Au Sénégal, les violentes manifestations ont couté la vie à beaucoup de jeunes. De mars 2021 à mars 2023, on dénombre 20 morts dont au moins 4 dans le sud du pays, fief de l’opposant Ousmane Sonko. Bon nombre de ces décès sont causés par des balles réelles selon les résultats de l’autopsie. L’on s’interroge sur le pourquoi tire-t-on à balles réelles sur les jeunes manifestants.
En mars 2021, quatorze (14) personnes avaient été tuées durant les 5 jours de manifestations et près de 600 personnes ont été blessées selon la Croix-Rouge sénégalaise. Ce, après l’arrestation du leader de l’opposition Ousmane Sonko.
Une manifestation que les leaders de la coalition Yewwi Askan Wi (YAW) voulaient organiser le 17 juin 2022, avait été interdite par un arrêté du préfet de Dakar pour risque de « troubles à l’ordre public ». Alors, neuf (9) jours auparavant, une manifestation de cette même coalition s’était déroulée de manière pacifique.
Cette interdiction a engendré des violences à Dakar lorsque des manifestants ont voulu accéder à la Place de la Nation, barricadée par les forces de sécurité, ainsi qu’à Bignona et Ziguinchor. Trois (3) personnes ont perdu la vie. D’autres morts au nombre de 3 (2 à Dakar et 1 à Bignona) ont été enregistrés ces derniers jours lors de violentes manifestations qui ont éclaté le 16 mars 2023, jour de procès opposant le leader de Pastef Ousmane Sonko au ministre Mame Mbaye Niang. Ce qui fait un total de 20 morts selon le décompte de PressAfrik.
Des morts par balles réelles notamment dans le Sud
Les faits choquant durant ces différentes manifestations ce sont des tirs à balles réelles sur des manifestants. En plus des résultats des autopsies qui le confirment, une vidéo filmée le 5 mars 2021 et diffusée le lendemain montre aussi des hommes en civil pourchassant une foule dans le centre de Dakar, et tirant avec au moins une arme létale.
Le cas le plus récent de mort par balles réelles en date du lundi 20 mars 2023. Un jeune du nom de Mamadou Korka Ba a été tué par « balle » au cours des manifestations spontanées lundi matin dans le département de Bignona, dans le sud du Sénégal. La victime serait âgée de d’une vingtaine d’années, selon des informations reçues par PressAfrik
Lors des événements de juin 2022, Idrissa Goudiaby, 43 ans, a trouvé la mort dans le contexte de la manifestation à Ziguinchor. Selon l’autopsie recommandée, Goudiaby n’est pas mort par balle. Il a succombé à ses blessures provoquées par une « arme blanche ». Ce que conteste la famille qui parle de témoins qui ont un vu un gendarme tirer à bout portant sur Goudiaby. Au finish, la contre-expertise a conclu qu’il est mort par balle.
La liste des morts par balles est loin d’être exhaustive. Albert « Abdoulaye » Diatta est aussi mort lors de la manifestation à Bignona. Sa famille affirme qu’il aurait également été atteint mortellement par balles.
Washington épingle le Sénégal sur des violations droits humains
Le département d’Etat américain a publié lundi son rapport 2021 sur les droits des personnes au Sénégal. Evoquant les différentes manifestations interdites durant ces dernières années, il a évoqué plusieurs abus des forces de l’ordre.
D’emblée, le document rappelle que le Sénégal est une république dominée par un pouvoir exécutif fort. En 2019, les électeurs ont réélu Macky Sall à la présidence pour un second mandat de 5 ans lors d’élections que les observateurs locaux et internationaux ont jugées généralement « libres et équitables ».
Les auteurs du rapport rappellent dans le document les manifestations du 17 juin après que le Conseil constitutionnel ait confirmé le rejet par la commission électorale de la liste des candidats nationaux de l’opposition politique aux élections législatives de juillet, faisant 4 morts, deux (2) attribués à la police par certaines Organisations non gouvernementales.
« La police a arrêté 130 manifestants. Parmi les problèmes importants en matière de droits de l’homme, on peut citer des rapports crédibles faisant état d’assassinats illégaux ou arbitraires ; torture ou peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés par le gouvernement ou en son nom; conditions de détention difficiles et dangereuses pour la vie ; arrestations ou détentions arbitraires ; prisonniers ou détenus politiques ; problèmes graves liés à l’indépendance du pouvoir judiciaire…. », lit-on dans le document.
Des rapports indiquent que le gouvernement sénégalais ou ses agents ont commis des « exécutions illégales ou arbitraires » lors des manifestations du 17 juin. Les organisations de défense des droits de l’homme comme indiqué dans le rapport ont relevé des exemples « d’abus physiques » commis par les autorités, notamment un usage excessif de la force ainsi que des traitements cruels et dégradants dans les prisons et les lieux de détention.
Ces organisations ont mis l’accent sur les méthodes de fouille à nu et d’interrogatoire. La police aurait forcé les détenus à dormir sur des sols nus, les aurait éclairés à la lumière vive, les aurait frappés à coups de matraque et les aurait maintenus dans des cellules avec un accès minimal à l’air frais. « Les enquêtes étaient souvent indûment prolongées et aboutissaient rarement à des inculpations ou à des mises en accusation. L’impunité pour de tels actes est un problème important », regrettent les Américains.
Salif SAKHANOKHO