De plus en plus agitée par ses camarades au sein de l’Alliance pour la République (Apr), la question de la 3e candidature de l’actuel chef de l’Etat, Macky Sall, est-elle en train d’être sérieusement plombée?
De plus en plus agitée par ses camarades au sein de l’Alliance pour la République (Apr), la question de la 3e candidature de l’actuel chef de l’Etat, Macky Sall, est-elle en train d’être sérieusement plombée? Le contexte socio-économique fait de hausse généralisée des prix, d’inefficacité des politiques à redresser la barre avec comme consécutive une crispation des populations et/de l’électorat, ne tend pas à faciliter une autre candidature du chef de l’Etat, déjà en butte à un contexte politique lourd, sur fond de menaces sur la paix civile et de potentiel procès de l’opposant Ousmane Sonko. Qui plus est, le président Macky Sall ne semble plus bénéficier, avec ses alliés, de l’état de grâce de l’entre-deux tours de 2012 et de la présidentielle de 2019, autour de sa candidature. Pour preuve, alors que l’investiture du président Macky Sall, au dernier scrutin présidentiel, pour un deuxième mandat n’a été qu’une simple formalité pour les directoires des partis alliés, des voix opposées à toute violation du principe de limitation des mandats présidentiels à deux s’élèvent, de plus en plus, au sein de ces mêmes partis alliés dans Benno Bokk Yakaar.
A douze mois de la présidentielle de février 2024, c’est toujours le statu quo au sein du pouvoir en place. Le président Macky Sall qui s’était engagé à passer le témoin au terme de son deuxième et dernier mandat présidentiel obtenu en février 2019, continue de maintenir le suspense autour d’une troisième candidature à la magistrature suprême que ses partisans continuent de défendre becs et ongles en multipliant des actions de légitimation sur le terrain. Cependant, il faudra souligner que nonobstant ces multiples appels de pieds de ses partisans, la candidature de l’actuel chef de l’Etat en 2024 est encore loin d’être un acquis. Et pour cause, qu’on le dise ou pas, le contexte actuel est marqué par moult chapes qui plombent toute velléité de troisième candidature. Ainsi en est-il de la hausse des prix de l’énergie et du carburant qui a fortement impacté les mesures prises par le Gouvernement, le 12 novembre 2022 dernier à l’issue du Conseil national spécial présidentiel de la consommation du 9 novembre pour faire face à l’inflation généralisée des prix. Un état de fait qui risque de peser négativement sur un tel projet, en raison du fort sentiment d’inconsistance ou selon d’échec que les populations et/ou l’électorat ont des politiques publiques sous Macky Sall. Au-delà du contexte socio-économique difficile, il faut également souligner la forte tension socio-politique et de menace sur la paix civile qui accompagne l’éventualité d’un procès concernant la procédure de viol qui vise l’actuel maire de Ziguinchor et leader de Pastef-Les Patriotes, Ousmane Sonko. Lequel a été renvoyé en chambre criminelle par le Doyen des juges d’instruction. La main de l’Exécutif sur fond de forcing d’une troisième candidature est à ce niveau évoquée par certains observateurs de la scène politique.
REMOUS SILENCIEUX EN INTERNE
Autre défi qui attend le président Macky Sall qui avait bénéficié d’un accompagnement décisif de ses camarades de l’Apr et alliés de la coalition Benno Bokk Yakaar, lors de la présidentielle de 2012 et 2019, est d’abord le soutien de son propre parti, l’Apr, à ce projet. En effet, contrairement à ce que certains de ses partisans font croire, l’idée de cette troisième candidature ne semble pas faire l’unanimité au sein même de la famille politique restreinte du président de la République qui est l’Apr. La preuve, depuis le début, seule une poignée de responsables parmi ceux qui sont promus à des postes de responsabilité dans le gouvernement, à l’Assemblée nationale ou encore à la tête des directions, alimentent ce débat autour de cette troisième candidature. A côté, il y a la masse silencieuse des responsables et militants du parti au pouvoir qui observent, analysent et attendent calmement la tournure que prendra les choses ou du moins la décision finale du chef de l’Etat.
DES ALLIES SUR LE QUI VIVE
En plus du soutien de la base de son parti, l’autre challenge qui attend l’actuel chef de l’Etat sur son chemin de 2024 est l’adhésion de ses alliés au sein de Benno Bokk Yakaar à ce projet. Mise en place entre les deux tours de la présidentielle de 2012, cette coalition est composée des partis d’opposition et des mouvements citoyens qui s’étaient engagés dans le combat contre la troisième candidature du président Wade entre 2011 et 2012. Les responsables de ces partis et mouvements citoyens vont-ils permettre au leader de l’Apr de briguer une troisième candidature qu’ils avaient refusée à son prédécesseur au nom du principe de la limitation des mandats inscrits à l’article 27 de la Constitution et la Charte de gouvernance démocratique des Assises nationales que ces partis ont ratifiée en 2009 ? La preuve, contrairement à la dernière présidentielle de 2019 où l’investiture du président Macky Sall pour un deuxième mandat n’a été qu’une simple formalité pour les directoires des partis alliés, tel n’est pas aujourd’hui le cas. De plus en plus, des voix opposées à toute violation du principe de limitation des mandats présidentiels à deux s’élèvent au sein des partis de cette coalition. Pour justifier leur position, ces responsables mettent en avant l’entente de soutenir l’actuel chef de l’Etat pour ses deux mandats conclus à l’époque. Dernière en date, la sortie du déput-éprésident du Conseil départemental de Kaffrine et porteparole du Parti socialiste, Abdoulaye Wilane.
CA BRUITE AU PS ET A L’AFP
Interpellé sur la question de la troisième candidature de l’actuel chef de l’Etat, Macky Sall, lors de son passage dans l’émission Grand jury de la Radio futurs médias (Rfm, privée), le dimanche 15 janvier dernier, Abdoulaye Wilane a été formel en précisant que « personne n’a droit à un troisième mandat. Surtout quand on a fait deux mandats ». Cette sortie du porte-parole du Ps qui a finalement retourné sa veste en disant que « ses propos ont été mal rapportés » à l’issue de la réunion du Secrétariat exécutif tenue le jeudi 19 janvier dernier, rejoignent la position des membres de l’Initiative de Réflexion et d’Actions Socialistes. Un mouvement installé par des responsables socialistes membres du Bureau politique au lendemain de la désignation des candidats aux élections législatives de 2022 et qui prône la sortie du Ps de la coalition Benno. Outre les responsables du Parti socialiste (Ps), certains camarades de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, se positionnent également contre toute 3ème candidature du président Sall et appellent à la sortie de l’Alliance des forces de progrès (Afp) de la coalition présidentielle. Regroupés au sein d’une structure dénommée « Groupe de réflexion » de l’Alliance des forces de progrès (Afp), ces responsables progressistes étaient montés au créneau pour recadrer vigoureusement leur camarade de parti et ministre de la Pêche et de l’Économie maritime Pape Sagna Mbaye qui avait laissé entendre sans réserve que Macky Sall est le candidat de l’AFP en 2024. Dans un communiqué rendu public, le dimanche 22 janvier dernier, des responsables de l’Afp des trois départements de la région de Kaolack ont également rejeté la troisième candidature du président Sall en proposant l’ancien ministre du Tourisme et maire de Notto dans la région de Thiès, Alioune Sarr, comme candidat de l’Afp à l’élection présidentielle de 2024.
Nando Cabral GOMIS