A quoi jouent le Président Macky Sall et son régime ? A moins d’un an de l’élection présidentielle de 2024, il n’y a, à ce jour, aucun décret publié, fixant la date du scrutin. Aussi, il n’y a toujours pas de décret portant révision exceptionnelle des listes électorales. A part un communiqué laconique du ministère de l’Intérieur publié le 16 février informant « les citoyens et les acteurs politiques que la date de la prochaine élection présidentielle est fixée au dimanche 25 février 2024, par décret n°2023-339 en date du 16 février », il n’y a aucun texte réglementaire qui garantit l’organisation d’un scrutin en 2024.
Etait-ce un communiqué contre-feux ?
Ce jour-là, 16 février 2023, les caméras du monde entier étaient braquées sur la Corniche ouest de Dakar. Plus précisément sur la sortie du tunnel de Soumbédioune où le convoi du leader de l’opposition est dispersée et son véhicule bloqué par les deux corps d’élite des Forces de défense et de sécurité, la BIP e le GIGN. Ousmane Sonko revenait du Palais de justice de Dakar, accompagné d’une immense foule de jeunes qui voulaient l’emmener chez lui à la Cité Keur Gorgui. Des tirs de gaz lacrymogène mettent fin à la procession. Sonko, son avocat Me Clédor Ciré Ly, ses gardes du corps et quelques éléments de son entourage se retrouvent encerclés par la police et la gendarmerie. Le chef du Groupement mobile d’intervention (GMI), le Commandant Masserigne vient demander à l’opposant d’emprunter le tunnel, mais ce dernier lui rétorque qu’il lui a été signalé la présence d’hommes armés sur ce trajet et qu’il préfère passer au-dessus pour sa sécurité et celle de ses hommes.
Le Commandant des GMI réussit à le convaincre d’emprunter le tunnel en lui donnant des gages de sécurité. Il accepte. Mais à sa sortie, son véhicules et ses hommes sont visés par des grenades lacrymogènes et autres projectiles qui ne provenaient pas des FDS. Le Commandant Masserigne, surpris par la tournure des événements, s’interpose. Les éléments de la BIP entre en jeu. Ils veulent sortir Ousmane Sonko de son véhicule pour l’emmener chez lui à bord d’un de leurs fourgons pour plus de sécurité. Une conversation téléphonique entre l’opposant et l’un des chefs de la police débouche sur un désaccord. Devant l’urgence de la situation, l’offensive de forces non identifiées et les dangers encourus sur place, les éléments d’élite de la BIP décident d’exfiltrer Sonko de force de son véhicule.
Les images sont spectaculaires. La vitre de la voiture est cassée devant un Ousmane Sonko impassible. Il est pris de force par des éléments de la police qui lui signifient tout de même qu’il n’est pas état d’arrestation et embarqué dans un fourgon blindé de la police qui le transporte jusque chez lui.
Dans les médias étrangers, on ne parle que cette scène brutale et surréaliste. Washington Post, Reuters, Fox News, Le Monde, Le Figaro, RFI, France 24, TV5 Monde, Al Jazeera etc., se déchaînent. C’est dans cet emballement médiatique et des Réseaux sociaux, que le ministère de l’Intérieur décide de sortir son communiqué annonçant le décret fixant la date de l’élection présidentielle au 25 février 2024. Mais il y a un problème: trois semaines après ce communiqué, le décret présidentiel est toujours introuvable.
Un autre communiqué… et du vent
Le samedi 04 mars 2023, un autre communiqué a été publié par la Direction générale des élections non pas pour annoncer l’ouverture de la Révision exceptionnelle des listes électorales, mais pour informer les paris politiques de la proposition par le ministre de l’Intérieur de la liste des pays concernés par ladite révision en vue de l’élection présidentielle de 2024.
Les délais impartis au partis politiques pour faire leurs observations sont très courts. Mais ce n’est pas le plus grand problème. À ce jour, il n’y a aucun décret portant révision des listes électorales.
« Il n’est pas sûr que le Président Macky Sall organise une révision des listes électorales »
Selon l’expert électoral, Ndiaga Gueye, le décret fixant la date et la durée d’une révision exceptionnelle est sous le contrôle exclusif du Président de la République du Sénégal qui est en même temps président du parti au pouvoir. Ainsi, il dispose de la prérogative de choisir une période qui ne permette pas le déroulement normal d’une révision exceptionnelle.
En conséquence, ajoute le président de l’Asutic, la révision exceptionnelle ne sera plus dans le calendrier des opérations électorales à exécuter. A cet effet, l’alinéa 6 de l’article 37 sera invoqué : « Si les délais d’organisation d’une élection anticipée ou d’un référendum ne permettent pas le déroulement normal d’une révision exceptionnelle, l’élection ou la consultation est faite sur la base de la liste électorale révisée dans l’année en cours ». Cette alinéa est à analyser en relation avec l’alinéa 5 de l’article 37, brandi par le ministère de l’intérieur pour justifier la non organisation de la révision ordinaire, dont la dernière disposition est libellée comme suit : « Toutefois, la révision exceptionnelle peut être décidée dans la même forme en cas d’élection anticipée ou de référendum ».
Monsieur Gueye d’alerter: « En vertu de ces deux dispositions, le ministère de l’Intérieur décidera de ne pas organiser une révision exceptionnelle. L’élection présidentielle de 2024 sera alors organisée avec les listes électorales des législatives de juillet 2022 ».
Une révision des listes en catimini comme lors des Législatives ?
Selon toujours, l’expert électoral Ndiaga Gueye, une révision exceptionnelle de très courte durée pourrait être organisée, « pour éviter d’achever l’image de la démocratie, aujourd’hui au plus bas. Cette révision serait certainement l’occasion de valider l’inscription en catimini de centaines de milliers de nouveaux électeurs, identifiés avec l’opération de vente de cartes de membre (du parti au pouvoir), tout en ne créant pas les conditions permettant l’inscription en masse des 2 millions d’électeurs potentiels. L’évolution du fichier électoral nous édifiera sur cette éventualité, bien que, l’inscription en catimini est possible, sans faire évoluer le nombre d’inscrits au fichier électoral ».
Il faut rappeler que la révision exceptionnelle des listes électorales en vue des dernières élections législatives du 31 juillet 2022 a eu une durée de 15 jours (du 7 au 21 mars 2022). Pire, le nombre de nouveaux électeurs inscrits n’a été publiée ni par la Commission Électorale Nationale Autonome, ni par la Direction Générale des Élections. Aucune information n’est publiée à l’intention des citoyens. « Quand, il s’agit du fichier électoral au Sénégal, c’est l’opacité totale, aucune transparence », s’indigne monsieur Gueye.
AYOBA FAYE