Jeu burlesque qui nous ramène dans une autre vie. Une autre époque si lointaine. Comme dans un roman, on peut placer l’action dans un pays imaginaire et quelque part dans un coin perdu du continent africain où l’Histoire a tendance à prendre des raccourcis, bégayer ou marcher à reculons. Ça peut être la Guinée de Sékou Touré que deux éblouissants écrivains, Williams
Sassine et Tierno Monénembo, ont brillamment croquée. Ça peut également être le Congo Brazzaville racontée par un Tchicaya U Tam’si ou décrit par la plume ravageuse et nauséabonde d’un Sony Labou Tansi. Prenez n’importe quelle œuvre des années soixante-dix de ces quatre écrivains, plongez-y, et vous aurez l’impression d’être aujourd’hui au cœur du Sénégal avec des accusations grotesques et loufoques du genre atteinte à la sûreté de l’Etat, appel à l’insurrection, actes et manœuvres de nature à troubler l’ordre public et autres qualifications pénales voire criminelles. Vocables hérétiques d’une Afrique des premières années de nos indépendances et où les présidents voyaient partout des ennemis et craignaient même leur ombre qu’ils pouvaient
mitrailler à coups de Kalachnikov. Et comme par hasard, le Guinéen Sassine avait quitté son pays pour aller chercher refuge ailleurs après ce que l’on appelait alors en Guinée « le complot des enseignants ». Une véritable chasse à l’homme. Pourquoi donc pensez-vous à ce qui se passe depuis quelques semaines dans ce charmant
pays où une véritable chasse à courre est lancée contre le parti Pastef, lesinfluenceurs, lesjournalistes et autres mal-pensant ? Une chasse qui n’épargne même pas les médecins. Se retrouver à comparer le Sénégal à ces pays,
fait assurément de la peine. Cela constitue la preuve de l’abime où se trouve notre démocratie. Même Senghor à la main de fer ne souffrait pas de cette paranoïa qui faisait florès partout dans une Afrique des dictatures où les opposants étaient pourchassés pour être oubliés dans les geôles comme il est de bon ton dans notre pays depuis 2021 avec des dossiers envoyés en instruction
et pour le traitement desquels le juge peut trainer les pieds et laisser pourrir des détenus en prison. Tant pis pour eux et, surtout, pour les supposés terroristes de la « Farce spéciale » parmi lesquels une dame. Des terroristes dont l’un est mort dans les geôles de la police, officiellement après avoir cogné sa tête sur les grilles de sa cellule. Y croira qui voudra. Hier, c’est l’écrivain Boubacar Boris Diop qui disait avec lucidité dans une interview que le Sénégal est en état d’urgence non déclarée. Personne n’en doute. Et ça ose pérorer dans les
médias occidentaux que la démocratie existe dans ce bordel de pays.
kaccoor bi – le temoin