Sur la question du troisième mandat, les alliés de Macky Sall semblent dans un dilemme cornélien et tentent, malgré quelques échappées solitaires, de noyer leur trouble dans le silence
Sur la question du troisième mandat, les alliés de Macky Sall semblent dans un dilemme cornélien et tentent, malgré quelques échappées solitaires, de noyer leur trouble dans le silence. Contrairement aux instances de l’APR qui s’agitent à travers des investitures tous azimuts, pour l’heure, aucun parti allié majeur n’a osé déclarer s’il va présenter un candidat ou soutenir une éventuelle candidature du président Sall.
Circulez, il n’y a pas grand-chose à signaler. Comme s’ils se sont passé le mot. Les différents partis de la mouvance présidentielle ne se sont pas pour le moment illustrés, de manière officielle, ni dans un sens ni dans un autre, alors que la question d’une possible troisième candidature du président de la République Macky Sall continue d’agiter toute la République. Chez la plupart des alliés, on opte plutôt pour l’omerta. Les quelques rares échappées solitaires, qui ont osé se prononcer publiquement contre une troisième candidature, ont été très vite étouffées. L’un des exemples les plus éloquents, c’est le porte-parole du Parti socialiste qui, en un temps record, s’est permis un virage à 180 degrés.
Dans un premier temps, il disait sur les ondes de la Radio futurs médias : ‘’Aux termes de la Constitution, personne n’a droit à un troisième mandat. Surtout quand on en a fait deux. D’ici la fin de ce mandat, chaque parti, chaque composante de cette coalition a le droit, a l’obligation de faire des évaluations et de se déterminer en conséquence. Au Parti socialiste, nous allons vers un conclave pour évaluer, en vue de prendre une décision…’’
Une déclaration qui eut le mérite de tirer de leur torpeur les plus hauts responsables, de mettre le parti sens dessus dessous, pendant quelques jours. Il aura fallu une réunion, dans la semaine qui a suivi, des plus hautes instances pour remettre de l’ordre, sommer la voix discordante d’entrer dans les rangs. Ce dernier ne s’est pas gêné de faire volte-face en un temps record.
Dans les sorties qui ont suivies, il a imputé la faute à des médias qui auraient, selon son propos, mal compris son message et qu’en réalité, il pense que Macky Sall a droit à un second quinquennat.
Bref, il a repris les yeux fermés les éléments de langage des pro-troisième candidature, tout en admettant que le PS n’a pas encore statué sur la question. Auparavant, des responsables comme le député Cheikh Seck ont eu à le tancer vertement dans les médias.
Malaise à l’AFP
À l’Alliance des forces de progrès de Moustapha Niasse, la situation n’est guère meilleure. Ici, la question du troisième mandat a déjà provoqué un malaise très profond. Outre Alioune Sarr, ancien n°2, ancien ministre du Tourisme et des Transports aériens, des voix se lèvent de plus en plus pour protester contre ce que beaucoup considèrent comme le mandat de trop. C’est le cas de Cheikh Ndiaye, responsable à la Sicap Liberté et à la tête d’un groupe de réflexion. Dernièrement, il est monté au créneau pour sommer les instances de sortir du silence. ‘’Nous sommes embarqués sur une voie qui est sans issue. Depuis 2014, l’AFP s’était engagée à accompagner le président Macky Sall pour un second mandat. Nous avions convenu d’une candidature du parti en 2024. Il y avait une déclaration de notre secrétaire général et de son directeur de cabinet. Nous sommes quasiment en 2024 et l’AFP ne s’est toujours pas prononcée’’, regrette M. Ndiaye. À Saint-Louis, la section progressiste s’est rebellée en décidant d’investir le n°2 en disgrâce, l’ancien ministre Alioune Sarr.
Comme au PS, à l’AFP également, le staff proche de Moustapha Niasse est monté au créneau pour étouffer tout débat. Vice-président à l’Assemblée nationale, Dr Malick Diop recadre : ‘’Aucune volonté allant dans le sens de claquer la porte de la coalition au pouvoir, en vue de faire cavalier seul pour la Présidentielle de 2024, n’a été manifestée au sein de nos instances. Nous sommes un parti démocratique. Chacun est libre de dire ce qu’il veut. Ça n’engage que lui.’’
Idy à l’affut pour ramasser les restes, à défaut de la caution du président
Pendant ce temps, les partis de gauche, eux, naguère à l’avant-garde du combat contre les troisièmes candidatures, brillent surtout par leur silence. Et quand ils sont interpellés sur la question, on essaie surtout de tourner autour du pot.
Invité récemment sur iTV, le secrétaire général du PIT, malgré les nombreuses relances du journaliste, n’a dit ni oui ni non, quant à l’éventualité d’un soutien du PIT à Macky Sall. Il feint plutôt de renvoyer la patate chaude aux instances de son parti qui vont statuer prochainement. Quand on lui rappelle la situation de 2012, le ministre Samba Sy déclare : ‘’En définitive, c’est le peuple sénégalais qui va choisir. Et ce peuple a toujours montré qu’il sait choisir le moment venu. Vous avez donné l’exemple de 2012 ; les Sénégalais avaient tranché. Depuis lors, les Sénégalais choisissent librement. En définitive, ils vont choisir en âme et conscience. Quant à nous au PIT, nous avons les mêmes principes. Tenant compte du contexte, nous allons analyser et aviser le moment venu…’’
Pour l’heure donc, parmi les alliés du président Sall, seul Idrissa Seck montre des velléités de porter sa candidature, même dans le cas où le premier nommé dépose sa candidature pour une troisième fois. Depuis quelques jours, il n’a eu de cesse de poser des jalons dans ce sens, sanctionnant toute voix de son parti qui l’invite à soutenir l’actuel chef de l’État.
Le 27 mars, d’ailleurs, il avait programmé une conférence de presse qu’il avait fini par reporter. Pour beaucoup, cela aurait dû servir de prétexte pour parler de sa candidature.
Pourquoi l’a-t-il annulé sine die ? Officiellement, il n’y a eu aucun motif. Une chose est sûre : membre de la grande coalition, Idy ne s’empêchera pas de s’imposer comme alternative pour toutes les voix de Benno réfractaires à une troisième candidature du président Sall. Ce, d’autant plus qu’il y a, au sein de cette majorité, plusieurs responsables ayant le même parcours que lui, au sein de la famille libérale. Il devra en tout cas batailler ferme, si l’on sait qu’il n’est pas le seul au sein de la majorité à nourrir un destin présidentiel, en lorgnant le soutien de certains alliés.
Même Khalifa Ababacar Sall qui est d’obédience socialiste ne désespère pas d’avoir sa part de l’héritage de Benno, ne se privant pas de rappeler quelquefois son passage au sein de cette majorité. À Tambacounda, dans le cadre de sa tournée, il clamait haut et fort : ‘’J’ai constaté que toutes les forces de gauche, dont les 2/3 sont dans Benno Bokk Yaakaar, ont décidé de se battre. S’ils doivent se mettre autour d’une candidature de gauche, je pense que je suis le mieux placé et le mieux indiqué pour être leur candidat.’’
Dans la grande famille Benno, le leader de Taxawu Sénégal a un regard bien particulier pour le Parti socialiste dont il s’est toujours réclamé et qui est l’une des composantes majeures de la majorité présidentielle. Dans le cadre de sa tournée toujours, il n’a eu de cesse de multiplier les appels pour la ‘’réconciliation de la famille socialiste’’.
‘’Nous rendons grâce au Bon Dieu, parce que non seulement la famille de Douga est venue, mais tous les camarades du PS que je connais dans la région sont venus. Et bientôt, vous aurez d’autres bonnes nouvelles. Parce que comme vous l’avez constaté dans les autres localités, nos camarades socialistes de la base sont en train de répondre favorablement à notre invitation. Vous allez bientôt les entendre’’, lançait-il à Tambacounda.
Quand les leaders refusent de trancher la question
Lors du dernier séminaire organisé à l’hôtel King Fahd Palace, en présence de tous les leaders, la question de la troisième candidature n’a pas été tranchée. Pourtant, la majorité était très attendue sur la question, dans un contexte où presque toutes les branches de l’APR investissaient leur président.
‘’Le séminaire invite l’ensemble des composantes à s’engager de manière résolue et déterminée dans la préparation de cette élection présidentielle décisive pour l’avenir de notre pays et la stabilité de notre sous-région. Les responsables et militants de la coalition doivent garder à l’esprit que le Sénégal, au-delà des enjeux propres à notre pays, est aujourd’hui parmi les derniers remparts de la stabilité de la sous-région’’, se bornait à dire feu Me Ousmane Sèye qui avait lu la déclaration finale.
À défaut d’une investiture, Macky se contentait d’un sursis jusqu’aux prochaines réunions. ‘’Notre majorité Benno, poursuivait Me Sèye diplomatiquement, tient au strict respect du libre choix de son leader par rapport à l’échéance de 2024. En tout état de cause, le séminaire lance un appel pressant à toutes les composantes de la coalition, aux démocrates et républicains de tout bord, aux forces vives de la nation, pour que dans un élan de vaste rassemblement, le candidat désigné le moment venu assure le triomphe de notre camp, pour poursuivre dans la sérénité les vastes réformes devant nous mener vers l’émergence’’.
Mor Amar