Tout le monde voit le danger venir, mais feint de ne rien voir. A commencer par celui qui représente l’Autorité. Des gens meurent bêtement. Tant de morts ont jalonné la gouvernance sobre et vertueuse.
Le Sénégal se trouve dans une zone de turbulences et la peur est grande de le voir basculer dans l’apocalypse. Une catastrophe dont personne ne réchappera. D’où l’impérieuse urgence pour les régulateurs sociaux (s’il y en a encore dans ce pays !) de sortir de leur retraite pour parler aux deux camps. Encore que le Chef, sûr de l’arsenal impressionnant dont il a doté ses force de défense et de sécurité, ne veut pas entendre parler d’apaisement.
Lui, la seule réponse qu’il a pour les populations qui contestent (comme celles de Ngor mais pas seulement !), c’est la répression de sa soldatesque. Il est sûr de pouvoir écraser comme des mouches quiconque entreprendra de défier son pouvoir. Dans ce cas, évidemment, difficile pour des médiateurs sociaux d’offrir leurs bons offices.
En Guinée voisine, pourtant dirigée par une junte militaire, l’implication des religieux du pays a permis la libération des trois principaux dirigeants du Fndc (Front national de défense de la constitution), la plateforme qui avait combattu le 3ème mandat du président Alpha Condé avant d’exiger une transition civile. Faut-il désespérer d’un tel happy end au Sénégal avec les quelque 280 prisonniers politiques qui peuplent nos geôles ? Le Sénégal est en danger, et l’ennemi c’est nous-mêmes.
Si dans la sous-région des pouvoirs se débattent contre des forces djihadistes, au Sénégal, on se mène une guerre interne entre Sénégalais. Alioune Tine, le président d’Afrikajom center, a beau avertir, on le traite de personnage maléfique en insinuant de façon sournoise qu’il voue une haine au Chef qui lui aurait refusé un portefeuille ministériel. Rien que ça ? Disons-le sans fioritures, le Sénégal est aujourd’hui à la croisée des chemins où il lui faut choisir une voie.
Celle qui mène à la paix ou une autre qui conduirait à une guerre civile. Malheureusement, celui qui devrait brandir le rameau d’olivier, symbole de la paix, est dans le déni, poussé qu’il est par des courtisans qui appellent au combat. A l’instar de ce directeur d’une société publique au langage de charretier que des « confrères » croquent comme le guerrier de la troupe.
Il n’est point besoin de revendiquer un statut de sociologue pour constater que le tissu social est en train de se désagréger inexorablement. Un vigile, confondu à un gendarme, a été battu à mort lors des manifestations de Ngor. Le Procureur a lancé la chasse à l’homme. La même diligence doit être de mise pour situer les responsabilités sur les évènements de Ngor où au moins une adolescente a perdu la vie.
Et pour nous édifier aussi définitivement sur la mort et la disparition de deux éléments des forces de défense dont personne ne se préoccupe aujourd’hui. Le dialogue que l’on agite, pendant que la participation du principal leader de l’opposition à la présidentielle de 2024 est hypothétique et qu’ il pourrait être menotté et présenté à une cour qui ne lui promet que la potence, même ceux qui l’ont initié n’y croient pas. Le même qui appelle au dialogue persiste dans le déni qu’il n’y a pas de prisonniers politiques au Sénégal. Dans ces conditions, à quoi bon dialoguer ?
KACCOOR BI – LE TEMOIN