Quand Barth indispose YEWWI et isole Khalifa !

par pierre Dieme

Le président de la République, Macky Sall est-il en train de réduire la coalition Yewwi Askan wi à sa plus simple expression, grâce à son appel au dialogue politique en perspective de la prochaine élection présidentielle ?

Le maire de Dakar et responsable en second de Taxawu Sénégal, Barthélémy Dias, est en passe de sceller le sort de son mouvement au sein de la coalition Yewwi Askan wi. Pour cause, l’éclatement de l’affaire relative à ses négociations en solo avec le pouvoir en place a plongé dans un profond malaise, tout en indisposant son mentor Khalifa Sall, la coalition Yewwi Askan wi. Celle-là même qui a réussi à émietter sérieusement l’hégémonie du régime en place sur le plan électoral, lors des dernières joutes municipales et législatives de 2022.

Le président de la République, Macky Sall, par ailleurs président de la coalition majoritaire au pouvoir, Benno Bokk Yakaar est-il en train de réduire la coalition Yewwi Askan wi à sa plus simple expression, grâce à son appel au dialogue politique en perspective de la prochaine élection présidentielle ? Cette question a tout son sens au regard de la crise que traverse actuellement cette principale coalition de l’opposition. Mise en place en septembre 2021 dernier par le mouvement Taxawu Sénégal, le Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) et Pastef-Les Patriotes, la coalition Yewwi Askan wi dont la charte a été signée par 20 organisations politiques, le jour de lancement officiel, est parvenue, pour une première fois depuis 2012, à bousculer l’hégémonie du régime en place sur le plan électoral lors des dernières élections municipales et législatives de 2022. Seulement, depuis quelques jours, elle est secouée par un clash opposant le maire de Ziguinchor et leader de Pastef, Ousmane Sonko, à son collègue maire de Dakar, Barthélémy Dias, par ailleurs responsable du mouvement Taxawu Sénégal sur fond d’accusation de «trahison» après la décision unilatérale du mouvement Taxawu Sénégal de l’ex-député maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall de répondre à l’appel au dialogue du chef de l’Etat.

Dans une déclaration diffusée sur ses réseaux sociaux à la veille de son procès en appel dans l’affaire de diffamation l’opposant au procureur de la République et Mame Mbaye Niang, ministre du Tourisme et responsable du parti au pouvoir, le 8 mai dernier, Ousmane Sonko a accusé sans les nommer certains responsables de Yewwi Askan wi de négocier en secret avec le président Macky Sall. Face à cette sortie du leader de Pastef qui intervenait dans un contexte marqué par des attaques sur la toile contre son mentor Khalifa Ababacar Sall, suite à sa poignée de mains avec le président Macky Sall en marge de la cérémonie d’ouverture du Forum mondial sur l’économie sociale et solidaire qui s’est tenu à Dakar du 1er au 6 mai, organisé par la ville de Dakar, Barthélémy Dias a répliqué à son tour.

Dans un entretien accordé à quelques médias le 8 mai dernier, Barthélémy Dias tout en confirmant ses contacts avec des proches du régime et son entretien dans un lieu secret avec Macky Sall, a révélé avoir tenu informé Khalifa Sall et Ousmane Sonko de toutes les étapes de ses discussions secrètes à l’insu des autres leaders de Yewwi Askan wi. Loin de s’en tenir-là, le maire de Dakar tout en dénonçant le refus de Sonko d’honorer son invitation à la cérémonie d’ouverture du Forum mondial, a réclamé la paternité du dialogue qui, selon lui, se justifie par « une urgence d’éviter au Sénégal une situation de tension qui pourrait déboucher sur un coup d’Etat ».

Seulement, chez les responsables de la coalition Yewwi Askan wi et des militants et autres sympathisants, on est très loin de partager cette position du maire de Dakar qui semble d’ailleurs sceller le sort de son mentor au sein de ladite coalition de l’opposition même si certains tentent de minimiser le malaise profond qu’elle a provoqué au sein de la conférence des leaders de Yaw. La preuve, lors du dernier rassemblement de la nouvelle Plateforme des forces vives de la nation (F24) contre la 3ème candidature de Macky Sall, tenue le 12 mai dernier à la place de la Nation, Khalifa Ababacar Sall a été tout simplement copieusement hué par les milliers de jeunes qui avaient répondu présent à cette manifestation. Certains sont même allés jusqu’à le traiter de « Judas » parce qu’il aurait violé les dispositions de la charte de Yewwi Askan wi en acceptant d’aller tout seul au dialogue avec le président Macky Sall.

CE QUE DIT LA CHARTE DE YEWWI ASKAN WI

Publiée le 02 septembre 2021, la charte de la coalition est un document de sept pages. Composé de 10 articles et 04 engagements repartis dans points (A, B, C et D), cette charte décline la feuille de route étable par les 20 partis politiques et mouvements de l’opposition signataires qui s’engagent à la respecter scrupuleusement. Ainsi dans le dernier point (D), il est mentionné noir sur blanc que chaque signataire doit « s’abstenir, individuellement, de tous compromis ou compromissions politiques avec le régime de Macky Sall ». Mais aussi de « s’abstenir individuellement de tout acte ou propos visant à jeter le discrédit sur la coalition, ou de toute attaque contre un membre de la coalition ».

Au regard de cette situation, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la pertinence de cette décision du maire de Dakar qui semble dresser son mentor, Khalifa Sall, non seulement contre ses camarades leaders de Yewwi Askan wi mais aussi contre une partie de militants qui le voient désormais comme quelqu’un qui n’est guidé que par ses propres intérêts mais aussi comme un pion du régime en place dans l’opposition. Barthélémy Dias qui est également sous le coup d’une déchéance de son mandat de député et de révocation à la mairie de Dakar en cas de confirmation de sa condamnation dans l’affaire du meurtre de Ndiaga Diouf par la Cour suprême n’est-il pas aussi en train d’hypothéquer les chances de Khalifa Ababacar Sall lors de la présidentielle de 2024 et précipiter ainsi sa retraite politique à la tête du mouvement Taxawu Sénégal ? Cette interrogation est d’autant plus légitime que le pouvoir en place avait déjà enclenché le processus d’amnistie de Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall.

UNE AMNISTIE SUR LE «STARTING BLOCK» DU POUVOIR

Le chef de l’Etat, Macky Sall, avait déjà demandé au Garde des Sceaux, lors du Conseil des ministres du 29 septembre, d’«examiner les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdu leurs droits de vote ». Dans un article publié le 2 février dernier, nos confrères de l’Observateur avaient annoncé que le ministre de la Justice, Ismaila Madior Fall, a déjà bouclé les travaux et que deux options étaient retenues dans le document à soumettre au chef de l’État, Macky Sall : l’amnistie ou la révision du Code électoral, pour permettre justement à Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade qui demandent plutôt la révision de son procès de retrouver leur éligibilité.

Le 12 mars dernier, le même ministre de la Justice, Ismaila Madior Fall, qui était l’invité de l’émission Grand format Objection de Sud Fm et Sud Quotidien a réaffirmé que le chef de l’Etat a reçu le projet de loi d’amnistie de Karim Wade, et Khalifa Sall. Fort de tout cela, on se demande la pertinence de cette démarche de Barthélémy Dias de nouer en solo des contacts avec le pouvoir en place en vue d’obtenir le rétablissement des droits civiques de son mentor Khalifa Sall, une démarche qui suscite également des interrogations. A cela, il faut également ajouter la coïncidence de la période de démarrage de ses discussions officieuses avec des proches du régime en place, et celle de la tenue du procès en diffamation opposant Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang. En effet, lors de son entretien du 8 mai dernier, Barthélémy Dias qui a clamé la paternité du dialogue politique a révélé avoir initié ses discussions officieuses avec des proches du régime en place depuis quatre mois sous le contrôle de Khalifa Sall et Ousmane Sonko qu’il dit avoir informé régulièrement de l’évolution des choses. Cette période correspond tout simplement à la montée des tensions politiques alimentées par l’ouverture du procès en diffamation opposant Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang.

Nando Cabral GOMIS

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