Établissez la justice et répandez la paix !

par pierre Dieme

Parfois l’on a envie de crier, de se révolter. Il y’a tant d’hypocrisies, de mensonges et de tromperies dans ce pays.
On nous a enseigné qu’il fallait éviter la division, la « Fitna ».  Cette injonction morale a été ancrée dans notre société par le truchement des enseignements transmis par nos valeureux hommes religieux, les combattants de NOTRE liberté; ceux qui ont combattu d’abord l’injustice avant de répandre la paix. Ils ont agi fidèlement à l’enseignement de l’islam qui dans son essence se résume ainsi : « Reconnaitre l’Unique, établir la justice et répandre la paix ». Notre foi, notre éthique, notre citoyenneté et notre indépendance ont ce sens ultime : où que tu sois, ETABLIS LA JUSTICE et REPANDS LA PAIX. 


La crainte d’être à la marge de cette injonction « pas de fitna! » se traduit par une attitude devenue passive, conciliante jusqu’à la démission. La peur de la division se traduit aujourd’hui par la réalité d’une société sénégalaise qui ne sait plus débattre, qui a peur d’elle-même, qui accepte en silence la compromission et les trahisons. On n’agit pas à temps et en conscience, au nom de la justice et de l’équité pour faire régner la paix. Mais on réagit plutôt inconsciemment à la peur de cette division au nom de la paix. On réagit après les dégâts, pour commenter les conséquences et réprimander les premières victimes de l’injustice.  La paix est un vain mot, il n’a de sens qu’à la condition de la justice. 


Il se pourrait que cette injonction « pas de fitna » soit la plus mal comprise et la plus dévoyée de tous les enseignements transmis à travers les générations, et en cela, la cause première de toutes nos errances. « Ne vous divisez point » n’a jamais voulu dire « Acceptez les hypocrisies des uns », « soyez complices de la trahison des autres ». Chercher l’union dans l’idéal n’a jamais voulu dire fuir les exigences parfois déchirantes et conflictuelles de la réalité. 
Le prophète a dû faire face à l’hypocrisie, aux mensonges, aux trahisons : certains disaient avec leur bouche ce qui n’était point dans leur cœur ; d’autres construisaient des mosquées « vitrine » sans piété et nourris de sombres intentions ; d’autres enfin complotaient avec le pouvoir de l’ennemi. La révélation lui a-t-elle un jour sommé de se taire, d’observer, de composer, la peur au ventre ? Jamais bien au contraire. Il fut vigilant, strict et il n’a fui ni refusé aucun conflit si celui-ci était incontournable, pour que soit entendu la parole de l’honnêteté et de la transparence.
Le Messager n’a t-il pas averti « Craignez l’invocation de celui qui est injustement traité, même s’il est un négateur (Kafir), il n’y a pas [entre cette invocation et Dieu] de voile » (Hadith rapporté par Ahmad) Le Messager a dit « aide ton frère qu’il soit juste ou injuste ». Et un compagnon de répondre : « Quand il est juste nous comprenons mais comment pouvons-nous l’aider quand il est injuste ? ». « En mettant un terme à son injustice » lui répondit le messager. (Hadith rapporte par Al-Boukhari)


Nous devons mettre un terme à l’injustice qui règne dans ce pays. La sagesse nous impose de chercher la paix et la réconciliation, certes, mais à la condition de la justice. Dans le cas contraire il faut s’armer de courage pour dire, dénoncer, refuser et reformer. La critique est salutaire si l’intention qui la porte est tournée vers le bien, l’équité et la justice. Mais si nos silences, apparemment très sages, cachent la peur et la veulerie, alors cette sagesse est un mensonge. De cette peur, il faut y entrevoir une complicité cynique avec les injustes ou une haine cachée envers les premières victimes. 
Comment ne pas y croire dans le contexte socio-politique actuel du pays. La force étatique s’abat unilatéralement sur une frange de la population, celle qui ose dénoncer les iniquités répétées du pouvoir actuel. Il faut qu’une femme indisciplinée et provocatrice soit giflée à l’assemblée pour provoquer le choc national ? 
Où étaient ces indignés quand la député Mame Diarra Fam a reçu un coup de poing de la part d’un député de Benno Bok Yaakar en Novembre 2018 ? Où étaient-ils quand Mariama Sagna du Pastef a été violée puis assassinée lâchement ?  Où étaient-ils quand la dame Ndeye Khady NDiaye propriétaire du Salon Sweet Beauty recevait des menaces répétées et des propositions d’argent de la part d’autorités publiques pour lui faire changer de version ? Où étaient-ils quand 14 jeunes ont été lâchement assassinés par des balles réelles pendant les manifestations de Mars 2021 et qu’aucune enquête judiciaire n’en soit suivie ? 

Où sont-ils pendant que pape Ale Niang et les autres détenus politiques sont injustement entre les liens de la détention ? Où sont-ils pendant qu’une mère de famille du nom d’Ami Dia est accusée de terroriste et croupit en prison depuis des mois sans preuve ? Enfin où sont-ils pendant que deux gendarmes du sud ont cessé d’exister mystérieusement et dans des conditions douteuses laissant place à des interrogations légitimes quant à l’implication du pouvoir en place dans ces assassinats ? La liste est longue.
 Aujourd’hui ils s’indignent parce qu’une députée a reçu une gifle. Cette violence portée sur cette députée est nettement condamnable. Mais celle exercée par cette députée et ayant provoquée tout ceci l’est tout autant. Elle a franchi le rubicond de la provocation et de l’outrage publique surfant stratégiquement dans le même sillage que ses collègues de la mouvance présidentielle dans le but de parasiter le message de l’opposition et saboter le débat.  Ignorer cette première violence et s’appesantir sur les conséquences est signe de lâcheté et d’hypocrisie. 


Le singulier de DIEU qui changera notre société vers le bien, viendra du pluriel des individus qui changeront leur cœur, leur être et qui se dresseront unanimement contre l’injustice d’où qu’elle vienne. Il nous est dit « Si tu juges parmi les gens juge dans l’équité et la justice (s4/v58) ».Une paix sans justice n’est pas une paix. Au mieux c’est une affiche publicitaire, un sophisme ou un soporifique. Au pire c’est une prémisse d’une guerre (Qu’Allah nous en préserve) si on n’y prend pas garde. « Kou Artou woul di ngeu Atté ! ».
Ibra Wane BA

Consultant indépendant en TIC et systèmes d’informationsMembre du mouvement des cadres de Pastef

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