Des opérations «Dakar ville propre», «Cleaning days», «Bësup Setal»… lancées par les autorités n’y feront rien. L’occupation anarchique de la voie publique refait surface. Dans plusieurs endroits où les opérations de déguerpissement/désengorgement avaient eu lieu, les anciens occupants sont aujourd’hui en train d’effectuer progressivement leur retour. Sud Quotidien s’est rendu sur des lieux concernés de la Médina et de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, pour le constater.
Des opérations de déguerpissement/désengorgement avaient permis de désencombrer plusieurs endroits de la capitale sénégalaise. Seulement, des mois après le passage des bulldozers et autres pelles mécaniques, aux abords de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, par exemple, la majorité des anciens occupants qui avaient été déguerpis se sont réinstallée. En atteste le long de l’avenue Cheikh Anta Diop, non loin de l’entrée du célèbre «Couloir de la mort», les vendeurs de matériels didactiques, de livres d’occasion, de chaussures, d’habits ou encore de fruits sont redevenus maîtres des lieux.
Pour A.D, vendeur de livres, certes ils sont de retour, mais plus organisés qu’avant. «Sur volonté des autorités, nous avions quitté ce lieu qui est, pour nous, notre bureau. On a vécu le calvaire, car ce n’est pas facile pour un soutien de famille de rester une certaine durée sans travailler normalement. On espère qu’elles (les autorités) vont nous laisser tranquilles maintenant, d’autant plus qu’il y a eu une meilleure organisation à notre niveau», déclare le trentenaire. Ce dernier invite les dirigeants à faire preuve de compréhension. Selon lui, c’est inadmissible de vouloir rendre propre la ville, en les déguerpissant, au risque d’aggraver la situation du chômage au Sénégal.
A quelques encablures, se trouve S.B. Ce jeune homme originaire de la Guinée vend des chaussures pour femme. Contrairement à A.D, lui il est venu après les opérations de déguerpissement. «Je suis venu récemment, j’entends dire que l’endroit est interdit aux vendeurs. Mais, on est obligé de rester là, car on n’a pas où aller. De toutes les façons, moi je m’attends tous les jours à ce qu’on nous chasse d’ici», lance-t-il, le sourire aux lèvres.
Au «Couloir de la mort», du nom de cette route, très fréquentée par les étudiants, personnels et autres usagers, qui relie l’avenue Cheikh Anta Diop au campus pédagogique de l’Ucad, les anciens occupants effectuent timidement leur retour. Sauf que les quelques occupants trouvés sur place disent n’y rester que pour quelques heures et loin des portes de l’université. Astou, une vendeuse de jus, vient souvent après le déjeuner. «Depuis des mois, je viens ici chaque après-midi pour vendre du jus aux étudiants. Au début, les agents du Coud (Centre des œuvres universitaires de Dakar) m’interdisaient de poser ma glacière. Mais maintenant, ils ne me disent plus rien», déclare la résidante de Fass.
A L’IMAGE DES ABORDS DE L’UCAD, LA MEDINA RENOUE AVEC LES OCCUPATIONS IRREGULIERES
Ce n’est pas qu’aux abords de l’Ucad et sur l’avenue Cheikh Anta Diop que les occupants qui avaient été déguerpis ont effectué le retour. Suite aux opérations de désencombrement qui avaient été menées par les autorités étatiques et la mairie de la Médina, en 2020, les occupants qui avaient transformé des rues périphériques du marché Tilène en lieux de commerce, sont revenus sur la voie publique.
Moussa, trouvé à la rue 20X21, fait partie des récalcitrants. Le vendeur de pain de singe, mil et oseille, explique pourquoi il est revenu sur ce lieu d’où il a été chassé par les agents de la mairie. «J’ai regagné ma place, car la mairie nous avait promis un site de recasement et jusqu’à présent, on n’a rien vu. Nous sommes des pères de famille, nous ne pouvons pas ne pas travailler, nous avons des bouches à nourrir», dit-il. L’homme, originaire de Baba Garage, regrette certains comportements des agents municipaux. Selon lui, lors des opérations de déguerpissement, ils (les agents) détruisent les biens des commerçants.
L’occupation de la voie publique est différemment appréciée par les populations. Pour Mohamed, riverain du marché Tilène, les vendeurs se croient permis d’installer leurs tables n’importe où. Pour lui, les autorités doivent agir de temps en temps pour les rappeler à l’ordre.
Anta Sall, riveraine elle aussi, quant à elle, considère que les dirigeants doivent se montrer plus cléments vis-à-vis de «ces soutiens de familles, qui méritent plus d’être accompagnés que d’être chassés de leurs lieux de gagne-pain».
L’amélioration du cadre de vie des Sénégalais a été définie comme l’une des nouvelles priorités du gouvernement du Sénégal. C’est dans ce sillage que, depuis 2020 de vastes opérations de déguerpissement ont été engagées pour désencombrer la capitale. Mais, les occupants de la voie publique semblent n’être prêts à coopérer au projet.
Babacar NGOM