« L’armée doit, en toues circonstances, avoir une attitude républicaine. Elle doit et a l’obligation de toujours se mettre du bon côté, celui du peuple. Un ordre illégal ne doit pas être exécuté ». Macky SALL
Nous voilà à la veille du 4 avril 2023, date commémorative de l’accession de notre pays a la souveraineté internationale, communément appelée fête de l’indépendance et dédiée à l’armée nationale ainsi qu’à la jeunesse. Comme à l’accoutumé, il sera organisé un grand défilé au boulevard du Centenaire, occasion qui sera donnée de gratifier les populations d’une parade de haute facture.
En effet, ce jour-là, la tête haute, le regard fixe, le torse bombé et paré de distinctions honorifiques, les armes bien tenues, les balancements de bras impeccablement harmonisés, a pas cadencés, dans des colonnes droites et en rangs serrés et rectilignes, dans leurs tenues d’apparats pour la circonstance et la solennité du moment, nos militaires et paramilitaires arpenteront le mythique boulevard du Centenaire, en martelant de leurs pas fermes et vigoureux l’asphalte qui subira stoïquement la lourde charge du passage des unités des différentes troupes.
Je puis affirmer qu’a l’issue du défilé qui, à n’en point douter, sera mémorable, plus que la satisfaction du Président de la République, Chef suprême des armées, ce dont ils seront réellement fiers, c’est la très grande fierté qui habitera tout un peuple honoré par leurs magnifiques prestations et qui sera davantage conforté dans sa conviction de pouvoir toujours compter sur ses forces de défense et de sécurité.
Je profite de l’occasion pour avoir une pensée pieuse aux morts et saluer la mémoire de tous les membres des forces de défense et de sécurité tombés vaillamment en service commandé, sur le champ d’honneur. J’exprime toute ma sympathie et ma compassion aux blessés qui, quelques fois, lourdement handicapés à vie, méritent la reconnaissance officielle de la nation et doivent bénéficier de plus de considération, d’un traitement honorable et privilégié de la part des autorités étatiques. Sacrifier sa vie et verser son sang pour la nation est un acte héroïque d’une valeur incommensurable, d’une noblesse et d’une générosité sans commune comparé aux malversations, prévarications, vols, détournements de deniers publics et autres pratiques dolosives commis par nos dirigeants dont certains, par la volonté du chef, bénéficient de promotions avec, souvent, en prime l’honneur d’être reçus au palais de la république siège de la souveraineté légitime du périple. La justice ne vient-elle pas d’accorder à un ministre qui aurait détourné de l’argent public un bonus de deux cent millions?
A tous les citoyens sans exclusive, de même qu’a tous les membres des forces de défense et de sécurité sans distinction d’appartenance de corps ni de niveau de grade, je souhaiterais, en sollicitant qu’il vous plaise d’en faire le partage, vous faire part de mes inquiétudes, soucis, préoccupations, interrogations et appréhensions par rapport à l’avenir de notre pays dont la stabilité a été acquise à la suite de beaucoup de sacrifices, de luttes et d’efforts soutenus des générations antérieures.
Aujourd’hui, le Sénégal est à la croisée des chemins, vivant des moments troubles et sombres de son histoire; il est dans une zone de fortes turbulences caractérisée par une série de procès, une ébullition du front social, un climat politique délétère et une flambée de violences. Toutes choses résultant de la problématique du troisième mandat que l’on pensait dépassée depuis belle lurette si l’on tient compte des déclarations de son excellence Macky Sall, Président de la république et si l’on se réfère à la constitution en son article 27, alinéa 2 qui dispose sans ambiguïté, de manière claire, nette et précise que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». Le ministre de la justice ne disait-il pas que cela ne peut prêter à aucune interprétation?
Permettez-moi, avant d’aller plus loin dans mes propos, de vous soumettre un verbatim du Président Macky Sall;
« Nous voulons apporter une contribution positive à la marche de notre pays. Je suis encore à mon premier mandat qui finira en février 2019, plus précisément en mars, avril 2019. Nous avons, il y a un an, envisagé une réforme majeure de la constitution par voie référendaire; justement, c’était pour arrêter le débat. Nous avions une majorité qualifiée au parlement mais nous avons choisi de consulter directement le peuple sur une réforme très sérieuse, très constructive et très consolidante de la constitution pour régler principalement la question de la durée et du nombre de mandats du Président de la république, ainsi que du mode d’élection. Cette question a été définitivement fixée dans cette constitution; ce dont il était question, c’était moins le nombre de mandats que la durée du mandat ».
Et voici ce qu’il disait antérieurement;
« Aucun Président de la République élu ne peut faire l’objet de plus de deux mandats. Donc le Président est élu pour une fois et le mandat est renouvelable une seule fois; donc le Président Abdoulaye Wade a été élu en 2000, il n’a pas la possibilité d’avoir un troisième mandat. Tout le reste, c’est de la spéculation intellectuelle et politique ».
S’adressant au Président WADE;
« Non pour un troisième mandat; c’est impossible. Dès lors monsieur le Président remettez-vous en cause, revoyez la situation. N’écoutez pas ceux-là qui poussent dans le trou pour vous y abandonner par la suite; ils seront les premières à vous trahir ».
Tels étaient les propos du Président Macky Sall qui, aujourd’hui, semble y revenir. Par un discours volontairement apocryphe, le Président Macky Sall entretient malicieusement un flou sur ses véritables intentions par rapport à la prochaine élection présidentielle. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute concernant sa volonté de briguer un troisième mandat en violation flagrante, manifeste et totale de la constitution de notre république. La récente interview accordée à l’Express nous a édifiés non seulement sur les velléités de sa candidature mais aussi sur la duplicité de son attitude vis à vis du peuple. Les Sénégalais étaient ébahis d’apprendre qu’avant d’être sollicités par référendum, le Président de la République avait, de manière confidentielle, saisi le Conseil constitutionnel pour avis sur la possibilité de se représenter et que celui-ci l’aurait rassuré.
C’est cette volonté de passer outre les dispositions de la constitution qui le rend inéligible a la prochaine présidentielle qui est à l’origine de tout ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Des plaintes fusent de partout, des poursuites judiciaires intentées contre celui qui apparait comme un sérieux prétendant à la présidence; des manifestations sont régulièrement organisées pour protester contre les multiples convocations du leader du Pastef et souvent ponctuées de scènes de violences, certes, tout à fait condamnables, mais néanmoins explicables. Les troubles enregistrés ces derniers temps ont mobilisé les forces de l’ordre pour maintenir ou rétablir l’ordre public. C’est l’occasion comme je n’ai eu de cesse de le faire, de les encourager et de les féliciter pour le travail effectué dans le cadre de leurs missions régaliennes.
Je me garderai, par esprit de responsabilité, du sens du devoir et de maitrise des enjeux, d’évoquer certains constats faits dans le dispositif sécuritaire de manière globale. Pour autant, je ne saurais ne pas me permettre de faire une triple réflexion, d’abord, sur le déploiement récurrent, constant d’unités d’élite comme la BIP et le GIGN dont les apparitions ne doivent point être banalisées. Ces unités sont composées d’hommes très aguerris, superbement formés et équipées de matériels de dernière génération d’une grande efficacité, non pas pour faire face a un simple citoyen sans arme, mais pour affronter des menaces de haute intensité et de gravité extrême contre la sécurité du pays.
IL a été remarqué des comportements peu orthodoxes de certains éléments sur les champs d’opérations et des attitudes qui entament la crédibilité des forces de l’ordre dont le professionnalisme ne fait aucun doute. IL faut y remédier au plus vite; cela pourrait résulter d’un encadrement insuffisant ou d’une indiscipline tactique d’éléments incontrôlables ou mentalement et psychologiquement faibles voire de l’utilisation d’agents non formés au maintien de l’ordre, comme ce fut le cas avec les Asp a certains moments.
Qui plus est, et évidemment plus grave est la présence visible et manifeste de nervis sur le terrain et quelques fois aux côtés des forces de l’ordre; et cela personne, à moins d’être de très mauvaise foi, ne peut le nier. Ces nervis semblent agir dans une impunité totale et poussent la témérité au point de revendiquer leurs achats d’armes et la violence exercée sur d’honnêtes citoyens; un de leurs pick-up n’a-t-il pas écrasé volontairement un jeune au vu et su de tout le monde? Le maintien et le rétablissement de l’ordre sont des missions régaliennes exclusivement dédiées aux forces de l’ordre, tout intrus doit en être dégagé; il appartient aux forces de défense et de sécurité d’assainir sans complaisance ni tolérance leur environnement de travail. IL n’y a pas pire pour elles que de se voir taxées d’être de connivence ou en complicité avec ces hommes de corde et de sac que sont les nervis, de vrais délinquants qui agissent en totale illégalité et, malheureusement dans une impunité absolue.
Les populations attendent des Forces de défense et de sécurité des réactions vigoureuses pour se débarrasser de ces hors la loi qui, de par leurs représailles et leurs violences gratuites posent les prémices d’un règlement de compte généralisé qui; malheureusement, si l’on y prend garde, pourrait aboutir à une guerre civile a soubassements politiques. Il arrive aussi, et c’est peiné que je le dis, que des membres des forces de l’ordre se livrent à des brutalités gratuites, inutiles et injustifiées. IL est vrai que les éléments travaillent dans des conditions d’épuisement qui peuvent les irriter, saper leur moral, mais ce n’est pas une raison d’agir inconvenablement; il faut se ressaisir.
L’enjeu du maintien de l’ordre, c’est de pouvoir conserver l’ordre établi par des méthodes modérées de coercition afin d’éviter le recours à la violence que suppose le rétablissement de l’ordre. Les trois objectifs du maintien de l’ordre; 1/ prévenir les troubles pour ne pas avoir à les réprimer. On doit comprendre, dès lors, les actes d’anticipation des forces de l’ordre a l’annonce d’une manifestation; 2/maintenir l’équilibre entre l’ordre nécessaire et le désordre acceptable; 3/ intervenir face à un citoyen qui devient momentanément un adversaire, mais jamais un ennemi. Le maintien de l’ordre est une activité bien encadrée qui repose sur trois principes fondamentaux, la légalité- la proportionnalité – la réversibilité. IL m’arrive souvent de m’interroger sur la légalité de certains actes tels que le confinement d’un opposant l’empêchant d’exercer ses droits constitutionnels d’aller er venir, d’amener ses enfants à l’école, d’envoyer sa bonne au marché, de déposer son épouse a son lieu de travail et de recevoir des visites et ce, sans aucune décision judiciaire ou administrative; j’aimerais qu’on m’explique. C’est d’autant plus navrant que de telles mesures, plus ou moins abusives, portent un préjudice réel a tout le voisinage.
Nos forces de défense et de sécurité, j’en fus membre avec un niveau de responsabilité très élevé, sont composées de dignes fils et filles de ce pays, des hommes et femmes d’honneur qui ont fait l’engagement sacerdotal de servir la nation et le peuple au prix de leur vie. Ces personnels agissent sous le commandement d’officiers généraux, supérieurs et subalternes émérites qui ont des connaissances théoriques et pratiques avérées en adéquation aux plus hauts standards internationaux et qui se sont illustrés sur les différents terrains d’opérations faisant montre de compétences professionnelles appréciées, notamment au niveau international. L’honneur, comme valeur axiologique et règle fondamentale de leur crédo, figure dans toutes les devises des forces de défense et de sécurité. Et c’est au nom de cet honneur qu’elles sont interpellées par le peuple qui sollicitent d’elles qu’elles s’engagent à préserver notre pays du chaos qui semble se dessiner avec des remises en cause permanentes des principes républicains qui nous régissent en tant société considérée en masse.
Les lois de la république s’appliquent à tous sans exception, sans discrimination, sans autre considération que le statut de citoyen. Les forces de défense et de sécurité doivent se garder d’arbitrer les querelles politiciennes mais elles ont l’obligation morale, l’impératif citoyen et le devoir républicain d’intervenir pour sauver le pays en proposant des solutions de sortie de crise comme, parait-il, l’avait fait les chefs militaires sous la direction du Général Jean Alfred Diallo. IL ne saurait être question de tenir les forces de défense et de sécurité a l’écart de la vie politique nationale; elles doivent y participer dans le cadre de leurs missions régaliennes de sécurité mais dans le cadre de la préservation de la paix sociale, de l’unité et de la cohésion nationales, de la stabilité politique et institutionnelle. IL est tout à fait évident que les forces de défense et de sécurité, qui ne s’accommodent pas de publicité, agiront toujours, de manière appropriée selon leur ligne de conduite traditionnelle caractérisée par la discrétion, la confidentialité et le secret.
Les forces de défense et de sécurité n’ont pas que la force physique a faire valoir, elles n’ont pas que la létalité de leurs armes a faire valoir; ce sont des compatriotes bien intégrés dans la société qui sont aussi sinon plus instruits que le reste de la société, souvent d’une intelligence hors pair, très au fait de l’évolution du monde et au diapason des réalités de la modernité; toutes choses justifiant qu’ils soient concernés et fortement impliqués dans la marche de notre pays vers un avenir radieux. Lucides et dotées d’une grande capacité d’analyse, les forces de défense et de sécurité ont une claire conscience des défis et enjeux de l’heure.
Je ne saurais terminer sans évoquer le Général Max Miller qui s’adressant à un aréopage d’officiers américains leur disait ceci « Nous n’avons pas prêté un serment d’allégeance a un individu; nous avons prêté un serment d’allégeance a la Constitution des Etats-Unis. Nous avons un dévouement indéfectible pour la Constitution; ce document fixe le but de notre mission. » Ce discours avait été tenu quand le Président Donald TRUMP manifestait des velléités de poser des actes anticonstitutionnels. Ces propos empreints de sagesse, de dignité et de courage, d’une extraordinaire valeur pédagogique et d’un sens des responsabilités indéniable peuvent s’appliquer et servir de référence et de viatique a nos forces de défense et de sécurité. La dignité de la patrie passe avant la volonté d’un individu; la vérité doit être dite et la loi s’imposer au nom du peuple.
VIVE L’ARMEE, VIVE LA JEUNESSE, VIVE LE PEUPLE.
Dakar le 02 Avril 2023. Boubacar SADIO Commissaire divisionnaire de police De classe exceptionnelle a la retraite