Affaire Adji Sarr/ Ousmane Sonko. La vacuité d’un dossier judiciaire    vaudevillesque aux relents d’un leurre politique.

par pierre Dieme

Depuis plus de deux ans le débat public est animé voire cannibalisé par l’affaire dite « Sweet beauté ». En effet, une demoiselle nommée Adji Sarr, exerçant pleinement un droit qui lui est reconnue par les lois du pays, a porté plainte contre le sieur Ousmane Sonko qu’elle accuse de l’avoir violée dans son lieu de travail à plusieurs reprises sous la menace de deux armes à feu. C’est ainsi qu’elle a saisi la Section de recherches de la Gendarmerie nationale sise à Colobane; le dossier a été confié au Capitaine Seydina Oumar Touré qui a aussitôt déclenché la procédure.

De quoi s’agit-il? Une demoiselle dénommée Adji Sarr, exerçant ses droits légitimes de citoyenne sénégalaise, a estimé devoir porter plainte contre le sieur Ousmane Sonko, député de son état, qu’elle accuse de l’avoir violée à plusieurs reprises sous la menace de deux armes à feu.  La manière dont l’enquête a été menée a rendu perplexe les esprits avisés; en effet, il a été aisé de constater que certaines formalités procédurales et certains actes d’investigations les plus élémentaires n’ont pas été faits. On pourrait citer entre autres le bornage des appels téléphoniques qui auraient permis de circonscrire les zones d’émissions et de réceptions, de décrypter les messages et d’identifier les différents protagonistes impliqués. Ils auraient été entendus dans un délai pas loin de la flagrance. Le propriétaire de la maison, certainement sur injonction, s’est précipité d’y mener des travaux de réfections, altérant ainsi la scène de crime et anéantissant toute possibilité d’une éventuelle reconstitution souvent très utile, en matière criminelle, pour conforter ou infirmer les différentes hypothèses.

Ce dossier de prétendu viol a eu des conséquences a la fois tragiques et dramatiques avec la mort de quatorze jeunes Sénégalais; un bilan macabre qui avait suscité l’émoi, l’indignation et une sourde colère des populations. L’État, par la voix du ministre Sidiki Kaba avait annoncé la mise en place d’une commission d’enquête pour situer les responsabilités et prendre les sanctions qu’il faut contre les éventuels coupables; ce fut une abjuration de plus comme les autorités nous y ont habitués. Pourtant, c’est mon intime conviction, il aurait fallu confier les enquêtes à la Section de recherches de la Gendarmerie et à la Division des investigations criminelles pour que des coupables fussent identifiés

Aujourd’hui, du côté des accusateurs, pour ne pas dire, des tenants du pouvoir, on assiste à une véritable translation dans l’appréciation des faits et dans éléments de langage utilisés. On est passé de l’éventualité d’un procès judiciaire a un procès moral. Ce changement ne traduit rien de moins qu’une évidence, la grande indigence de leurs arguments dans un dossier dont la vacuité n’a d’égale que son inanité.

 Quand on reproche aux autorités judiciaires les lenteurs dans le traitement des dossiers, il nous est souvent rétorqué que le temps de la justice n’est pas le temps de la politique. Il se trouve que dans ce cas d’espèce, la justice qui a pris tout son temps a adopté un train de sénateur donnant l’impression de vouloir s’éterniser.

Devant la perplexité des Sénégalais et sur insistance de l’accusé les lignes ont bougé et le choix d’un juge d’instruction s’est finalement porté sur le magistrat Maham Diallo. Ce dernier aurait pu être récusé, pour suspicion légitime, par le mis en cause Ousmane Sonko pour avoir, auparavant, pris une position défavorable. L’accusé n’a pas manqué de le lui signifier, mais très sûr de son fait et absolument convaincu de son innocence, Ousmane Sonko accepta de se soumettre volontiers aux questions du juge pour ne pas être accusé d’être responsable d’une quelconque entrave au déroulement de l’instruction.

A notre humble avis, sans remettre en cause ni la compétence ni la souveraineté encore moins son indépendance, j’estime qu’il y a des actes manquants qui auraient pu apporter davantage d’éclairage dans l’appréciation des faits, des actes d’instruction élémentaires que même un novice s’imposerait dans le souci d’explorer toutes les pistes a charge ou à décharge. L’impartialité et l’objectivité sont des catégories axiologiques dont tout juge doit se prévaloir. Peut-être que le juge d’instruction disposait- il d’éléments probants et suffisants que nous ignorons pour asseoir ses convictions et se faire une religion. On pourrait citer entre autres actes manquants;

  • L’audition de maitre Dior Diagne;
  • L’audition de maitre Gaby Sow;
  • La confrontation entre les deux avocats, ce qui aurait permis de connaitre le véritable rédacteur de la lettre plainte dont le contenu lexical dépasse de loin le niveau d’études de la plaignante qui a soutenu, mordicus, en être la rédactrice;
  • La confrontation entre Adji Sarr et Mamour Diallo;
  • La confrontation entre le sieur Mamour Diallo et le docteur Alphousseyni Gaye qui accuse ce dernier d’une tentative de corruption;
  • La confrontation entre Mc Niasse et Adji Sarr;
  • L’audition de la secrétaire du gynécologue;
  • L’audition des gérants de l’hôtel d’où provenaient les repas destinés à Adji Sarr;
  • Le transport sur les lieux.

Voilà, entre autres omissions, quelques actes qui auraient permis d’avoir une meilleure appréciation des faits. Malgré tout, le juge d’instruction, souverainement, en toute indépendance et conformément à l’autorité que lui confère la loi, aurait clos le dossier. Les parties impliquées ainsi que l’opinion nationale sont dans l’expectative de la suite qui sera réservée à ce feuilleton politico- judiciaire qui a fini de franchir les frontières du territoire national pour capter l’attention de la communauté internationale.   

IL y a lieu de constater et de déplorer pour s’en offusquer le traitement réservé au certificat médical versé dans le dossier.  Ce document médical établi par le gynécologue Alphousseynou Gaye, un sachant, un professionnel d’une grande compétence, d’une conscience professionnelle, d’une rigueur et d’une probité morale attestées par ses pairs qui le considèrent comme un des meilleurs de la corporation. Sur la base de ce certificat médical probant jusqu’à preuve du contraire et qui écarte la survenue de tout rapport sexuel dans la période incriminée, le Procureur aurait dû classer le dossier sans suite.            

A tout prendre, cette scabreuse affaire de viol présumé s’est révélée un sordide, ignoble et exécrable complot dont le scénario, plus que piteux, désastreux et caractérisé par un amateurisme affligeant, a été maladroitement inspiré par des imbéciles d’une ignorance criarde et d’une naïveté déconcertante. Les rôles, fixés par des commanditaires a la cervelle de moineaux aveuglés par leur animosité politique et leur soif de vengeance, ont été interprétés par de minables histrions malléables, sans éthique ni morale et uniquement guidés par le gain facile. Tous les acteurs qui pensaient s’en tirer à bon compte et a peu de frais, se retrouvent avec une conscience perturbée par 14 morts. Quant aux commanditaires facilement identifiables, ils étaient animés par une haine incompressible et un désir irrésistible de vengeance envers un homme considéré comme un ennemi à abattre.

Des autorités politiques avaient cru devoir saisir cette opportunité pour éliminer l’adversaire le plus coriace du régime. L’enseignement qu’il faut tirer de cette affaire, c’est de constater, pour évidemment s’en désoler, à quel niveau de méchanceté peut conduire l’adversité chez certains de nos hommes politiques. On découvre, dans un ébahissement total, à quel point, certains acteurs du landerneau politique sont prêts à user, sans état d’âme, de tous les moyens, même les plus immoraux, pour jeter l’anathème sur un adversaire, le combattre, le nuire ou le détruire, pour rester dans leur champ lexical.

Aujourd’hui, cette affaire est maintenue sur la sellette pour deux objectifs majeurs se déclinant comme suit;

1/ Premièrement, les tenants du pouvoir souhaitent organiser un procès public pour un objectif bien précis, celui de dénigrer le sieur Ousmane Sonko, de le déshonorer et de remettre profondément en cause sa moralité. Cela devra passer nécessairement par le narratif que la demoiselle Adji Sarr tiendra devant les juges et dans une salle d’audience bondée; elle sera briefée auparavant pour user des éléments de langage appropriés pour accabler et ternir l’image d’un des plus sérieux prétendants à la succession de Macky Sall qui, en violation flagrante de la Constitution, semble vouloir faire du forcing pour présenter une troisième candidature.  Ainsi, l’opposant Ousmane Sonko devra apparaitre aux yeux de l’opinion et des esprits naïfs comme quelqu’un de mœurs légères, un personnage sulfureux a la moralité douteuse, par conséquent, indigne des suffrages des Sénégalais. Dans le cadre de cet éventuel procès, il ne faudrait pas exclure une cabale judiciaire en amont avec des juges aux ordres prêts à le condamner à une peine quelconque, si légère soit-elle, qui le rendrait inéligible à la présidentielle de 2024.

2/ Deuxièmement, cette affaire, dont la lenteur excessive est volontairement entretenue, entre dans le cadre d’une stratégie de diversion, de détournement, de distraction et de divertissement des Sénégalais. Ainsi, les populations, occupées à épiloguer sur cette affaire offerte comme un os à ronger, perdront de vue   les préoccupations essentielles relatives à la future élection présidentielle de 2024s, alors que le camp du pouvoir aura tout le loisir de mettre en place tous les éléments nécessaires pour peaufiner la stratégie dolosive qui sied pour s’assurer une victoire au premier tour.

Ainsi ce dossier de viol qui sera le voile qui couvrira les véritables intentions et manœuvres du Président Macky Sall au sujet de sa candidature, apparait-il comme une fausse piste pour détourner l’attention des Sénégalais et les plonger dans des spéculations inutiles et sans lendemain, alors que le danger et les menaces sont ailleurs. En effet, c’est le lieu d’attirer l’attention des Sénégalais sur la loi relative au terrorisme qui a été votée dans l’urgence. A l’époque, j’avais dit que cette loi n’est d’application immédiate et qu’elle était destinée à être activée plus tard pour un but bien précis; elle a pour objectif de maitriser et de museler les opposants au régime et particulièrement les éventuels candidats à l’élection présidentielle d’autant plus que l’Assemblée nationale, par lâcheté et par pusillanimité, s’était déchargée de ses responsabilités en donnant les pleins pouvoirs au Président de la République. Ce dernier a la possibilité, aujourd’hui, de décréter unilatéralement et discrétionnairement l’état d’urgence ou l’état de siège sur tout ou partie du territoire. Les Sénégalais ne retiennent de l’état d’urgence que le couvre-feu; alors que c’est une mesure exceptionnelle privative de droits et de libertés individuelle et collective. Dès lors, les opposants peuvent être, au moindre prétexte, assignés à résidence et interdits de toute activité politique.

Il appartient à tous ceux qui souhaitent le départ de ce régime prédateur d’être vigilants et de ne pas se laisser divertir par cette histoire de viol présumé qui prend les allures d’un leurre politique.

A l’analyse des faits, des actes posés, des témoignages favorables à l’accusé, des incessants mensonges, des déclarations contradictoires, des audios authentifiés disponibles et de la preuve scientifique que représente le certificat médical, aucun juge, ne peut ni ne doit condamner, a moins de verser volontairement dans le déni de justice, monsieur Ousmane Sonko pour viols répétitifs sous la menace de deux armes à feu. Aucun élément probant n’a pu être présenté; et envoyer le sieur Ousmane Sonko devant la chambre criminelle relèverait d’autre chose mais pas de la justice.

Il est vraiment temps d’arrêter ce vaudeville politico-judiciaire qui n’honore ni la justice ni le peuple et dont l’objectif unique et exclusif est de barrer le chemin de la présidentielle a un redoutable adversaire.

Dakar le 13 Janvier 2022.                      

 Boubacar SADIO

Commissaire divisionnaire de police

de classe exceptionnelle a la retraite

    

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