L’ancien secrétaire général de l’Association des Sénégalais en Tunisie, Ibrahima Ba, contacté par la rédaction, fait le point de la situation des migrants subsahariens dans le pays
Le président tunisien a tenu des propos discriminatoires à l’encontre des ressortissants de pays d’Afrique au Sud du Sahara, en assimilant leur présence dans son pays à la délinquance et au crime. Ce discours qui vient de la plus haute autorité du pays, fait craindre prie chez les Sénégalais qui y vivent, notamment des représailles venant de la population. Ils sont cloitrés chez eux. L’ancien secrétaire général de l’Association des Sénégalais en Tunisie, Ibrahima Ba, contacté par la rédaction, fait le point de la situation.
«Nous avons une peur dont on ne sait pas quand est-ce qu’elle va se terminer. La plus grande peur qu’on peut envisager, et on ne le souhaite pas, est que la population prenne en charge l’affaire, c’est-à-dire une chasse aux noirs. Nous sommes en train de vivre un événement similaire au confinement pendant la Covid-19. Tous les noirs Sub-sahariens vivant en Tunisie sont chez eux. C’est la conséquence de ce qui se passe dans le pays. La cause des faits qui sont entrain actuellement de se dérouler en Tunisie ont une longue portée. C’est une histoire assez lointaine, mais il faudrait comprendre qu’il repose sur deux volets.
UNE HISTOIRE ASSEZ LOINTAINE, QUI REPOSE SUR DEUX VOLETS
D’abord un volet politique qui fait que la Tunisie, depuis la Révolution du 14 janvier 2011, est en train de se chercher. Le pays a sombré. La Tunisie est en train de vivre une situation catastrophique. Le taux de chômage a grimpé. L’économie s’effondre. La Tunisie est tr ain de chercher comment retrouver son lustre d’antan, mais avec le contexte international (conjoncture économique), la situation est difficilement gérée par les politiques. Ily a aussi les partis d’opposition qui revendiquent une idéologie nationaliste. Celui qui est au pouvoir actuellement, un conservateur qui est en train de démontrer aux Tunisiens que si la situation du pays se dégrade, c’est en grande partie à cause «des vendus». Le terme est revenu dans le discours du président du mercredi. L’idée est que des multinationales ont voulu prendre le pays en otage, pour être un frein contre l’immigration vers l’Europe. On leur fait comprendre que s’ils n’agissent pas, les Africains du Sud du Sahara vont les coloniser. D’habitude c’était une position des opposants. Ce qui fait mal est que de tels propos soient défendus par le président de la République.
«DES LOIS ET DES DECRETS ONT ETE PRIS POUR INTERDIRE AUX NOIRS L’ACCES A L’HEBERGEMENT»
La population Tunisienne n’a pas encore agi, mais se prépare. Elle soutient ce que le président a dit… Il y a eu des lois et des décrets qui ont été pris pour interdire aux noirs l’accès à l’hébergement. C’està-dire, toute personne qui loue un noir, sera sanctionnée. Ceux qui ont déjà loué des maisons à des noirs, on leur demande de produire un contrat de location. Dans celui-ci, les autorités ont ajouté des taxes qui font que les bailleurs se découragent, parce que ne pouvant plus payer ces taxes. C’est une manière de demander aux noirs de quitter le pays, dans les jours à venir. La décision a installé la peur chez les noirs. Le regard dans la rue, c’est que les noirs ne sont pas les bienvenus. Des personnes ont été arrêtées et amenées au Commissariat. Même si elles ont des papiers, elles y passent trois ou quatre jours, avant d’être libérées. Ce qui veut dire qu’on ne regarde pas le statut, mais uniquement la couleur de peau.
«AUCUN SENEGALAIS N’A ETE SIGNALE PARMI LES ARRESTATIONS, MAIS…»
L’Ambassade du Sénégal, à travers une rencontre, nous a dit que des solutions sont en train d’être trouvées. Elle est proche de la communauté. Pour le moment, aucune action ne peut être faite parce qu’aucun Sénégalais n’a été signalé parmi les arrestations. Cependant, l’affaire ne fait pas de distinction entre qui est Sénégalais et celui qui ne l’est pas. Nous voulons que nos autorités réagissent et mettent en garde le gouvernement tunisien pour leur faire savoir qu’elles veillent sur les Sénégalais.
Les relations entre la Tunisie et le Sénégal datent du temps du président Habib Bourguiba et Léopold Sédar Senghor. Si le gouvernement tunisien campe sur sa position, nous partirons ; mais que cela se fasse dans les règles de l’art. S’il revient en arrière, nous allons poursuivre notre aventure, en respectant les lois de ce pays. Selon les chiffres officiels de l’Ambassade, il y aurait entre 700 et 800 Sénégalais en Tunisie. Mais, officieusement, les Sénégalais dépassent 1000 personnes, étudiants et travailleurs regroupés».
Fatou NDIAYE