« Les pressions des allies ne seront pas déterminantes pour faire reculer Macky Sall »

par pierre Dieme

Enseignant chercheur en Sciences politiques, Jean Charles Biagui nous livre son éclairage sur cette levée de boucliers de plus en plus affirmée contre une 3e candidature de l’actuel chef de l’Etat en 2024 au sein de la coalition Benno Bokk Yakaar

Interpellé par Sud quotidien, l’enseignant à la Faculté des Sciences juridiques et politiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar a toutefois tenu à préciser au sujet de ces dissensions au sein de la coalition Bby, quant à la possibilité d’un troisième mandat pour l’actuel chef de l’Etat, que les pressions des alliés ne seront pas déterminantes pour faire reculer Macky Sall.

Quelle lecture faites-vous des dissensions internes notées au sein de Bby sur la question de la 3e candidature du président Sall ?

Les différences d’appréciation au sein de la coalition Bby quant à la possibilité d’un troisième mandat pour Macky Sall ne doivent pas surprendre. Les caciques du régime entretiennent volontairement un débat qui malheureusement s’est progressivement installé, y compris au sein des partis de la mouvance présidentielle. Ce n’est donc pas étonnant que des voix s’élèvent pour contester cette volonté de violer la Constitution du Sénégal. Mais, il me semble qu’il faut être mesuré et prudent pour le moment dans la mesure où l’Afp tout comme le PS n’ont pas encore présenté de positions officielles. Ces formations politiques vont-elles conforter ces prises de positions personnelles ? Rien n’est moins sûr. Seule l’histoire le dira. En tout état de cause, justifier la troisième candidature est un exercice qui va s’avérer difficile pour tous les acteurs politiques qui ont défendu le contraire ces dernières années. Cela d’autant plus que l’opposition, les associations qui se réclament de la société civile et une frange importante de l’opinion y sont farouchement opposées pour des raisons légitimes. Quelle que soit la position des partis de Bby, les Sénégalais ont bien compris que nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs ».

Est-ce le début de la fin de cette coalition politique qui a battu le record de longévité au Sénégal ?

« Dans Benno Bokk Yakaar, nous avons l’Alliance pour la République (Apr) et des formations politiques plus ou moins satellites comme le Parti socialiste (Ps) ou ce qu’il en reste et l’Alliance des forces de progrès (Afp) qui n’a jamais pu proposer autre chose que la personnalité de Moustapha Niasse. A vrai dire, elles n’ont jamais joué un rôle décisif du point de vue électoral depuis l’arrivée au pouvoir de Macky Sall. Toutefois, il faut reconnaître que si ces partis politiques sans réelle consistance aujourd’hui prennent leur distance par rapport à la question du troisième mandat, le symbole sera particulièrement fort. Je pense même qu’ils pourraient en tirer un important profit pour l’avenir. Ils ont par conséquent une grande responsabilité historique. En revanche, il ne faut surtout pas s’étonner si leurs leaders mettent en avant leurs privilèges et leurs intérêts personnels pour justifier prochainement la candidature de Macky Sall.

Quel impact ces prises de position pourraient avoir sur cette ambition prêtée au président Macky de vouloir briguer une 3e candidature ?

Les pressions des alliés ne seront pas déterminantes de mon point de vue. La plus importante pression contre le troisième mandat émanera du peuple. Ce sont les pressions populaires qui pourraient faire revenir à la raison ceux qui agitent l’éventualité d’une candidature de Macky Sall en 2024. Déjà, les évènements de mars 2021, les dernières élections locales et les dernières législatives ont mobilisé une grande partie de l’opinion contre les gouvernants actuels. Macky Sall l’a bien compris. C’est la raison pour laquelle, il pourrait attendre le dernier moment pour se prononcer. Ainsi, au cas où la pression populaire deviendrait intenable, il pourrait toujours reconnaître son impossible candidature et dire qu’il n’a jamais voulu violer la Constitution. Les tenants du régime et certains intellectuels se trompent en pensant que le débat est juridique. Il n’en est rien. La Constitution est très claire. Et les populations sénégalaises pourraient le faire comprendre dans des mobilisations collectives aux conséquences incertaines.

Nando Cabral GOMIS

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