que présente une telle démarche juridique, conduit inévitablement à la situation que toute personne qui entretient un ou  des rapports sexuels avec une autre, même consentante,  dont l’âge n’est pas au-dessus de vingt et un an, peut être déclaré coupable du délit de  » corruption de la jeunesse ». 

Que de coupables de nos jours!!!

Le droit est une science sociale certes mais il a été créé par des hommes doués de raison. Donc,  il  obéit  à des règles strictes, qui certes peuvent être différemment interprétées,  mais nullement au point de s’exposer à des élucubrations qui aboutissent à des absurdités.

Juger est un attribut de dieu et quant on a  l’honneur et le privilège de l’exercer sur ses semblables, la competence, l’honnêteté intellectuelle et la probité morale les plus élémentaires doivent animer ceux qui en ont la redoutable charge. 

Jugez vos semblables vous qui en avez la charge mais soyez justes avec eux et, d’ailleurs, on vous le rappelle chaque fois dans cette  formule que vous  aimez tant utiliser pour donner force et crédit à vos actes : Au nom du peuple senegalais …


Platon disait  » Ce n’est pas parce qu’on craint de la commettre, mais c’est parce qu’on craint de la subir que l’on blâme l’injustice.

You may also like

Web TV

Articles récentes

@2024 – tous droit réserver.