Le pouvoir

par pierre Dieme

On peut lui donner les formes d’une femme. Ô, mais quelle femme ! Elle est belle, aguichante, lascive. Jamais la même, toujours une autre. Elle vous fait languir, vous envoûte et vous fait perdre toute raison, toute capacité de discernement. Et pas seulement à celui qui cherche à la conquérir.

Elle fait courir tout le monde. Surtout chez nous autres nègres de ce continent africain qui refuse d’avancer. On s’entretue, complote, mène des guerres souterraines pour enlever la belle à l’autre. Et tout est permis. Quand on essaie de la séduire, on jure sur tous les saints de lui être fidèle et soumis. De ne jamais la faire souffrir. D’être un homme juste voire sobre ! et vertueux avec elle.

Dès qu’on arrive à la conquérir, on se croit tout puissant. Il faut reconnaitre que la belle a la triste réputation de vous changer. Elle peut faire d’un agneau un loup, d’un homme d’une immense bonté, un vil menteur. Elle vous rend si fort que l’on se croit dieu sur terre. Elle a également la réputation de vous transformer en salopard, connard, crétin, magouilleur, corrompu, cupide, voleur et sanguinaire. Bref, elle vous rend fou, corrompt les esprits y compris ceux de votre entourage.

Elle vous ensorcelle tellement que, même de la vie des autres, vous allez vous contreficher. D’ailleurs, au prix de votre vie, vous ne laisseriez personne vous prendre votre belle canaille. Vous en faites votre propriété exclusive jusqu’à la mort. Cette belle dame si énigmatique, c’est le pouvoir. Ceux qui veulent la conquérir ne cherchent jamais à relire l’Histoire pour y voir de sinistres individus du genre : Idi Amin Dada, Samuel Do, Charles Taylor, Jean Bedel Bokassa ou Macias Nguema.

C’est triste aujourd’hui d’en arriver là avec cette chasse grotesque à l’homme. Pendant que des criminels pillent et tuent, toute la police et la gendarmerie sont mobilisées et aux trousses des militants d’un parti politique et jusque dans nos collèges et lycées. Mais le plus scandaleux reste les convocations servies aux médecins d’une structure de santé dont le délit est d’avoir pris en charge un opposant.

Et le dangereux propriétaire de cette clinique qui a sauvé tant de vies a été cueilli comme un vulgaire voyou par nos valeureux gendarmes dans son village natal situé dans la commune de Médina Ndiathbé pour être transporté comme un colis et remis aux policiers qui avaient lancé un avis de recherche le concernant. Bigre ! Et dire que les voleurs de nos deniers publics ne sont pas traqués avec la même efficacité…

En attendant, c’est la vendeuse de cacahuètes ou de café Touba, installée dans les périmètres du domicile de l’opposant à la Cité Keur Gogui, qui doit faire attention au risque d’être convoquée pour avoir vendu du café ou du « thiaf » à… Sonko.!
KACCOOR BI – LE TEMOIN

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