Ouf, la République peut respirer ! Le très redouté (pour la paix publique) procès opposant le ministre du Tourisme au leader de Pastef s’est enfin tenu.
Ouf, la République peut respirer ! Le très redouté (pour la paix publique) procès opposant le ministre du Tourisme au leader de Pastef s’est enfin tenu. Le droit a été dit et Ousmane Sonko a été condamné pour diffamation à deux mois de prison avec sursis et à payer 200 millions de francs de dommages et intérêts à son adversaire. Ses avocats pourront toujours saisir les voies de recours c’est-à-dire interjeter appel et, dans l’éventualité où la partie civile voudrait exécuter la condamnation pécuniaire, faire une procédure de défense à exécution provisoire dans le but de faire suspendre tout paiement. Si elle est rejetée, il leur resterait encore la possibilité du référé etc. Bref, avec un peu de chance et de maestria, ils peuvent retarder le moment de la signature de chèque de leur leader jusqu’en 2024 et, qui sait, l’élection de Sonko ! Des procédures en tout cas que « Le Témoin » connaît comme sa poche…
Pour en revenir à l’audience d’hier, la condamnation du chef de file de l’opposition signifie évidemment que le ministre du Tourisme et responsable du parti présidentiel, l’Alliance Pour la République (APR), a gagné la manche en ce que son honneur qu’il estimait atteint a été lavé. Toutes nos félicitations. Quant à la justice, elle sort grandie de ce procès dans la mesure où, malgré les foucades et les rodomontades du prévenu dans cette affaire, un prévenu qui n’est pas n’importe qui puisqu’il s’agit de la figure de proue de l’opposition, elle a su aller jusqu’au bout et le juger en disant le droit. Enfin, Ousmane Sonko, bien qu’ayant perdu le procès, s’en sort finalement à bon compte puisqu’il conserve son éligibilité à la présidentielle de 2024 qui constitue pour lui la « mère des batailles » comme disait le défunt raïs irakien Saddam Hussein.
Les autorités étatiques, elles, ont sauvé la face. Elles avaient dit que ce procès se tiendrait quel qu’en soit le coût et elles ont gagné leur pari. Chapeau aux forces de défense et de sécurité, au général Moussa Fall et au contrôleur général Seydou Bocar Yague pour avoir géré avec un grand professionnalisme, en compagnie de leurs hommes, une situation sécuritaire qui aurait pu déborder plusieurs fois.
Les ressorts ont fonctionné
Mais plus que tout, le plus grand gagnant de l’épreuve que l’on vient de traverser, c’est le Sénégal. Une fois de plus, les ressorts de notre démocratie ont fonctionné. Comme tant de fois dansle passé, notre payss’est retrouvé au bord du gouffre — au « bord du précipice » aurait dit l’ancien « président de la rue publique » Me Abdoulaye Wade — sans basculer. Sans doute, le sangfroid et la détermination du président de la République nous ont-ils évité cette perspective mais il est à deviner que des médiateurs de l’ombre se sont activés aussi et que les amis du Sénégal ont exercé des pressions pour que le happy end d’hier fût possible.
En attendant la prochaine crise qui pourrait être constituée par le jugement de l’affaire Adji Sarr/Ousmane Sonko et, surtout, une éventuelle déclaration de candidature de l’actuel chef de l’Etat pour la présidentielle de 2024. La démocratie est une quête perpétuelle et sa construction n’est jamais achevée. C’est un idéal vers lequel on tend sans jamais pouvoir l’atteindre comme la ligne de l’horizon. Rien n’est définitivement acquis dans cette longue marche vers cette démocratie et il est donc normal que des crises surviennent en cours de route, l’essentiel étant de toujours savoir trouver les moyens de les surmonter. Les Etats-Unis d’Amérique et la France — pour ne parler que de ces deux vieilles terres de démocratie — n’ont-elles pas connu ces dernières années l’assaut violent des partisans du président Donald Trump sur le Capitole, siège du Congrès (ce qui constituait un véritable coup d’Etat), pour le premier pays, et les manifestations insurrectionnelles des Gilets jaunes avec leur lot de violences et de destructions jusque sur les Champs-Elysées ? Pour parler toujours de Marianne, regardez ce qui s’y passe ces jours-ci avec les protestations contre la réforme des retraites ou contre l’implantation de « méga-bassines » dans les Deux-Sèvres ? Pour dire que le chemin de la démocratie est jalonné de crises pourvu que les acteurs politiques en particulier, et les peuples en général, sachent les résoudre.
Pour en revenir à cette affaire Mame Mbaye Niang/Ousmane Sonko,si elle a atteint les proportions — et conduit aux dégâts — que l’on sait, c’est parce que, tout le monde le sait, par-delà le procès en diffamation entre deux personnes privées, son véritable enjeu était l’éligibilité en 2024 du second nommé. Par conséquent, elle ne pouvait pas être simple. Notre position, au « Témoin », a été de plaider pour que le leader de Pastef ne soit pas disqualifié de cette échéance majeure à la suite de Karim Wade et de Khalifa Ababacar Sall dont l’emprisonnement lui a ouvert la voie, la nature ayant horreur du vide. Or le risque, en éliminant Sonko du jeu politique, avec tout ce qu’il représente aujourd’hui, ce serait de favoriser l’irruption sur la scène de forces encore plus radicales que lui, genre djihadistes, aux sirènes desquelles cette jeunesse désespérée qui adule aujourd’hui le maire de Ziguinchor pourrait céder. Sans compter que cela pourrait redonner un second et plus puissant souffle au conflit casamançais, Ousmane Sonko étant incontestablement aujourd’hui le leader emblématique de cette partie de notre pays — par-delà, et c’est tant mieux pour lui, il a acquis entretemps une envergure nationale voire africaine — comme le furent avant lui des personnalités charismatiques comme Emile Badiane, Ibou Diallo de Kolda voire le regretté Pr Assane Seck dont la fille est, justement, l’actuelle ministre des Sénégalais de l’Extérieur. Je l’avais écrit ici lorsque sous couvert de la plainte de l’alors directeur des Domaines, Mamour Diallo, contre son ex collègue à la DGID (Direction générale des Impôts et Domaines) Ousmane Sonko à propos de la fameuse affaire des 94 milliards en soutenant que le fait que la jeunesse casamançaise se reconnaisse à travers ce dernier était au contraire une très bonne nouvelle pour la démocratie !
« Rebelle casamançais » ne doit pas être l’autre nom de «l’ivoirité» !
Plutôt que de rejoindre le maquis, qu’ils choisissent ou que la perspective leur soit offerte d’exprimer leurs frustrations légitimes sur le terrain politique plutôt que dans les maquis de la forêt casamançaise, cela c’est déjà une victoire pour notre pays. Le Sénégal qui a besoin de l’apport de tousses enfants pour se construire. A condition que ces enfants sachent se parler par-delà leurs clivages, leurs chapelles et leurs obédiences. Si nous estimons que la candidature de Sonko — mais aussi celles de Karim Wade et de Khalifa Sall — ne doivent pas être écartées c’est parce que nous savons, hélas, que dans beaucoup de pays du continent qui se sont embrasés on trouve à l’origine des candidats à la présidentielle recalés grâce à des manœuvres. Le cas le plus emblématique est celui de la Côte d’Ivoire où l’exclusion d’Alassane Ouattara grâce à l’artifice de l’ivoirité a plongé ce pays frère dans une guerre civile de dix ans. Par conséquent, pensons-nous, « rebelle casamançais » ne doit pas être la version sénégalaise, ou l’autre nom, de l’ivoirité !
Quant au président de la République, pour décrire son action, je serais tenté de le comparer à un personnage de la mythologie grecque à savoir Pénélope, épouse d’Ulysse, parti en Odyssée, et qui, aux nombreux prétendants qui voulaient sa main, répondait invariablement qu’elle accepterait qu’ils l’épousent lorsque l’ouvrage qu’elle était en train de tricoter serait achevé. Seulement voilà, chaque nuit, elle détricotait ce qu’elle avait fait durant la journée ! Si bien que l’ouvrage de Pénélope ne fut jamais achevé jusqu’au retour d’Ulysse. Car enfin, voilà un président qui a un excellent bilan matériel — meilleur, incontestablement, que ceux de tous ses prédécesseurs, c’est ma conviction —, diplomatique et aussi en termes de montée en puissance de notre armée et de nos forces de sécurité mais qui gâche le tout sur le plan immatériel c’est-à-dire en matière de gouvernance. Au point d’éclipser son excellent bilan matériel !
A Ousmane Sonko, on ne saurait trop lui conseiller, si ses zélés et fanatisés partisans nous le permettent, de modérer son langage mais surtout d’avoir plus de respect pour les institutions et, notamment, pour les hommes imparfaits (que celui parmi nous qui est parfait leur jette la première pierre !) qui les incarnent ou les animent. En résumé, il doit acquérir une stature d’homme d’Etat même si c’est sa posture de populiste qui fait sa force.
Pour le reste, profitons de cette période de grâce retrouvée pour nous purifier spirituellement en ce mois béni de Ramadan (et aussi de Pâques) et en profiter pour prier Dieu d’apaiser les coeurs. Surtout, surtout, fêtons en communion et dans la concorde le 04-Avril, anniversaire de l’accession de notre cher pays à la souveraineté internationale !
PS : L’accident dont a été victime notre jeune collaboratrice Yacine Thiam, camérawoman à Témoinweb, nous a valu de très nombreux témoignages de sympathie venant de confrères, d’amis, de lecteurs ou de citoyens anonymes. Avec une mention particulière pour le Synpics, la Convention des jeunes reporters et l’Appel. Que tous ceux-là veuillent bien trouver ici l’expression de notre gratitude ! Nos remerciements vont aussi au secrétaire général du PUR (Parti de l’Unité et du Rassemblement), Cheikh Tidiane Youm, aux deux députées Bathily et Ba ainsi qu’aux leaders de Yewwi Askan Wi d’une manière générale pour la prise en charge des frais médicaux de Yacine au niveau de la clinique Khalifa Ababacar Sy de SacréCœur III. Remerciements appuyés, enfin au ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diom, pour s’être rendu au chevet de notre collaboratrice et avoir annoncé la prise en charge totale de son hospitalisation par le Gouvernement. Un grand bravo à lui !
Mamadou Oumar Ndiaye