A quelque mois de l’élection présidentielle du 25 février 2024, les annonces de candidatures se multiplient. Au moins six (6) leaders de l’opposition ont déjà déclaré leurs intentions d’occuper le fauteuil présidentiel. Le dernier en date d’hier dimanche avec la déclaration de Déthié Fall, un des principaux membres de la coalition Yewwi Askan Wi qui a failli imposer une cohabitation au pouvoir lors des législatives de juillet 2022. Cet ordre dispersé profite-t-il au régime de Macky ou à l’opposition ? Déthié Fall qui a récemment créé son parti a-t-il pris la bonne décision ? Joint par PressAfrik, des analystes politiques ont donné des avis différents sur la première question.
L’opposant Ousmane Sonko a été l’un des premiers à officialiser sa candidature avec sa coalition « Yewwi Askan Wi ». Depuis, il n’est plus le seul à manifester son désir de briguer la magistrature suprême. On a l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall avec son parti « Taxawu Sénégal », Malick Gackou, Boubacar Camara et Bougane Gueye Dani respectivement leader du partis « Pcs/ Jengu Tabax » et du mouvement « Gueum sa Bop », Dr Abdourahmane Diouf avec son mouvement « Awalé », Aminata Touré, ancien Première ministre, a aussi déclaré sa candidature en 2024.
Dimanche, Déthié Fall a allongé la liste des candidats de Yewwi Askan Wi à l’élection présidentielle. La coalition est confrontée à la dispersion de ses leaders même si une candidature unique ne fait pas partie de la charte signée par les différents chefs de partis. Cette floraison de déclarations de candidatures prématurées de l’opposition pose plusieurs interrogations sur son utilité. Des observateurs contactés par PressAfrik ont eu une divergence de point de vue.
L’idéal aurait été qu’il y ait eu un seul candidat pour l’opposition
La coalition Yewwi Askan Wi devrait-t-elle avoir un candidat unique ou non ? La réponse, c’est oui pour l’analyste politique Pathé Mbodj. « L’idéal aurait été qu’il y ait eu un seul candidat pour l’opposition. Malheureusement ça ne peut pas se réaliser pour plusieurs raisons comme des querelles d’égo. Les gens n’ont pas de culture politique. Un parti c’est une histoire. Ce n’est pas comme on le dit dans notre jargon « djoudou tay, mag tay bok tay » (naitre, grandir et marcher le même jour). Donc, c’est un gâchis de multiplier les candidatures d’autant que les gens vont rester soudés autour de Macky Sall. Le vote qui pouvait être utile à l’opposition va se disperser entre 5 ou 6 candidats qui n’ont aucune chance pris individuellement, en dehors de Sonko ».
Interpellé sur la charte de la coalition Yewwi Askan Wi qui stipule que chaque membre va présenter son candidat à la présidentielle et au second tour ils vont soutenir le mieux placé, M. Mbodj est tout de même resté sur sa position, estimant que « c’est pour se donner bonne conscience ». « Quand on unit les forces aux locales et aux législatives pour mettre le pouvoir en minorité, ça ne peut que servir de leçon. La réussite de l’opposition sur ce double plan, devrait inciter l’opposition à comprendre qu’en unissant leur forces, ils peuvent aller loin. Quand on sort de Yewwi et on va chez Wade, il a moins (de députés). Alors que l’addition des chiffres aurait donné une majorité qualifiée à l’opposition. C’est aussi simple que ça. Les législatives et les locales doivent donc servir de leçon ».
Quelle chance pour Déthié Fall ?
Les multiples candidatures de l’opposition profitent à ceux qui sont unis plus qu’avec ceux qui sont dispersés dans un électorat timide, selon notre interlocuteur. Evoquant le cas de Dethié Fall qui n’est pas très consistant par rapport à un Sonko, Khalifa, Malick Gackou, il estime qu’il se prépare pour l’avenir. « Il y a des candidatures c’est juste pour essayer comprendre et savoir comment ça se fait pour se préparer à l’avenir. Pas pour aujourd’hui, mais pour demain. Il y a des candidatures pédagogiques et des candidatures efficaces ».
Le mieux pour l’opposition c’est d’avoir une candidature plurielle
Dr Adama Sadio, enseignant en Sciences Po ne partage pas le même avis que son collègue Pathé Mbodj. Pour lui, l’opposition gagnerait à présenter une candidature plurielle. « Déjà, il y a beaucoup de candidatures qui se déclarent dans l’opposition. En réalité, certains ne seront pas candidats à double niveau. Il y a le barrage du parrainage. Car beaucoup ne pourront pas réunir tout le nombre de parrains exigés par la loi. Parce qu’ils n’ont pas de machine électorale. Ils n’ont pas un parti politique aussi important. L’autre obstacle est que beaucoup se déclarent candidat, mais c’est juste pour mieux marchander. Mais cela leur permettra d’être beaucoup plus sérieux et pris en considération. Et en cas de victoire, ils peuvent avoir des postes de responsabilités si important dans le gouvernement ».
Pour Dr Sadio, le mieux pour l’opposition c’est d’avoir une candidature plurielle. En prenant l’exemple sur élections législatives de juillet qui a été marquée par une percée de l’opposition, l’enseignant a évoqué une différence de type d’élection. « En fait, les types d’élections ne sont pas les mêmes. Si c’est pour les élections législatives ou c’est du « raw gadou » autrement dit si un parti devance avec une seule voix, remporte tous les députés en jeu dans un département, mieux c’est d’aller tous ensemble. Mais s’il s’agit d’une élection présidentielle, le mieux pour l’opposition c’est qu’au premier tour qu’il y ait une multiple de candidatures.
Moins qu’il y ait de candidats, plus il y a la chance pour le candidat de la majorité de s’en sortir dès le premier tour
Argumentant, Dr Sadio a soutenu qu’avoir une multitude de candidature signifie qu’il y aura une « dispersion des voix qui va empêcher au candidat de la majorité de pouvoir gagner dès le premier tour ». Il ajoutera : « moins qu’il y ait de candidats, plus il y a la chance pour le candidat de la majorité de s’en sortir dès le premier tour. Mais plus qu’il y a de candidats, moins le candidat de la majorité qui s’appelle Macky Sall ou Amadou Bâ ou quelqu’un d’autre a la chance de s’en sortir dès le premier tour».
Pour le cas de Déthié Fall, les deux analystes politiques ont donné le même point de vue. Après la formation de son parti politique il y a quelques mois, Dr Adama Sadio pense qu’il ne puisse disposer d’une machine électorale lui permettant de « dépasser l’obstacle du parrainage avec succès ». Mais surtout d’aller à l’élection présidentielle qui est l’élection la plus sérieuse de la République et de s’en sortir avec un taux de suffrage aussi « satisfaisant et important ».
Salif SAKHANOKHO