Une belle opportunité s’offre à Niasse, Aminata Mbengue et à Idy de se démarquer de Macky. Tous les tenants de ce troisième mandat seront bientôt des individus méprisés, ballotés dans l’impénétrable cosmos de l’oubli
Vos mots sont nos maux, oui comme dirait Y. Moix « Votre parole est à la réalité, ce que la vie est à la taxidermie ». Tous ces nuages noirs qui planent sur la République ne sont dus qu’à la volonté d’un seul homme de vouloir confisquer le pouvoir. Nous ne devons pas accepter cela.
Nous découvrons chaque jour un peu plus, que lui et sa clique nous avaient menti. En 2019, ils faisaient l’apologie des deux mandats, c’était juste pour obtenir un second mandat. Aujourd’hui, par des détours de sémantiques obscures, par une hypocrisie sans nom, ils nous mentent à nouveau en justifiant un troisième mandat. Et à chaque fois, ils clament de dire la vérité. « Pour eux dire la vérité, c‘est juste changer de mensonge ». Ils versent alors pour soutenir leur argumentation dans des salmigondis qui ne laissent de doute sur leur degré de culture et la place qu’ils accordent à la démocratie.
Ils parcourent le pays avec des mallettes d’argent avec lesquelles ils humilient nos braves populations sevrées de tout, en leur donnant quelques liasses de billets qui insultent leur honneur. Là où ils massifient leur parti en vendant des cartes, l’opposition organise un « Nemekkou tour » où elle collecte des sommes considérables pour sa campagne future. Les dynamiques ne sont assurément pas les mêmes. Là on arrose pour se maintenir, là on collecte pour conquérir.
Pierre Mendès France, mon héros socialiste, disait qu’un homme politique a le devoir de dire ce qu’il pense, quoi qu’il lui en coûte. « Le peuple a besoin d’entendre le pour et le contre pour pouvoir juger », aimait-il à répéter avant d’ajouter « En démocratie rien n’est plus important que la vérité ».
Les soutiens de Benno doivent dire la vérité et se désolidariser du projet du président Sall de vouloir être candidat à un troisième mandat. Une belle opportunité s’offre à Niasse, Aminata Mbengue et à Idy, eux qui avaient combattu le dessein pernicieux de Wade, de parachever leur carrière politique en se démarquant de Macky et l’amener à renoncer à son projet. Wilane avait pourtant osé le pas de coté dans une émission du dimanche avant de se retrouver, dès le lendemain, rappelé à l’ordre par la meute apeurée du PS et, revenir dans le rang. Les échappées solitaires en politique demandent du courage que beaucoup n’ont pas. Ce qu’il leur en coûte semble plus important à leurs yeux que leur dignité. A partir de là, la plupart d’entre eux abdiquent.
C’est cette candidature illicite, dont l’issue pour le parti au pouvoir ne pourrait être que la victoire, qui donne lieu à cette rocambolesque histoire de viol. Voilà maintenant qu’un procès est annoncé, suite à l’instruction d’un dossier éminemment vide. Tout le monde sait que cette sordide histoire ne tient pas la route. Sonko sait qu’aller au procès, ce serait se jeter dans la gueule du loup. Il ne le fera pas. Il aura mille fois raison. Il lui faudra se battre avec ses armes sinon il connaitra la même fin que les Khalifa Sall et Karim Wade.
Sonko aurait-il fait une erreur en mars 2021 en ne poussant pas son avantage jusqu’à bouter Macky hors du palais ? Il avait appelé ses ouailles à respecter les institutions alors que le pouvoir était à la rue. Il y avait du Mohammed Ali dans ce geste. Souvenez-vous de cette droite retenue qu’il n’asséna pas à Foreman quand ce dernier s’affaissait sur le tapis lors d’une soirée de boxe torride au Congo.
Macky fait-il une grosse erreur d’appréciation en pensant que son plan se déroulera cette fois comme prévu, que les débordements de mars 2021 seront contenus et que, ce qui avait marché dans le passé marchera dans le futur ?
Une chose est sure en tout cas : s’il essaye de mettre la main sur Sonko, il brûlera ce pays et lui avec. Qui pour le raisonner ?
Je blâme ses compagnons qui le laissent faire tout en sachant que c’est la mauvaise voie. Il est encore temps qu’ils arrêtent de tourner autour d’eux mêmes juste pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils emplissent leurs âmes comme dirait Tocqueville. Ils ne peuvent plus rester dans leur coin et encourager le président dans son projet funeste, car la destinée de tous les autres est en péril. L’AFP, le PS, la LD, le PIT et tous les autres alliés dans sa coalition, doivent prendre leurs responsabilités, et dire au président de lâcher l’affaire. Qu’ils n’oublient pas qu’ils sont « les héritiers de ce qu’ils laissent faire, ce faisant, ils font ! » L’histoire les jugera au même titre que les protagonistes de premier rang.
Oui des hommes et des femmes de la société civile, des « neutres » tentent de rapprocher les positions mais ce ne sera pas facile cette fois. Babacar Ngom et Alioune Tine nous avaient sortis du mauvais pas lors des législatives passées. Ils étaient allés chercher un allié de taille ailleurs. Sonko et ses camarades avaient cédé face aux décisions contestables de la Cour constitutionnelle. Qui cette fois pour nous sortir de cette voie dangereuse à sens unique dans laquelle nous a engagés l’APR ? À qui d’autres faut-il parler pour désamorcer cette bombe ? Quand les gens sont acculés et que les enjeux sont importants, la négociation est plus ardue, les portes de sortie ténues. Il ne faudrait pas que ces bonnes volontés « deviennent des pompiers des cendres, quand il convient d’éteindre les flammes. »
Tous les tenants de ce troisième mandat seront un jour, pas très lointain, des individus oubliés sinon méprisés, sans importance, ballotés dans l’impénétrable cosmos de l’oubli. C’est à cette triste fin que leur destine leur aveuglement d’aujourd’hui. Que sont devenus les Farba Senghor, Ousmane Ngom et autres ?
Qu’ils arrêtent de se parer de grands airs de vertus ; « nous sommes un État de droit », « la justice suivra son cours », « le Conseil constitutionnel tranchera », glosent-ils ; alors qu’ils ne sont que dans l’exercice de leurs vices favoris, celui de contrefaire les sens des mots et de faire accroire des vérités qui n’en sont pas. Ils savent eux mêmes que ces grands mots, ces grandes poses ne servent qu’à masquer des canailleries mesquines. A-t-on vu un ministre ou un DG démis de ses fonctions ou jugé pour une affaire de mauvaise gestion ?
« Les hommes de génie sont des météores destinés à brûler pour éclairer leur siècle »*, parait-il. Nous en Afrique, il faut croire que nos chefs d’État ne sont pas des génies. Ils veulent des troisièmes mandats !
Pourtant le Sénégal, dans le concert des nations africaines est un pays dont la parole était attendue et les comportements observés. Il nous faut être à niveau. Pour la parole on sait ce qu’elle est advenue. Elle a été galvaudée. Gageons que nos comportements ne suivront pas ce même triste chemin.
Dr Tidiane Sow est coach en Communication politique.
Notes :
M. Barrés : Cahiers, 1899
Y. Moix : Dehors, 2018
A. Tocqueville : De la Démocratie en Amérique, 1835
N. Bonaparte : Discours de Lyon, 1791