Guy Marius a pris part à presque tous les grands combats citoyens depuis 2012. Devenu député sous la bannière de la coalition Yewwi askan Wi, le trublion continue de mener bataille à l’Assemblée nationale
Travailleur social dans la Fonction publique, activiste reconnu et révolutionnaire au vrai sens du mot, Guy Marius Sagna constitue aujourd’hui un miroir pour certains jeunes combattants panafricains. Du collectif « Non aux APE » au contre-sommet de la Francophonie en 2014, en passant par le mouvement patriotique « Moom Sa Reew » et le mouvement FRAPP, Guy Marius a pris part à presque tous les grands combats citoyens depuis 2012. Ses grandes causes : la justice sociale et l’anti-impérialisme en particulier l’impérialisme français. Devenu député sous la bannière de la coalition Yewwi askan Wi, le trublion continue de mener le combat à l’Assemblée nationale. Entretien exclusif avec le dernier des Mohicans de la Révolution prolétarienne…
Le Témoin – M. le député, après plusieurs combats, sanctionnés par des arrestations et des séjours carcéraux, quel est votre sentiment, aujourd’hui, avec votre statut de député qui vous fournit une immunité parlementaire hors flagrant délit bien sûr ?
Guy Marius Sagna – Le peuple sénégalais m’a choisi pour le servir à l’Assemblée nationale. C’est une lourde et difficile responsabilité dans le contexte d’une Assemblée nationale néocoloniale, une Assemblée croupion au service du président néocolonial Macky Sall qui, lui-même, sert les intérêts de l’impérialisme et de la bourgeoisie bureaucratique APR/BBY.
Député et révolutionnaire, comment allez-vous allier ces deux missions ?
Il n’y a pas de paradoxe ou de contradiction entre les deux mais une continuité. Au sein de cette Assemblée croupion néocoloniale, nous y faisons résonner la voix des paysans spoliés, la voix des pêcheurs emprisonnés quand ils ne sont pas noyés ou assassinés en Mauritanie ou en Guinée Bissau parce que le président Macky Sall a bradé notre mer à l’Union européenne, la voix des Sénégalais victimes de spoliation foncière ou de démolition de maisons, la voix des Sénégalais arbitrairement licenciés ou qui n’arrivent pas à se soigner convenablement ou obligés de fréquenter une école publique sabotée… Le député que nous sommes est un député qui a pour fil d’Ariane la révolution anti impérialiste, démocratique, populaire et panafricaine. Les actes que nous posons au sein de cet hémicycle ont pour but de contribuer à nous rapprocher de l’avènement de cette révolution pour la transformation structurelle des relations entre l’Afrique — et donc le Sénégal — et le reste du monde et pour la transformation structurelle des relations entre le peuple et ses élus.
Comment analysez-vous le rythme de la révolution africaine actuelle ?
Jamais l’idée de la nécessité de décoloniser l’Afrique n’a été aussi forte qu’aujourd’hui. Le travail de nos dignes prédécesseurs et de la génération actuelle a développé la conscience des peuples avec comme résultat ce qui se passe au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso, en Centrafrique, dans tous les pays de la zone franc CFA, dans toute l’Afrique et sa diaspora. Les peuples ne veulent plus être gouvernés comme avant. Ils en ont assez d’être opprimés par la mésalliance constitués des serviles Macky, Ouattara, Talon, Bazoum…et des impérialistes UE, États-Uniens, français… La forteresse néocoloniale prend de l’eau de partout et les peuples administrent la preuve qu’elle n’est pas inexpugnable. Les peuples reprennent l’initiative et si ce processus est renforcé, le passage vers un monde multipolaire qui n’est plus sous la coupe de l’impérialisme est inexorable. L’impérialisme, particulièrement français, résiste avec ses suppôts, Macky, Ouattara… à cette seconde phase de décolonisation enclenchée en Afrique.
En fait, quel est le vrai sens de votre combat contre la France en Afrique ?
Notre combat est une lutte contre l’impérialisme, contre la domination, contre un système d’exploitation que nos présidents africains ont accepté et qui est exercé sur nos peuples avec leur complicité criminelle et traîtresse. Parmi les impérialistes, celui qui nous cause le plus de tort à nous pays africains sous occupation monétaire CFA, c’est la France. Nous ne voulons plus de présence militaire française en Afrique. Ni de toute autre présence militaire. Nous ne voulons plus de présence monétaire française en Afrique ni de toute autre présence. Nous voulons faire pour nos langues africaines ce que des Shakespeare, des Victor Hugo…ont fait pour l’anglais, le français… Nous ne voulons plus d’accords léonins au détriment de notre Afrique et de ses peuples. Nous ne voulons plus que notre Afrique continue à servir de réservoir de matières premières et de marché des produits finis de la France, de l’Union européenne, des États-Unis, de la Chine…Nous voulons nous déconnecter du centre capitaliste/impérialiste et décider par nous-mêmes ce qui est bon pour nos peuples, notre Afrique et contribuer à l’avènement d’une planète Terre de paix, de concorde, sans exploitation, sans la tragédie des migrations irrégulières, des systèmes de santé à terre, des chômages endémiques… Nous ne voulons plus être un Eldorado tricolore ou hexagonal. Nous ne voulons plus être la basse-cour d’aucune puissance sinon un continent au service de ses peuples sans exploiter les peuples des autres continents.
Quel est votre point de vue sur ces coups d’État militaires qui semblent revenir en force sur le continent ?
La pérennisation de la domination néocoloniale passe par des coups d’État constitutionnels, des coups d’État militaires…la lutte pour la sortie de l’exploitation impérialiste passe aussi par différentes voies dont des coups d’État — qui ne sont jamais souhaitables — militaires. N’oublions jamais le mot juste de Mandela : ce n’est jamais l’opprimé mais l’oppresseur qui détermine la forme de la lutte. Un coup d’État militaire peut être réactionnaire et donner un Pinochet, un Mobutu…et donc il est réactionnaire. Un coup d’État peut donner un Sankara, un Chavez…avec des politiques nationales, démocratiques, populaires. Dans ce cas, il est progressiste. L’impérialisme et ses marionnettes Macky, Ouattara, Bazoum…n’ont pas de problème avec les coups d’État. Leur problème est au service de qui, de quelle classe sociale, de quelle orientation, ce coup d’État a été fait. Si c’est un coup d’État de restauration, de perpétuation de la domination de nos pays, de maintien par exemple de l’exploitation de nos pays par la France, ils adoubent ce coup d’État. Si c’est un coup d’État qui menace les intérêts de l’alliance entre nos bourgeoisies compradores et leurs chefs impérialistes, ils poussent des cris d’orfraie.
Que pensez-vous des contestations dans certains pays notamment au Mali et au Burkina Faso ?
Je soutiens les peuples africains du Mali et du Burkina dans leur volonté de ne plus être gouvernés comme avant. Nous devons tous les soutenir et non procéder comme la CEDEAO des chefs d’États traîtres qui a essayé d’asphyxier le peuple africain du Mali dont le seul tort est de dire si justement et si légitimement : « FRANCE DÉGAGE ! » Dans un contexte d’encerclement par des pays à la tête desquels se trouvent des laquais de la France et des autres impérialistes, ce n’est pas facile — mais c’est possible — pour le Mali et le Burkina Faso de sortir du système néocolonial. Mais je pense que, globalement, le Mali et le Burkina Faso sont sur la bonne voie. Si au Sénégal, en Côte d’Ivoire au Niger…les peuples arrivent à se libérer de l’étau impérialiste, il sera encore plus facile pour le Mali, le Burkina Faso comme pour les autres pays de l’Afrique de l’Ouest, par exemple, de sortir de la citadelle impérialiste. J’invite les expériences malienne et burkinabè, actuellement en cours, à mettre au centre des préoccupations les peuples malien et burkinabè qui doivent être leur Alpha et leur Omega. Cela veut dire aussi à opérer les nécessaires ruptures qui vont mobiliser les peuples malien et burkinabè vers l’objectif de la souveraineté pleine et entière.
Votre combat pour la souveraineté monétaire africaine n’a pas eu l’ampleur que certains observateurs attendaient, avez-vous d’autres projets au niveau de l’Assemblée nationale pour une rupture définitive avec le CFA?
La révolution en général et celle monétaire en particulier que nous prônons ne sont pas une partie de plaisir pour parler comme Cabral. Nous n’avons jamais dit qu’il serait facile de sortir de la prison des peuples ouest-africains que constitue la monnaie néocoloniale CFA. Mais comment ne pas être admiratif de la mobilisation de la jeunesse africaine qui dit dans les rues africaines «pour la souveraineté monétaire France dégage» ? Comment ne pas apprécier que cette lutte pour l’abolition du franc CFA oblige les candidats aux élections présidentielles et législatives en France comme en Afrique à se prononcer lors des campagnes électorales sur ce CFA ? La lutte contre le CFA a pris une grande ampleur devenant aux côtés d’autres problématiques les questions centrales de débat programmatique. Ce débat se poursuit notamment à l’Assemblée néocoloniale et croupion du Sénégal. Dans cette perspective, j’ai posé une question écrite au gouvernement sur le processus antidémocratique de la réforme du franc CFA. Le ministre des Finances a répondu. Lors du marathon budgétaire qui vient de se terminer, la question du franc CFA a été posée. Les abolitionnistes du franc CFA néocolonial ne sont pas majoritaires pour l’instant à l’Assemblée néocoloniale du Sénégal. Mais ce n’est qu’une question de mois. D’ici là, nous allons continuer à informer, sensibiliser les peuples sur la nécessité de sortir de ce piège monétaire des peuples qu’est le franc CFA.
Quel est votre position sur la question du 3ème mandat interprété comme deuxième quinquennat de Macky Sall par ses partisans ?
Il est vrai que le président néocolonial Macky Sall a maintenu le peuple sénégalais dans une situation où 54 % de ce peuple sont analphabètes. Mais qu’il se méprenne s’il croit que le peuple sénégalais ne sait pas compter. Un mandat de 7 ans entre 2012 et 2019 plus un autre mandat de 5 ans entre 2019 et 2024 donnent deux mandats. Or, la Constitution est très claire en son article 27 : nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. C’est au président Macky Sall de choisir sa fin : fin pacifique en respectant l’interdiction constitutionnelle du 3e mandat ou fin violente en tentant un coup d’État constitutionnel. Au cas où il tenterait un coup d’État contre l’article 27 de la Constitution, qu’il sache que le peuple aura sa peau. Nous l’attendons de pied ferme. S’il ose, le peuple osera. S’il y a encore des gens dans son entourage qui l’aiment, je leur conseille de ne pas provoquer le peuple sénégalais qui a déjà payé un lourd tribut contre le 3e mandat. C’est fini pour Macky ! Les jours de Macky Sall et de l’impérialisme sont comptés au Sénégal.
L’affaire Adji Sarr et Ousmane Sonko continue de polluer l’atmosphère politique…
Macky Sall et l’impérialisme sont prêts à arrêter et à emprisonner arbitrairement, torturer et assassiner pour pérenniser la domination néocoloniale sur le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest. Dans l’affaire Ousmane Sonko et Adji Sarr, nous notons juste que le complot pour liquider la figure de proue du camp patriotique au Sénégal est aussi un moyen qu’utilise l’impérialisme et son valet Macky Sall. Des toutes premières secondes de ce complot international qui a déjà fait 15morts à aujourd’hui, il est clair comme de l’eau de roche que Ousmane Sonko est innocent des accusations dont on cherche à l’accabler. Le peuple n’acceptera pas qu’Ousmane Sonko soit conduit à l’échafaud. Que le président Macky Sall se le tienne pour dit.
Il y a également l’arrestation de Pape Alé Niang…
Nous assistons sous le magistère du président Macky Sall à un fascisme rampant. La bourgeoisie bureaucratique APR/BBY n’arrive plus à maintenir la position du Sénégal comme néo-colonie avec les instruments traditionnels. L’État néocolonial du Sénégal, avec à sa tête Macky Sall, commence à utiliser des moyens fascistes. C’est de cela dont l’arrestation du journaliste Pape Alé Niang est le nom. L’apprenti dictateur Macky Sall cherche à démolir tout ce qui est debout, tout ce qui est insoumis. Et tout y passe. Partis politiques et opposants insoumis, mouvements citoyens et activistes debout, organes de presse et journalistes dignes, syndicats et syndicalistes résistants…Nous devons faire face à cela afin d’éviter au Sénégal la réalisation de la prédiction de l’artiste : «le sommeil de la raison engendre des monstres». Ne pouvant plus continuer à détourner calmement les richesses du Sénégal pour lui, sa famille, ses amis et ses maîtres impérialistes avec les mêmes moyens qu’ils avaient, Macky Sall est aujourd’hui obligé d’utiliser des moyens comme le kidnapping, la torture, l’assassinat, l’emprisonnement de journalistes, d’opposants et de membres de mouvements citoyens. N’ayant pas réussi à domestiquer toutes les plumes, tous les partis politiques, tous les mouvements citoyens…le président Macky Sall cherche à les briser par des emprisonnements arbitraires, des manifestations réprimées dans le sang… Macky devra comprendre que toutes les plumes ne peuvent être des plumes de compagnie, corrompues au service du système néocolonial en cours au Sénégal. Il y a des Pape Alé Niang qui sont incorruptibles, des Pape Alé Niang qui seront toujours dans le Sénégal digne, le Sénégal qui résiste, le Sénégal insoumis.
Vous venez de clore le marathon budgétaire 2023. Quel enseignement en tirez-vous ?
Ce marathon budgétaire a confirmé—s’il en était encore besoin — la véracité de l’analyse que nous faisions de loin. Cette Assemblée n’est ni nationale, ni démocratique, ni populaire. C’est une Assemblée croupion qui, comme toutes les autres institutions actuelles, ne sert qu’à préserver un ordre néocolonial. Face à un groupe parlementaire BBY croupion, la majorité des députés du camp patriotique a représenté dignement le peuple du Sénégal pendant toute la durée du marathon budgétaire du 25 octobre au 09 décembre 2022. Aucun Sénégalais n’a été oublié, aucune parcelle du Sénégal n’a été omise. Face aux députés du camp patriotique, il y a eu le groupe parlementaire croupion BBY qui, pour défendre la vision néocoloniale de son chef marionnette de l’impérialisme, a utilisé les insultes, la violence, la falsification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la violation de ce règlement intérieur falsifié, le tripatouillage des listes d’intervenants, le vol des votes, la provocation, du faux… Ce marathon budgétaire a aussi confirmé tout ce que nous disions du président fantoche de l’Assemblée croupion. Ce président fantoche a été installé avec le concours de l’Armée le 12 septembre dernier pour être un machin au service du président Macky Sall et non du peuple sénégalais. Pendant ce marathon budgétaire, il n’a été qu’un machin chargé de faire passer la volonté de Macky Sall à l’Assemblée.
Le Premier ministre Amadou Ba a séjourné récemment en France qu’attendez-vous de ce séjour et surtout de sa déclaration de politique générale (Ndlr: l’interview a été réalisée la veille de la déclaration de politique générale)
Il faut mettre un terme à cette relique néocoloniale que constitue ce séminaire entre la France et le Sénégal qui est en réalité une sorte de séance de vérification de l’allégeance du Sénégal à la France impérialiste. La preuve, le Premier ministre, Amadou Ba, y a eu ce mot extrêmement grave selon lequel : «le seul problème entre la France et le Sénégal c’est qu’il n’y a pas de problème».Quelle insulte aux tirailleurs sénégalais assassinés parla France en 1944 à Thiaroye ! Quelle insulte à toutes les autres victimes d’hier et d’aujourd’hui de l’impérialisme français! Vouloir donner des gages à la France impérialiste afin de la convaincre qu’on est le meilleur candidat dans la lutte intestine à l’APR en direction de la présidentielle de 2024 au Sénégal n’autorisait pas Amadou Ba à parler ainsi devant la France.
En 2024, nous mettrons un terme à ces séminaires véritables coups de poignard sur notre souveraineté. Vendredi dernier j’ai adressé une lettre au Premier ministre Amadou Ba pour l’informer de la falsification de la loi organique n°2002-20 du 15 mai 2002 portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale, et donc de l’impossibilité de la déclaration de politique générale puisque, en l’état actuel, l’Assemblée nationale du Sénégal ne connait ni Premier ministre ni donc de déclaration de politique générale. J’espère qu’il sera plus démocrate que son président de parti Macky Sall et plus respectueux que lui des textes en vigueur.
Zaynab SANGARÈ