Et si Ismaïla Madior Fall avait raison

par pierre Dieme

Quand un ministre de la Justice dit que le troisième mandat n’est pas une question de loi mais le résultat d’un rapport de forces, on a l’impérieux devoir de résister. Le temps est venu de remettre la République sur ses pieds

On en a glosé, on s’en est indigné, il est même « wanted » comme les cowboys hors la loi : Ismaila Madior Fall (IMF) est un diseur de vérités…invraisemblables. La loi, n’y croient que ceux qui ignorent les rapports de forces qui sous-tendent son élaboration, sa conception et ses objectifs conjoncturels. Sinon, on s’expliquerait mal la facilité avec laquelle ses « gardiens », les autorités, s’y essuient leurs babouches. La loi, c’est pour les bigots, les ignares du fonctionnement d’un État, de la géométrie aléatoire de son application. La loi, dépouillée de ses attributs populaires est une vieille chaussette, avec le même destin : la poubelle…

Parceque voyez-vous, pour que la loi soit respectée, pour qu’elle fonctionne comme régulateur sociétale, il faut des gens (dirigeants surtout) qui croient en elle, la protège des dérives et autres forces négationnistes. Bref, il faut des intégristes de la loi, de la légalité. Et le moins qu’on puisse dire, (en tout cas observer), c’est que sous nos cieux, nos gouvernants ont des rapports incestueux avec les lois. Ils en ont fait un généreux machin de la République qu’on peut abuser selon les urgences politiques du moment..

Oui, IMF a parfaitement raison : il faut un rapport de forces (nombres de cartes vendues) pour appliquer (faire appliquer) la loi, comme il faut aussi un rapport de forces pour la piétiner.

J’ai lu quelque part cette phrase d’un grand avocat américain à l’époque de la guerre de Sécession : « nous sommes tous égaux devant la justice à condition de payer le prix fort ». Cette phrase a priori contradictoire dans ses termes est pourtant d’une lucidité remarquable : on peut acheter les conditions de son avènement. Tous égaux devant la justice, théoriquement, mais quand les éléments qui peuvent et doivent la rendre possible et égale pour tous sont pipés, elle dévoile son hideuse hypocrisie. Quand un procureur oublie qu’il officie pour la société et traficote un rapport d’un gendarme ; quand ce gendarme est radié pour avoir refusé de rapporter ce que l’enquête n’a pas révélé ; quand un juge rejette tous les éléments de preuves de la défense y compris le rapport du légiste, ainsi que d’autres éléments audios et témoignages notamment, il faut être d’une hypocrisie crasse pour dire à l’accusé : va quand même au procès.

De quel procès il s’agira ? Il ne s’agit ni plus ni moins que de la guillotine, d’un échafaud déjà dressé qui attend le cou de l’agneau. Dès lors, à l’agneau de résister avec ses armes (ses pattes, ses cornes, sa pisse dans les yeux du bourreau et même de lui chier dessus) au couteau aiguisé du bourreau ; il a le droit et le devoir de défendre sa vie. Évidement, la loi ayant été remisée dans le débarras d’une gouvernance hors la loi, l’agneau peut être ligoté des quatre pattes, la bouche scotchée pour qu’on n’entende pas ses cris, et livré de force devant une Cour criminelle sans preuves d’un crime. L’agneau peut et doit résister avec l’armée des siens. Toute autre attitude serait un suicicide « consenti »!.

La loi et la Constitution enterrées au cimetière des valeurs de la République, on est en face d’un État voyou avec une gouvernance délinquante. Quand la parole donnée est aussi insignifiante que du pipi de chat ; quand la Constitution devient un chiffon entre les mains de ceux qui devaient la couver, la maintenir d’un blanc de linceul, quand un ministre de la Justice dit à haute et intelligible voix que le troisième mandat n’est pas une question de loi (constitutionnelle) mais le résultat d’un rapport de forces (nombre de cartes vendues), alors oui, on (les démocrates, le peuple, les citoyens) a l’impérieux devoir de résister pour défendre la loi et la Constitution…

J’ai lu quelque part dans la presse guinéenne que le « chef de file » de l’opposition de ce pays est réfugié à Dakar depuis mars de l’année dernière. Celui-là même qui s’était opposé à mort au projet de troisième mandat d’Alpha Condé ainsi qu’à un référendum sur la Constitution. Avec d’autres partis politiques et associations de la société civile de son pays, il avait mené une guerre des tranchées dans un cadre dénommé Frant National pour la Défense de la Constitution (FNDC). Je pense que l’opposition et la société civile sénégalaises devraient elles aussi créer le Front national pour la défense de L’intégrité de la Constitution (FNDIC).

Surtout qu’hier, mardi 24 janvier, les députés de Benno et de Wallu, ont souillé non seulement la Constitution, mais aussi le règlement intérieur de notre auguste Assemblée en défenestrant une parlementaire contre toutes les règles juridiques de notre Constitution et de l’Assemblée. La violation de la Constitution et du réglement de l’Assemblée nationale est pire que l’enlèvement des urnes. Ici, il s’agit de la violence faite à ce qui fonde notre vie en société.

Aussi, à moins de lui demander de se coucher, d’offrir son cou aux bouchers d’un État voyou, Ousmane Sonko a le droit (grâce à la Constitution) et le devoir de résister pour défendre sa vie. Les hypocrites qui lui demandent « d’aller au procès » n’ont qu’a descendre demain dans la rue au sein d’un Front national de défense de l’intégrité de la Constitution pour dire au président de respecter le Constitution, aux magistrats de juger au nom et pour le peuple, aux forces de sécurité de « défendre » et « protéger » (selon leur devise) les populations et non un régime (qui est passager). Bref, le temps est venu de remettre la République sur ses pieds.

Athia athia ! gatsa gatsa !

PAR L’ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, DEMBA NDIAYE

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