En 2016, le Président Macky Sall a décidé d’institutionnaliser un dialogue qui, selon lui, se tient désormais le 28 mai de chaque année, pour discuter des questions majeures concernant les Sénégalais. Un autre dialogue a été lancé en 2017, puis en 2019. Ces dialogues au nombre de trois, avaient suscité quelques espoirs au sein de la classe politique d’où la participation de certains groupes d’opposition. Depuis quelques temps, l’actualité politique est marquée par un nouvel appel au dialogue par le président Sall. En faisant l’évaluation des précédents dialogues, PressAfrik découvre qu’il existe plusieurs questions majeures et des points d’accord jamais réglés.
C’est une tradition instaurée par le chef de l’État sénégalais, Macky Sall, en 2016. La journée du 28 mai est, chaque année, consacrée au dialogue national, un processus différent du dialogue politique. La première édition avait regroupé les forces vives de la Nation dans leur diversité. Les familles religieuses, les acteurs politiques, les opérateurs économiques, les organisations socioprofessionnelles, les mouvements sportifs et culturels, les jeunes et les femmes ont massivement répondu à l’appel du chef de l’Etat. Ce dialogue national avait été annoncé deux mois après le référendum constitutionnel du 20 mars. Macky Sall affirmait sa « ferme volonté de mener des consultations inclusives sur des questions exclusivement d’intérêt national ».
Retour sur les questions majeures et points d’accord jamais réglés
En 2020, les acteurs du dialogue politique avaient repris les activités après une longue pose due à la pandémie du Covid-19. La Commission politique du dialogue national avait bouclé la première phase de ses travaux avec à la clef 23 points d’accord, 2 désaccords et 6 questions en suspens, synthétisé dans un rapport définitif avant d’être transmis au président de la République.
Il faut relever la question du cumul de la fonction de chef de l’Etat et de chef de parti, la suppression ou la modification des parrainages pour l’élection présidentielle. Malgré le vote de la réforme du code électoral à l’Assemblée nationale, les principaux points de discorde entre l’opposition et la majorité restent inchangés.
Déthié Faye du pole des non-alignés, souligne que le « travail fait par la commission politique du dialogue national a abouti à des résultats importants des consensus, qui tardent à être appliqués et à être mise en œuvre ».
« On peut dire que la situation que nous vivons aujourd’hui, il y a une rupture de confiance dans la lenteur notée dans la mise en œuvre des consensus. Nous avons eu consensus fort qui consistait à faire une recommandation à la classe politique et à l’autorité pour que toutes les mesures idoines soient prises pour le renforcement de la décrispation de l’espace politique », a-t-il fait savoir à PressAfrik.
Parmi les initiatives qu’il fallait prendre, dit-il, il y avait la « question de l’article 80, il y avait la circulaire Ousmane Ngom (arrêté, qui interdit les manifestations dans certaines zones de Dakar). Il y a les articles L 29 et L 30 du code électoral. Donc si ces recommandations avaient été prises en compte et mise en œuvre, chacun sait que la situation que nous vivons aujourd’hui pouvait être évitée ».
Des retards et lenteurs dans la mise en œuvre des conclusions
Le coordonnateur des non-alignés indique qu’au moment où la « concertation avait lieu, tous les acteurs politiques étaient présents et ces recommandations étaient consensuelles donc qui engageaient tout le monde. Tous les acteurs étaient engagés à aller dans ce sens, mais on a l’impression aujourd’hui à cause de la suspicion et le déficit de confiance qui existe, il y a des forces politiques qui ne sont pas disposées à discuter de ces points ».
Dethié Faye estime qu’un autre dialogue pouvait ne pas avoir lieu. Selon lui, la « commission politique avait recommandé en plus des consensus obtenus qui devaient être mises en œuvre automatiquement conformément à l’engagement du président de la République ».
Pour M. Faye, il restait des « questions qui n’avaient pas encore fait l’objet de consensus. La commission politique avait recommandé qu’il y ait une commission de suivi, qui pourrait approfondir la réflexion pour trouver des solutions à ces points de désaccord ».
Pour ce qui est des points de désaccord, le coordonnateur des non-alignés relève par exemple la question du cumul de la fonction de chef de l’Etat et chef de parti, les statuts du chef de l’opposition, la question du parrainage et la question du bulletin unique. Déthié annonce que la commission politique n’a pas été mise en place et que des retards et des lenteurs ont été accusés dans la mise en œuvre des conclusions.
Aldiouma Sow, secrétaire national à la stratégie et à la prospective du parti Pastef/Les Patriotes, avait pris part au dialogue pour le nom de sa formation politique. Parmi les principales demandes, l’opposition réclamait « La Suppression du parrainage à défaut de le réformer pour le conformer aux standards de démocratie moderne ; Instaurer le bulletin unique pour combattre la corruption électorale et rationaliser les dépenses publiques liées à l’organisation des élections ; Modifier le code électoral dans le sens de permettre l’accès et le contrôle permanent du fichier électoral par la classe politique ; Dissoudre la CENA, dessaisir le ministre de l’Intérieur et créer une haute autorité en charge de l’organisation des élections… », a fait savoir M. Sow.
Au sortir de ces discussions, pouvoir et opposition se sont accordés sur deux points. Le premier point d’accord concerne le financement des partis politiques.
D’après Aldiouma Sow un « consensus a été obtenu et un rapport a été produit précisant bien les critères qui permettent d’accéder à ce financement mais le gouvernement refuse toujours de modifier la loi sur les partis politiques pour appliquer cette réforme ».
L’autre point d’accord concerne l’accès et le contrôle du fichier électoral : « un consensus a été trouvé. Le président de la République devrait prendre un décret qui organise ce contrôle mais à ce jour aucune mesure n’est prise par lui dans ce sens », a ajouté le chargé des élections au Pastef.
Pour ce qui est des points de désaccord, il faut relever la question du cumul de la fonction de chef de l’Etat et de chef de parti, la suppression ou la modification des parrainages, la création d’une autorité indépendante en charge de l’organisation des élections et le bulletin unique.
Moussa Ndongo