La croissance économique de l’Afrique devrait dépasser celle du reste du monde au cours des deux prochaines années, 2023 et 2024, avec un produit intérieur brut (PIB) réel d’environ 4 % en moyenne. Un chiffre supérieur aux moyennes mondiales prévues de 2,7 % et 3,2 %, a indiqué la Banque africaine de développement (Bad), dans son rapport Performance et perspectives macroéconomiques de l’Afrique, dévoilé jeudi à Abidjan.
Dans son allocution prononcée lors du lancement, le président du Groupe de la Bad, Akinwumi Adesina, a déclaré que la publication de ce nouveau rapport intervenait à un moment où les économies africaines, confrontées à d’importants vents contraires, démontraient leur résilience.
En effet, selon le rapport, faisant une analyse « complète de la croissance régionale », la croissance moyenne estimée du PIB réel en Afrique a ralenti à 3,8 % en 2022, contre 4,8 % en 2021, dans un contexte de défis majeurs consécutifs au choc du Covid-19 et à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Malgré ce ralentissement économique, 53 des 54 pays d’Afrique ont affiché une croissance positive. Les cinq régions du continent restent résilientes avec des perspectives stables à moyen terme.
La Bad signale que les cinq économies africaines les plus performantes de la période pré-Covid-19 devraient connaître une croissance de plus de 5,5 % en moyenne en 2023-2024 et retrouver leur place parmi les dix économies les plus dynamiques du monde. Ces pays sont le Rwanda (7,9 %), la Côte d’Ivoire (7,1 %), le Bénin (6,4 %), l’Éthiopie (6,0 %) et la Tanzanie (5,6 %), note le document. Lequel ajoute que d’autres pays africains devraient connaître une croissance supérieure à 5,5 % au cours de la période 2023-24. Il s’agit de la République démocratique du Congo (6,8 %), de la Gambie (6,4 %), de la Libye (12,9 %), du Mozambique (6,5 %), du Niger (9,6 %), du Sénégal (9,4 %) et du Togo (6,3 %).
« La publication de ce rapport par notre banque, le Groupe de la Banque africaine de développement, à cette période de l’année, est une excellente opportunité pour l’Afrique et ses partenaires mondiaux. Nous avons besoin de ces mises à jour régulières pour évaluer les performances et les perspectives macroéconomiques de nos pays. Ces informations fiables faciliteront la prise de décision et la gestion des risques pour les investisseurs potentiels en Afrique », a apprécié le ministre de la Planification et du Développement de Côte d’Ivoire, Niale Kaba.
Au cours de sa présentation, l’économiste en chef et vice-président par intérim de la Banque africaine de développement, Kevin Urama, a fait remarquer que l’Afrique reste une destination favorable aux investissements dans le capital humain, les infrastructures, le développement du secteur privé et le capital naturel. « Le continent reste une mine d’or pour les investisseurs avisés à l’échelle mondiale », a-t-il souligné.
Lors du lancement, l’économiste Jeffrey Sachs, directeur du Centre pour le développement durable de l’université de Columbia, a salué le rapport qui, selon lui, montre que les économies africaines sont en pleine croissance et qu’elles progressent de manière constante.
Il en déduira que « l’Afrique peut et va atteindre une croissance de 7 % ou plus par an de manière constante dans les décennies à venir. Ce que nous verrons, en nous fondant sur la résilience que nous constatons dans ce rapport, c’est une véritable accélération du développement durable de l’Afrique, qui fera du continent la composante à croissance rapide de l’économie mondiale. » Avant d’ajouter : « L’Afrique est l’endroit où il faut investir ».
Toutefois, le rapport émet une réserve sur les perspectives compte tenu des risques mondiaux et régionaux actuels. Ces risques comprennent la flambée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, le durcissement des conditions financières mondiales et l’augmentation connexe des coûts du service de la dette intérieure. Les changements climatiques — avec leurs effets néfastes sur l’approvisionnement en denrées alimentaires et le risque potentiel d’un changement de politique dans les pays où se tiendront des élections en 2023 — représentent des menaces tout aussi redoutables.
Le rapport préconise ainsi l’adoption de « mesures fortes » pour faire face à ces risques. Celles-ci comprennent un mélange de politiques monétaires, fiscales et structurelles, notamment un « resserrement rapide et agressif » de la politique monétaire dans les pays à forte inflation, et « un resserrement modéré » dans les pays où les pressions inflationnistes sont faibles, ainsi que la coordination « efficace » des actions budgétaires et monétaires pour optimiser les résultats des interventions ciblées, visant à maîtriser l’inflation et les pressions budgétaires.
Le renforcement de la résilience grâce à la stimulation du commerce intra-africain, notamment en ce qui concerne les produits manufacturés, afin d’amortir les effets de la volatilité des prix des produits de base sur les économies, l’accélération des réformes structurelles pour renforcer les capacités de l’administration fiscale et investir dans la numérisation et la gouvernance électronique afin d’améliorer la transparence, de réduire les flux financiers illicites et d’accroître la mobilisation des ressources intérieures, sont aussi recommandés.
Parmi les mesures souhaitées, il est également souhaité l’amélioration de la gouvernance institutionnelle, l’adoption de politiques susceptibles de mobiliser les financements du secteur privé, en particulier dans le cadre de projets entièrement nouveaux, à l’épreuve des changements climatiques et des pandémies, et la mobilisation des ressources de l’Afrique pour un développement inclusif et durable, en plus de « la prise de mesures décisives » pour réduire les déficits budgétaires structurels et l’accumulation de la dette publique dans les pays confrontés à un risque élevé de surendettement ou déjà en situation de surendettement.