Libération des « détenus politiques »: le régime de Macky Sall sous forte pression de la communauté internationale ?

par pierre Dieme

Signal d’apaisement ou manœuvre politique ? En l’espace d’une semaine, plusieurs « détenus politiques » ont été libérés et placés sous contrôle judiciaire au Sénégal.

Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. Comme dit l’adage. Ceux qu’on qualifie des « détenus politiques » au Sénégal ont tous en commun : « la diffusion de fausses nouvelles ». Pape Alé Niang, Cheikh Oumar Diagne, Karim Krum Xax, Papito Kara ou Outhman Diagne en sont des preuves vivantes.

Le premier nommé, journaliste de profession avait été une première fois arrêté le 6 novembre 2022, dans l’exercice de ses fonctions, puis incarcéré. Pape Alé a été poursuivi pour « divulgation de fausses nouvelles » et « diffusion de documents militaires de nature à nuire à la défense nationale ». Après une libération brève, il a été remis en prison pour ne pas avoir « respecté les termes de son contrôle judiciaire ». Le 12 janvier, le journaliste bénéficie d’une liberté provisoire assortie d’un contrôle judiciaire.

Quant à Cheikh Oumar Diagne et Karim Xrum Xax, ils ont été envoyés en prison pour « diffusion de fausses nouvelles » pendant quatre mois. Les deux mis en cause ont été interpelés et placés en garde à vue pour des propos tenus après le rappel à Dieu de Imam Alioune Ndao. Ils auraient accusé l’Etat d’avoir «exécuté» le défunt religieux. La 10 janvier, ils ont obtenu une liberté provisoire.

Outhmane Diagne et Papito Kara, tous les deux membres de la «mafia Kacc Kacc», ont été mis sous les verrous pendant cinq mois avant de bénéficier un contrôle judiciaire allégé (émargement seulement) le 16 janvier dernier. Ils étaient poursuivis pour « diffusion de fausses nouvelles, effacement, modification, fabrication et introduction de données informatiques ». 

L’image du Sénégal a pris un sérieux coup à l’international 

Cette vague de libération des « détenus politiques » intervenue en l’espace d’une semaine, de l’avis de Seydi Gassama, directeur exécutif de l’Amnesty International n’est pas dans l’optique de décrisper la scène politique ou même sociale. A l’à en croire, cette nouvelle posture de l’Etat du Sénégal est tout simplement liée à « l’image du pays qui a pris un sérieux coup » au niveau international.

Sinon comment comprendre « Au moment où Papito Kara et Outhman Diagne sont libérés, 3 autres activistes sont condamnés à deux mois de prison ferme. Alors vous pensez que de telle attitude participe à la recherche d’un apaisement social ? », s’interroge-t-il.

Et pourtant, rappelle-t-il, ces activistes condamnés ne faisaient que « demander pacifiquement la libération de Pape Alé Niang à la sortie d’ailleurs d’une réunion que le premier ministre, et pratiquement tout le gouvernement avaient pris part. D’ailleurs au cours de la rencontre, on a beaucoup parlé d’apaisement. Que ces jeunes viennent crier le nom du journaliste sans jeter de pierre qu’on les arrête, et qu’on ose les condamner à des peines d’emprisonnement, ceci est extrêmement grave».

Seydi Gassama ajoute à ce sujet que « toutes ces personnes ont été arrêtées et placées en détention de manière arbitraire et le Président sait bien que cela a créé un mécontentement chez la population ».

La pression des organisations des droits de l’Homme a fait réagir les autorités sénégalaises 

Face à cette vague d’indignation des Sénégalais que ça soit sur le plan national ou international, le directeur de l’Amnesty International fait savoir que les organisations des défenses de l’Homme ont commencé à nourrir des inquiétudes Et c’est ce qui a fait « reculer » le Président et sa justice.

 « Il faut prendre en compte que sur le plan international l’image du Président Macky Sall et du pays ont commencé à prendre un sérieux coup. Donc c’est dans leur intérêt de lâcher du lest. De dire, il faut changer l’optique de gérer la contestation des activistes, de partis politiques, la manière de la répression 

», a indiqué monsieur Gassama.  

En plus ajoute t-il:  « ils savent que les partenaires internationaux commencent à se soucier de cette situation. L’interpellation de la Représentante des Nations Unies pour ne citer que celle-là. Pour vous dire des inquiétudes sont nourries au niveau international sur les dérives autoritaires du régime. »

Le journaliste Abdoulaye Mbow, analyste politique conforte également la thèse de Seydi Gassama qui a fait remarquer que la pression internationale a abouti à cette décrispation de la tension sociale.

« Çà aussi, c’est un secret de polichinelle. L’image du Sénégal est écornée au niveau international. Surtout avec l’affaire  Pape Alé, la pression internationale a fait régir les autorités. Parce qu’au-delà des organisations faîtières, des organisations des défenses de l’Homme, des entités ouest-africaines autrement dit régionales et même des personnalités à l’échelle internationale ont pointé du doigt la démocratie sénégalaise par rapport à l’emprisonnement du journaliste et des jeunes embastillés pour des « délits d’opinons » pour ne citer que les cas de Ousmane Digane et Karim Krum Xax. Le Sénégal était fortement décrié par des activistes non sénégalais que nous retrouvons un peu partout en Afrique et qui participent à des forums internationaux », analyse le journaliste. 

Alors Abdoulaye Mbow en déduit que « Ces libérations ne peuvent pas être considérées à des manouvres politiciennes. Parce qu’en réalité, il faut savoir qu’on est arrivé en un moment où il fallait  décrisper la scène politique et sociale. Surtout avec les multiples manifestations et demandes incessantes des organisations de défense de droits de l’Homme

Il faut noter que ce mercredi, un autre activiste de son nom de rappeur Nitt Dof a été arrêté par la police sénégalaise. Il avait fait un Live incendiaire contre le régime sur Facebook, il y a quelques jours et proféré des injures.

Fana CiSSE

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