L’heure est grave

par pierre Dieme

On a eu beau avertir, tirer la sonnette d’alarme, appeler à beaucoup plus de retenue et moins d’arrogance… Rien n’y a fait. Ils sont restés sourds, hermétiques aux critiques et sur leur piédestal, hautins et sûrs de leurs forces.

Quand nous écrivions que la chatte d’une affabulatrice ne vaut pas que ce beau et charmant pays brûle, ce n’était point pour être vulgaires. On avait la conviction que tout cela relevait d’une grossière manipulation instrumentalisée par des crapules qui tiraient les ficelles pour leurs propres intérêts égoïstes. Les gens du pouvoir auraient pu tirer les leçons des évènements de mars 2021.

Mais le Chef se sentait si puissant qu’il avait lancé avec dédain que rien de ce qui s’était produit en mars 2021 ne se reproduirait plus tant qu’il serait au pouvoir. Avant de lancer la chanson éculée selon laquelle « force restera à la loi ». Sûrs de leurs puissants armements, de policiers et de gendarmes aux effectifs démultipliés et aux chefs sur motivés, ils pensaient pouvoir mater quiconque oserait les défier dans la rue.

Depuis jeudi, on a vu que non seulement ce qui s’était passé en mars 2021 s’est reproduit mais encore en plus grave ! En 2012, alors que la rue grondait, Me Wade avait la même assurance. C’est sur un air railleur et faisant dans la provocation qu’il avait lancé devant des artistes et écrivains que les manifestations n’aboutiront à rien, que c’était juste une brise.

Et il avait expliqué, encouragé par ses laudateurs qui se trouvent aujourd’hui dans le camp du Chef, qu’« une brise est un vent léger qui secoue peut-être les feuilles des arbres, mais ne sera jamais un ouragan ». La suite, là aussi, on la connait… Et voilà que l’histoire bégaie avec les manifestations en cours et qui ont mis à l’arrêt l’économie et la vie sociale. Une ville morte alors qu’ils continuent à nier l’évidence. Des réactions fusent des quatre coins du monde et appelant à la retenue.

L’image du Sénégal est écornée et la vitrine démocratique s’est craquelée pour ne pas dire qu’elle s’est brisée en mille morceaux. Une démocratie jadis exemplaire, aujourd’hui si chahutée pour des desseins purement politiciens comme cet appel incongru de cet as de la contorsion politique qui se proclame chef de l’opposition et invitant le Chef à ne pas se laisser impressionner.

Et il faut vraiment manquer de lucidité ou souffrir de cécité pour venir nous dire que la situation est stable alors que l’Armée est dans la rue, que des jeunes pillent sans retenue depuis jeudi et que la liste des morts s’allonge d’heure en heure. La situation est d’une gravité telle que se taire c’est se faire le complice de ce qui se fait actuellement.

Le temps n’est pas dans des calculs politiciens. Le Chef doit parler et on attend sa parole. Il est le seul à pouvoir mettre fin à cette situation quasi insurrectionnelle. Ses laudateurs lui diront toujours que tout va bien ou qu’il est le plus fort (alors que ses policiers et ses gendarmes détalent devant les manifestants !) ou le plus beau jusqu’à ce que ça leur pète dans la gueule.

Mais au-delà du verdict surréaliste condamnant Oscar Sierra et qui est à l’origine de la révolte généralisée, ces manifestations traduisent l’expression d’un mal-vivre de nos compatriotes face à l’arrogance de ceux qui sont au pouvoir. L’expression aussi d’une misère sans nom. Mais difficile de le faire comprendre à des gens plus préoccupés par leurs panses et leurs comptes bancaires que par autre chose.
KACCOOR BI – LE TEMOIN

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