Où va l’or produit au Sénégal ? Les rapports de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie Sénégal), récemment publiés, donnent une réponse à cette question.
En 2021, ce sont 16.1 tonnes d’or qui ont été produites au Sénégal. La valeur brute totale : 390.7 milliards de francs Cfa. Mais où va cet or ? Les cargaisons d’or sénégalais prennent deux principales directions.
La Suisse est la première destination de l’or sénégalais. En effet, 381.9 onces ont été exportées vers ce pays, pour 381.6 milliards de francs Cfa. L’Australie a, elle, acquis 128.3 onces, pour une valeur de 123.3 milliards de francs Cfa.
Au total, en plus des 9000 onces vendues à la Bceao, ce sont 519 336 onces d’or qui sont sorties du pays, soit 14.7 tonnes. C’est donc, 1.4 tonne d’or qui resterait sur le continent, ou encore dans le pays.
Mais, les artisans bijoutiers locaux, profitent-t-ils vraiment de l’or produit chez eux ? «Pour dire vrai, non», rétorque Alpha Amadou Thiam, vice-président de l’Association des bijoutiers du Sénégal.
Ils n’en voient que la poussière…
Joint par nos soins, il rappelle qu’en 2013, le président Macky Sall avait annoncé qu’il mettrait à la disposition des artisans nationaux, une partie de l’or produit dans le pays. Ce, pour qu’ils puissent avoir de la matière première. Une telle annonce, reste sans effet véritable, pour le moment.
Puis, ils ont, dit-il, créé un comptoir à leurs propres frais. Celui-ci vendrait des lingots d’or notamment aux bijoutiers et aux particuliers. Mais, du fait des coûts, l’initiative bat de l’aile. Aujourd’hui, l’Etat a annoncé la mise en place de son Comptoir national de Commercialisation de l’or. Un établissement public à caractère industriel et commercial.
Mais, la forme ne réjouit pas tout le monde. La réalisation de l’étude d’opportunité étant confiée au Cabinet Geomin. «C’est nous qui devons gérer le comptoir, ou l’Etat. Mais on ne peut le confier à un privé, sans appel d’offres sans rien», martèle M. Thiam. Dans son communiqué de presse, publié il y a quelques mois, le ministère des Mines avait expliqué que le Cabinet Geomin est juste recruté, «aux fins de réaliser cette étude dans une démarche inclusive et participative.»
En attendant, malgré les tonnes d’or produites au Sénégal, les bijoutiers disent éprouver des soucis pour avoir de la matière première. Pour la plupart d’entre eux, ils se rabattent sur le rachat de bijoux usagés, qu’ils font ensuite fondre, pour avoir de l’activité. «Parfois, nos clientes nous revendent des bijoux que nous leur avions cédés. C’est cela qui nous permet de tenir notre commerce», regrette M. Thiam.
Youssouf SANE