« Renier sa parole, c’est ravaler ses vomissures, et s’identifier à une exécrable et répugnante vermine. »
L’image qu’offre notre pays, à travers le monde devenu un village planétaire ou tout est connu et partagé en temps réel, n’est pas des plus reluisants; le Sénégal, jadis, pays de référence tant en matière de démocratie que sur le plan de la stabilité institutionnelle, se présente à la face du monde sous les contours d’une république quasi bananière. Cette situation résulte de la mauvaise et calamiteuse gouvernance de l’actuelle coalition au pouvoir qui ne semble guère se soucier le moins du monde de certains principes républicains et de certaines valeurs morales.
Dans une contribution en date du 13 juin 2020, j’avais dit que notre pays souffrait de la perversion des principes républicains et de la déliquescence morale de nos dirigeants. J’y dénonçais la mauvaise gestion des affaires publiques avec une violation constante et manifeste des règles de droit, l’impunité érigée en mode et modèle de gouvernance. On y voit un pouvoir exécutif d’une toute puissance sans limite qui fait fi de toutes les convenances républicaines exigées dans un état de droit; un pouvoir législatif vassalisé, assujetti et d’une totale soumission vis-à-vis de l’exécutif et un prétendu pouvoir judiciaire honteusement instrumentalisé avec des juges aux ordres, débarrassés volontairement de leur dignité et tout pressés de répondre avec zèle aux injonctions, souvent, injustes, illégales et abusives du prince.
Cette correspondance adressée à son Excellence Macky Sall, Président de la république, m’avait valu une convocation à la Division des investigations criminelles ou, après audition, il a été retenu à mon encontre les infractions suivantes; offense au chef de l’État, diffusion de fausses nouvelles et manœuvres de nature à jeter le discrédit sur les institutions de la république. Il faut vraiment avouer que c’était lourd; j’ai été relaxé sur convocation pour le lendemain, et à quelques heures d’y répondre, il m’a été signifié que l’affaire n’était plus à l’ordre du jour.
Bien avant cette adresse au Président de la république, j’avais, dans une précédente contribution, affirmé avec la plus grande conviction et sur la base de faits concrets, avérés et d’éléments probants, que l’on peut dénombrer parmi nos dirigeants des voleurs impénitents, des escrocs patentés, des détourneurs de deniers publics, des forbans impavides, des accrocs à la drogue invétérés, des faussaires sans scrupules etc….
Aujourd’hui, à ce ramassis d’hommes de corde et de sac qui pullulent dans les hautes sphères de l’État, il faut ajouter toute une faune immonde et infecte de renégats, composée d’hommes et de femmes qui ont renié leur parole d’antan pour, avec un engagement intéressé et calculé, s’ériger en laudateurs du Président Macky Sall et en véritables hérauts de sa troisième candidature. Ces individus, auparavant, connus pour avoir été parmi les pourfendeurs les plus engagés et les contempteurs les plus caustiques du Président Macky Sall, n’hésitent plus, à travers leur plume et leurs discours, à vanter avec force dithyrambes la vision, les mérites et les réalisations de celui-ci, présenté comme un messie dont ne pourraient se passer les Sénégalais.
Tous ces renégats avaient soutenu publiquement, avec une certaine assurance et force arguments juridiques, que le Président Macky Sall n’était point éligible pour un troisième mandat; à l’appui de leur argumentaire, ils se plaisaient à citer l’article 27 de la Constitution qui, dans son deuxième alinéa dispose clairement que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »
On pourrait citer le cas désespérant et déshonorant du professeur Ismaila Madior Fall, éminent constitutionnaliste et actuel ministre de la justice. Il a été au centre de la réforme constitutionnelle de 2016 soumise au peuple par référendum; et qui plus est, il en était le rédacteur. Puiseurs fois interpellé sur le sujet, il a toujours seriné la même réponse en déclarant, s’offrant même parfois le luxe de dauber les Sénégalais, que la Constitution est claire et qu’il ne peut y avoir sujet a interprétation et citant à l’envi le deuxième alinéa de l’article 27 « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. » Aujourd’hui pour plaire à son mentor et pour jouir des avantages du pouvoir, il est revenu sans vergogne sur ses propos d’hier, ravalant son vomi et jetant l’opprobre sur ses pairs et sur l’ensemble de la communauté universitaire.
Une autre juriste, en l’occurrence madame Aissata Sall Tall, avocate de son état et actuelle ministre des affaires étrangères, est à classer, elle aussi, dans le groupe des renégats, ces tristes et sinistres personnages qui ont renié leurs principes, leur parole et leurs convictions. Cette charmante et grande dame de grande classe, a l’allure altière qui renseigne sur son origine aristocratique, suscitait l’admiration des Sénégalais qui voyaient en elle l’incarnation de la dignité et de la fierté de la femme africaine. On était souvent subjugué par l’amplitude de ses effets de manches quand, avec une force de conviction irrésistible, elle défendait des cause justes et nobles. Malheureusement, après avoir soutenu avec de solides arguments juridiques l’impossibilité pour le Président Macky Sall de briguer un troisième, la voilà qui, elle aussi, ravale son vomi en soutenant le contraire par des arguties d’une effarante légèreté, notamment en parlant de deuxième quinquennat. Elle vaut mieux que ça et c’est vraiment regrettable qu’elle ait pu brader son honorabilité avec une telle vilenie.
Il y a le cas du sieur Alioune Sow, actuel ministre de la culture qui s’adonne à la culture de la transhumance. Il y a quelques mois, les vars sont là pour en attester, il déversait toute sa bile fielleuse sur le Président Macky Sall qu’il a traité de tous les noms et dont il a dénoncé avec véhémence la gestion du pays. Il s’est surtout illustré dans son opposition plus que farouche au troisième mandat en s’érigeant en figure de proue pour la défense de la constitution qui ne doit pas être violée par qui que ce soit, fut-il Macky Sall. Cette position radicale lui avait valu beaucoup de sympathie de la part des Sénégalais; malheureusement, a la grande déception de ses sympathisants et de certains de ses militants, il a effectué une pirouette virevoltante pour atterrir dans le giron présidentiel. Aujourd’hui, membre du gouvernement, il se fait l’avocat de la troisième candidature du Président dont il est devenu l’obligé.
Le ministre Mame Mbaye Niang figure dans ce groupe de personnes qui ont abjuré et tourné casaque. Il avait déclaré avec une conviction qui avait séduit beaucoup de ses compatriotes qu’il ne soutiendrait jamais une troisième candidature du Président Macky Sall. Interpellé sur ses propos d’alors, il semble vouloir se rétracter. Ce n’est pas surprenant de la part d’un individu dont la parole est pathologiquement instable comme son mentor. On pourrait en dire autant de l’actuel Président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yaakar, en l’occurrence maitre Oumar Youm, l’actuel président du groupe parlementaire de la coalition présidentielle qui, à l’instar de beaucoup de responsables, soutenait l’impossibilité juridique du Président Macky Sall de prétendre à un troisième mandat.
On ne peut pas, au Sénégal, parler de reniement sans évoquer le cas d’Idrissa Seck, actuel Président du Conseil économique, social et environnemental qui s’est, de tout temps, illustré dans des revirements aussi surprenants que spectaculaires. Avec le Président Abdoulaye Wade c’était un jeu d’éternels yo-yo marqué par des allers et retours, des entrées et des sorties qui ont fini de lasser les Sénégalais. Il avait déclaré ne plus accepter toute nomination par décret, ne jamais répondre à une quelconque concertation avec Macky Sall qu’il qualifiait ainsi ; « C’est un grand poltron, il a une parole instable, il est assujetti aux puissances étrangères et maintenant il tue nos enfants. Sa vision s’arrête à Diamniadio ». Aujourd’hui par un extraordinaire retournement de l’histoire, ils se sont retrouvés dans un mélange savoureux de pain et de lait, mais qui semble se fermenter. Il faut reconnaitre au président Idrissa Seck sa constance dans son opposition contre le troisième mandat; il l’a réitéré tout récemment dans un français châtié que ne peuvent comprendre que des esprits au fait des subtilités sémantiques et lexicales de la langue de Molière. Voila un personnage d’une intelligence exceptionnelle qui, malheureusement, s’est fourvoyé dans ses louvoiements.
Tous ces cas et exemples doivent alerter le Président Macky Sall sur la constance et la fiabilité de certains de ses collaborateurs adversaires d’hier, amis d’aujourd’hui; des gens uniquement guidés par leurs seuls intérêts égoïstes et dont la parole ne constitue ni ne fournit aucun gage de fidélité. Il faut oser le dire, en matière de respect de la parole donnée, le Président Macky Sall ne prêche pas d’exemple; il est très loin d’être un parangon, un modelé qui peut servir de référence. Son magistère, a l’article de son terme, est caractérisé par de multiples abjurations, moult parjures et de nombreux reniements, des promesses non tenues et des engagements évaporés; on peut en citer à foison. Pour l’heure, les Sénégalais, dans une expectative des plus angoissantes, sont tous suspendus à ses lèvres, attendant qu’il fasse une déclaration sur ses véritables par rapport a l’élection présidentielle de février 2024; et a ce sujet il n’y a qu’une alternative, déclarer sa candidature ou se conformer à la constitution, c’est-à-dire ne pas se présenter. De la réponse qu’il apportera dépendra l’avenir de notre cher pays; si, en application de l’article 27 de la constitution, il renonce ou plutôt s’abstient de se présenter, le pays gardera sa stabilité politique et institutionnelle, son unité nationale et sa cohésion sociale, toutes choses, facteurs de paix à laquelle invitent tous les segments de la société, notamment les chefs religieux. Par contre, en violation flagrante de la constitution, s’il se présente, avec l’assentiment pour ne pas dire la complicité du conseil constitutionnel, il fera sombrer le pays dans une situation d’instabilité, de désordre, de violence et d’ingouvernabilité susceptible d’aboutir au chaos que personne ne souhaite, mais dont certains pourraient profiter pour dérouler un agenda caché.
Seul le Président Macky Sall détient la solution pour conduire notre cher Sénégal soit dans la voie de la paix soit dans les arcanes de l’enfer. Il sera l’unique responsable de tout ce qui adviendra dans le pays; mais quoi qu’il en soit le peuple ne laissera personne bruler le pays. Espérons qu’il saura écouter la voix de la sagesse qui lui indiquera la voie salvatrice qui épargnera ses compatriotes du tumulte.
NOLENS, VOLENS, TERMINUS FEVRIER 2024.
Dakar le 06 Marss 2023.
Boubacar SADIO
Commissaire divisionnaire de police De classe exceptionnelle à la retraite.