Une élection, mille inconnues

par pierre Dieme

Macky Sall candidat. Karim Wade, Khalifa Sall et Ousmane Sonko hors course pour la présidentielle de février 2024. C’est un scénario probable. Avec ses risques et périls

Macky Sall candidat. Karim Wade, Khalifa Sall et Ousmane Sonko hors course pour la présidentielle de février 2024. C’est un scénario probable. Avec ses risques et périls. Tous ces quatre leaders politiques susmentionnés pourraient  aussi être sur la touche.  Un autre scénario même s’il est impropre. Le cas échéant, pouvoir et opposition dite significative  seront alors obligés de trouver en leur sein des candidats susceptibles de remporter cette élection à plusieurs inconnues et aux enjeux multiples. 

Qui seront candidats à la prochaine élection présidentielle au Sénégal prévue au mois de février 2024 ? Mystère et boule de goule. Entre le forcing annoncé et/ou presque validé du président sortant, Macky Sall en quête d’une 3ème candidature qu’il a juridiquement validée lui-même mais qu’il peine à faire passer moralement ; Khalifa Ababacar Sall et Karim Meïssa Wade dont un recouvrement d’éligibilité semble dépendre des désidérata du Chef de l’Etat, qui l’agite quand il veut et comme il veut selon ses intérêts de l’heure en passant par Ousmane Sonko plombé par l’affaire Sweet Beauty avec ses multiples rebondissements donnant du tournis même au Temple du Thémis, le Sénégal a fini par s’installer dans une situation inédite à une année de l’échéance. 

Macky Sall, une candidature légalement justifiable, moralement inacceptable

«L’Histoire ne se répète pas, elle bégaie». Cette célèbre maxime qu’on attribue à Karl Marx, s’applique à merveille au Sénégal, un pays de paradoxes et de reniements à volontiers.  Puisque chez Ndoumbelane, vous pouvez ravaler vos vomis sans pour autant raser les murs. Dix (10) ans après la candidature contestée et contestable de Me Abdoulaye Wade qui a coûté 12 vies sénégalaises, l’histoire est en passe de se répéter. Son successeur, Macky Sall, même s’il s’emmure dans son «ni oui, ni non», pose des actes allant dans  le sens de vouloir briguer un 3ème mandat plein d’incertitudes. D’où cette démarche  clinique pour faire adopter à l’opinion sa candidature. Pour l’heure, il a réussi à installer le débat et dans les médias et au sein de la classe politique (pouvoir et opposition). La seule grosse inconnue reste la masse silencieuse. Celle qui décide qui présidera aux destinées du Sénégal les 5 prochaines années. Et c’est cette masse silence qui se trouve flouer par des volte-face loufoques que la morale la plus vénielle réprouve. Dans plusieurs moments solennels, le Président de la République a répété à qui voulait l’entendre qu’il exercera un deuxième et dernier mandat s’il est réélu en 2019. Il l’a écrit dans son livre. Plusieurs autorités du pays l’ont soutenu  en 2016, parmi lesquelles, on peut citer Aly Ngouille Ndiaye, Me Oumar Youm, Me Ousmane Sèye,  Aminata Touré, Pr Ismaïla Madior Fall, Mame Mbaye Niang, Mahammed Boun Abdallah Dione etc. Mais d’une manière chirurgicale, la plupart d’entre elles, sont en train de tourner casaque pour défendre une candidature de Macky Sall pour un 3ème mandat. Quid des alliés ?

Aujourd’hui, il n’y a que Idrissa Seck qui entretient à un mystère. D’où l’absence remarquée du président du Conseil économique, social et environnemental  lors du séminaire de la coalition Benno Bokk Yaakar qui a accouché d’une petite souris. Quant aux autres alliés (Ps, Pit, Ld, Afp…), ils semblent s’asseoir sur leurs principes et/ou valeurs qui  jadis gouvernaient  leur formation politique.  Ils ont tous donné carte blanche à Macky Sall pour qu’il apprécie l’opportunité de se porter candidat ou pas en 2024.  Pendant ce temps, certains membres de l’APR ruminent leur colère, différent leurs ambitions et assistent impuissants au discours consistant à tout renvoyer au Conseil constitutionnel. Le tout juridique en marche ! Haro sur l’éthique et la morale !  Or, «le drame en Afrique et particulièrement au Sénégal, c’est que les juristes veulent faire du droit tout en ayant des arrières pensées politiques», dixit, l’éminent professeur de droit Babacar Kanté de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. D’une manière plus triviale, l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade soutenait ceci : «les constitutionnalistes sont comme des tailleurs. Il suffit juste de leur dire ce que vous voulez».L’actuel Garde des Sceaux ne nous démentira pas. 

Khalifa Ababacar Sall, Karim Wade et Ousmane Sonko out ?

Khalifa Ababacar Sall et Karim Meïssa Wade courent toujours derrière leur éligibilité. Depuis leur condamnation  respectivement dans l’affaire de la caisse d’avance et par la cour de l’enrichissement illicite, ils  sont privés de leurs droits civiques.  De temps à autre, le Chef de l’Etat agite une loi d’amnistie pour les tirer d’affaire. Mais aussitôt après le débat se dégonfle et l’espoir s’effondre. De son exil d’orée, le fils de l’ancien président de la République, commande ce qui reste de sa troupe au sein du Parti démocratique par la publication des communiqués.

Quant à Khalifa Ababacar Sall, il a fini par comprendre que seule la lutte libère. D’où cette alliance contre nature avec Ousmane Sonko. Si le leader de Pastef/Les Patriotes a déclaré déjà sa candidature à la présidentielle de février 2024, il pourrait être rattrapé par l’affaire dite Sweet Beauty, du nom de ce salon de massage où une jeune femme, Adji Raby Sarr l’a accusé de viols à répétition.  Une affaire à multiples rebondissements qui tient en haleine le landerneau politique sénégalais. En cas de procès ayant débouché sur la condamnation de Ousmane Sonko, il sera lui aussi éliminé de la course à la présidentielle. Toutefois, s’il s’en sort blanchi, il sera difficile de l’empêcher de s’installer sur le fauteuil du président de la République.  Voilà autant d’équations auxquelles, le Sénégal est confronté en perspective de cette élection à multiples enjeux. Mais aussi à mille inconnues. 

Ousmane GOUDIABY 

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