Idy – Macky : bluff, mensonge et trahison ?

par pierre Dieme

 Idrissa Seck se trompe en pensant que le temps s’est suspendu depuis qu’il a posé son baluchon chez Benno. Serait-il meurtri par cette promesse que l’autre ne veut pas (plus) tenir ?

Si Idy nous est apparu à l’aise lors de sa sortie, on a au fond, pourtant senti un homme blessé qui, ruminant les ivresses de puissance et des plaisirs d’antan, chercherait à fuir l’échec inexorable dans lequel s’inscrit sa carrière politique de ces dernières années.

Idy ne plait pas par une face glorieuse, ni par des succès qu’il aurait engrangés. Il attire par son éloquence, son érudition et ses tirades sur les hadiths et autres sourates qu’il aime réciter. On reste surtout fasciné par ses revers et échecs et sa capacité à rebondir, à se retrouver là où on ne l’attend pas. Il a joué souvent gros et a régulièrement perdu.

Idy incarne, comme beaucoup de nos hommes politiques, cette face lugubre de la politique : celle de l’échec. Alors il le noie en sublimant sa personne : n’est-il pas le précurseur de l’internet au Sénégal ? Ne mangeons-nous pas du riz parfumé grâce à lui ? Le fils Wade ne faisait-il pas la queue devant son bureau pour le voir ? Voilà sa grandeur restaurée !

Il est blessé, serait-il meurtri par cette promesse que l’autre ne veut pas (plus) tenir ? Il ne se laissera pas faire. Il ne sera pas dans la réaction, il agira : Alors tout y passe. Il cajole, met en garde, alterne le chaud et le froid, distribue les bons et les mauvais points.

Voilà Idy, chien de fable bénéficiant de toutes les marques de confort et de luxe, ayant au cou un collier qui fait dire oui à tout et vous empêche d’élever la voix, qui veut devenir loup, libre, prêt à vagabonder dans les prairies.

Il sait mieux que quiconque, en décidant d’être loup sans l’aval de son maître, l’APR lâchera la meute des chiens après lui. Tant pis ! Il fera face.

Idy aime surprendre. Il a fait dans un autre genre. Apparaitre là où on ne l’attendait pas. On l’imaginait martial, sérieux, annonçant sa candidature et se démarquant de son actuel boss pour justifier un claquement de porte imminent. Au lieu de cela, il a accentué le clair-obscur : il a tressé des lauriers au président Sall pour mieux dire dans la phrase qui suit, en empruntant la voix de quelqu‘un dont l’éthos n’est pas questionnable, que ce dernier ne pouvait être candidat à un troisième mandat. Du grand art ! Des coeurs ont dû tressauter, des jurons fuser du coté de Benno. Pernicieusement, pour laisser entendre que ce qu’il dit aurait pu avoir l’assentiment du président, il évoqua goulument le ndogou royal auquel ce dernier l’avait convié à son domicile, les prières faites en commun et son rôle de médiateur, avec l’onction du maitre des lieux, pour régler la crise avec Sonko. Macky lui aurait d’ailleurs accordé du « temps » pour aller voir Sonko et désamorcer la crise. Bref à ces ripailles, Idy explique qu’ils ne se seraient pas seulement bornés à partager le bol de fondé et les sourates, ration commune des Sénégalais, mais qu’il avait le beau rôle.

On pourrait penser que si le président lui avait fait part de son intention d’être candidat, on comprendrait alors mal que Idy lui coupa l‘herbe sous les pieds en annonçant sa propre candidature. Si par contre Macky avait gardé son intention secrète, alors en annonçant la sienne Idy joue un coup d’avance dans ce jeu de poker menteur. On verra dans les prochains jours si Idy sera démis de ses fonctions comme le réclament à cors et à cris les seconds couteaux de Benno pris au dépourvu et ne sachant quelle lecture faire des évènements. D’aucuns auront été renvoyés pour bien moins que cela.

Si Macky vire Idy, on comprendrait mal pourquoi le président de Rewmi se serait montré conciliant avec le président de la République dans sa sortie, à moins de vouloir endosser le rôle de victime, qu’il sait être une position de choix pour les électeurs sénégalais.

En attendant, il aura réussi le tour de force de prier chez les deux ennemis : Macky et Sonko et il aura exécuté au passage, comme il sait si bien le faire, Karim Wade et Khalifa Sall, en leur administrant le coup de grâce : “Ceux qui volent l’argent du peuple, doivent être condamnés”, dira-t-il d’un ton courroucé sans réplique.

Pour lui la présidentielle se joue à trois et Macky ne peut pas en faire partie !

En évoquant la puissance de celui qui ne peut pas participer et le manque de maturité de celui qui y prétend, Idy essaie de se repositionner comme la seule alternative possible. Il voudrait reprendre la place qu’il avait naguère eue en 2019, mais qu’il a vendangée en rejoignant Benno, offrant de facto la place d’opposant numéro un au patron du Pastef.

Idrissa Seck se trompe en pensant que le temps s’est suspendu depuis qu’il a posé son baluchon chez Benno. Le camp du pouvoir, englué dans des scandales de mauvaise gouvernance, a perdu beaucoup de terrain et l’a entrainé dans sa dégringolade vertigineuse. L ‘opposition a abattu un travail de sape énorme et a gagné des coeurs. Il ne récupèrera plus cette position de chef de l’opposition. Elle lui a échappé.

Idy se serait-il laissé piéger par le péché mignon des Sénégalais : “Beukk lou yomb” ? Le syndrome de l’élection de 2012 le guette une fois de plus : faire des ballades de taxusaan à Dakar contre le troisième mandat de Wade et espérer gagner le gros lot, lui a déjà valu l’échec de 2012.

Ressortir de sa boite à dix mois d’une élection présidentielle, proclamer sa candidature alors qu’on a passé le plus clair de son temps immergé dans le soow et espérer reprendre sa position d’opposant numéro 1 demeure un gros challenge !

Même si on reconnait à Idy cette faculté de faire preuve d’intelligence de situation pour s’immiscer dans le cours des évènements, cette fois il devra descendre les marches de l’empyrée et faire face à la réalité : les ponts entre lui et le peuple sont rompus depuis longtemps. Il n’entraine plus.

A moins, oui à moins qu’un schéma à la Medvedev/Poutine ne soit le deal de Mbouro akk soow et dans ce cas le président Sall lui ferait assurément la courte échelle.

En tout cas tout porterait à le croire. Certains initiés entonnaient déjà cette musique mezza voice quand il fut bombardé patron du Conseil Economique Social et Environnemental. L’eau a coulé sous les ponts, on ne voit pas aujourd’hui, quelle que soit la maestria du président Sall, comment il pourrait faire élire Idy président. On ne voit pas plus, comment il pourrait être dans l’ombre de Idy qui lui chaufferait la place pour 2029.

C’est sûrement ce qu’aurait compris à l’usage le président Sall. D’où cet imbroglio.

La session est ouverte, faites vos jeux, rien ne va plus !

Tidiane Sow est Coach en Communication politique.

Notes :

–Le chien et le loup, fables d’Esope

–Ndogou : Repas de rupture de jeûne

 Taxusaan : fin d’après-midi

–Beukk lou yomb : Partisan du moindre effort

–Mbouro akk soow : Littéralement pain et lait.   Mélange délicieux. Métaphore pour désigner l’alliance Idy -Macky

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