Menaces sur les principes républicains et la cohésion nationale : Le cas Pape Alé Niang, l’affaire Sonko – Adji Sarr et la 3ème candidature.

par pierre Dieme

Lorsque nous avons entendu M. Saourou Sène, qui fut le syndicaliste aux critiques virulentes et sans mesure, déclarer que le journaliste d’investigation
Pape Alé Niang avait dépassé les limites en abordant des questions de « secret défense », l’envie nous a pris d’examiner de plus près les chefs d’inculpation dont celui-ci fait l’objet.
C’est ainsi qu’en revisitant l’article 64 du code pénal, nous avons constaté que le législateur, pour préserver toute la vigueur que doit avoir la loi protectrice du secret de la défense nationale, a eu recours à l’adverbe « manifestement » pour indiquer que les objets, plans etc… qui sont estampillés « secret défense », sont spécifiques et naturellement identifiables. Donc, au Sénégal comme dans d’autres pays, l’article 64 du code pénal ne
couvre que le « secret défense par nature ». C’est-à-dire les cas qui relèvent manifestement, évidemment et visiblement du secret défense, parce que leur divulgation pourrait nuire à la Nation.
Mais, en plus de ces cas qui sont limitativement définis par le législateur, il y a les cas qui relèvent de la volonté du Gouvernement et qui doivent faire l’objet d’une loi ou d’un décret publié au Journal Officiel pour être opposable à tous : on parle alors de « secret défense par extension », parce qu’il faut que la loi avertisse avant de frapper.
Toutefois, il convient de rappeler que dans le cas des documents ou objets relevant de la catégorie « secret défense par extension », le lanceur d’alerte et le journaliste d’investigation ne peuvent pas être arrêtés ou poursuivis dès lors que la divulgation consiste en une dénonciation d’une infraction pénale ou en la sauvegarde de l’intérêt de la société. Or, concernant le contrat fictif d’armements portant sur 45 milliards de FCFA, il
s’agit de la dénonciation d’un crime économique, donc de la dénonciation d’une atteinte grave à un intérêt vital de la Nation.
Pour le cas du rapport d’enquête interne de la Gendarmerie, il s’agissait de dénoncer une autorité judiciaire dont les agissements délictuels constituent
non seulement une entrave à la bonne administration de la justice, mais une menace pour tous les justiciables donc pour la société.
Concernant les messages radio de la Police et des Sapeurs-pompiers, d’abord il ne s’agissait pas de messages cryptés. Ensuite, lorsqu’il s’agit de la Police et des Sapeurs-pompiers, on aurait pu parler de « secret défense » que si « Oscar Sierra » était poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’État.
La loi pénale n’est ni un glaive, ni la hache du bourreau. Dans un État de droit, la réaction pénale est un réflexe de défense de l’organisme social contre les actes qui le perturbe.


Par conséquent, toute activité ayant pour finalité le renforcement de cette défense, ne peut avoir un caractère infractionnel.
À cet égard, il peut être dit qu’il est de notoriété publique que la façon de se comporter de Pape Alé Niang, en tant que journaliste d’investigation, est
toujours allée dans le sens de l’intérêt le plus élevé de la société. Il ne faut pas amoindrir la valeur préventive de notre législation en la matière,
parce que les faits qui sont reprochés à Pape Alé Niang n’ont rien à voir avec l’Animus Hostilis qui intéresse l’article 64 du Code Pénal, ni avec les documents estampillés « secret défense » et jalousement gardés dans les coffres de la Maison Blanche comme le prétend le député Cheikh Tidiane Gadio. Malheureusement, force est de constater que depuis que la néantisation de l’autre est devenue un catalyseur social au Sénégal, l’amalgame et le
mensonge sont acceptés et usités sans retenue, provoquant l’effritement de l’éthique. Pourtant, il ne peut y avoir de paix que dans la légalité et la convivialité. Et, c’est pour assurer à la légalité un respect strict, que la loi pénale doit obéir à un postulat de rigueur rédactionnelle. Son interprétation doit être « déclarative » et avoir pour assise la formule même de la loi, ses substantifs, ses verbes, ses prépositions, sa ponctuation. Le fait, pour un pouvoir, de privilégier outrancièrement « l’ordre » par rapport aux garanties que la loi offre aux droits des citoyens, provoque un déséquilibre constitutionnel qui
conduit inéluctablement à la confrontation et à l’instabilité. Il n’est pas évident qu’aujourd’hui, cette règle qui est nécessaire au maintien de la cohésion nationale soit bien observée au Sénégal.


À titre d’exemple, il pourrait être cité l’affaire Sonko – Adji Sarr. En effet, à l’occasion de son audience, M. Ousmane Sonko a déposé auprès du
juge d’instruction, un rapport d’enquête rédigé par deux officiers supérieurs de la Gendarmerie Nationale, de surcroît officiers de police judiciaire. Il ressort de ce rapport que le dossier concernant l’affaire pour laquelle M. Sonko a été inculpé, a été falsifié par un officier de police judiciaire sous l’impulsion du procureur de la République, dans le dessein d’établir sa culpabilité. Ce rapport contient des aveux de l’officier de police judiciaire qui provoquent la nullité de l’ensemble du dossier. À cela s’ajoute le fait que le certificat médical qui a été produit par la plaignante est frappé de nullité en vertu de l’article 166 du Code de Procédure Pénale, parce que l’expert qui en est l’auteur a été choisi 24 heures avant le
jour du supposé viol par Me Pape Samba So, qui est l’un des comploteurs. Pire, ledit expert est un ami personnel de Me Pape Samba So.
Certes, d’aucuns pourraient être tentés de nous opposer le fait qu’une réquisition à expert en bonne et due forme a été délivrée postérieurement par
la Section de Recherche. Mais, en établissant ladite réquisition à expert, l’officier de police judiciaire savait pertinemment qu’il violait la loi et les droits
de la défense qui sont d’ordre constitutionnel. Il se trouve même qu’en plus de la nullité qui frappe le certificat médical, celui-ci est entaché de faux. Car, pour conformer ledit certificat médical à la réquisition à expert qui a été établie le 3 février 2021, l’expert a mentionné « avoir examiné la masseuse Adji Sarr le 3 février 2021 à 16h15 », alors qu’il l’avait en réalité examiné la veille, c’est-à dire dans la nuit du 2 au 3 février 2021.
Au vu de ce qui précède, il est permis de se demander quelle est la base légale des actes de procédure que le doyen des juges continue de poser, après avoir constaté que l’ensemble du dossier en question relève désormais de l’empire de l’article 167 du Code de Procédure Pénale.
Même si on faisait abstraction du rapport d’enquête interne de la Gendarmerie, il n’en demeurerait pas moins que le doyen des juges, après
avoir auditionné la dame Ndeye Khady Ndiaye et le gynécologue, était édifié du fait que le certificat médical était frappé de nullité et que les photos
pornographiques, frauduleusement introduites dans le dossier pour établir la thèse du proxénétisme, constituaient une falsification qui avait pour effet de
provoquer la nullité dudit dossier. C’est dans ce contexte de multiples interrogations que la presse nous a rapporté qu’il y a eu un responsable politique qui n’a pas hésité à braver toutes les convenances pour traiter les membres des organisations de la société civile
de méprisables engeances parce que ceux-ci, étant dans leur rôle, avaient organisé une conférence de presse pour inviter les uns et les autres à respecter la Constitution pour ce qui concerne les candidatures à l’élection présidentielle de 2024. Depuis, le sujet fait l’objet d’une controverse qui va crescendo. Mais, ce qui est remarquable est que la plupart de ceux qui n’ont d’attachement que pour le char de la baraka que Dieu a accordé au Président Sall, tentent habilement de biaiser le débat. Ils se réfugient tous derrière l’idée que seul le juge constitutionnel est compétent pour trancher le débat le moment venu.


Récemment, lors de son passage devant les députés, le ministre de la justice qui fut en son temps le conseiller juridique du Président, a indiqué qu’après
avoir écrit que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs », celuici avait ajouté une disposition transitoire, laquelle y incluait son mandat de
2012 à 2019.
Le juge constitutionnel, saisit du projet de loi constitutionnelle pour avis, avait estimé que des dispositions transitoires ne pouvaient pas figurer dans une
constitution. Il ajoutait que cela n’était pas nécessaire. L’avis du juge constitutionnel, ainsi rapporté par le ministre de la justice,
appelle deux observations. D’abord, il n’a émis d’avis que sur la forme, parce qu’il n’a pas compétence pour toucher au fond lorsqu’il s’agit d’un projet de loi qui doit être soumis à l’appréciation du Peuple ou de ses représentants. Ensuite, le juge constitutionnel a raison, parce que les dispositions transitoires
en question étaient superfétatoires, dans la mesure où l’article 27 alinéa 2 est clair et sans équivoque.
Mais, il se trouve que même parmi ceux qui sont contre une 3ème candidature, il y en a qui soutiennent qu’il s’agira de respecter la parole donnée. Cet appel à l’éthique trouve son intérêt dans le fait qu’en ne respectant pas la parole donnée, le Président amènerait le Peuple à croire qu’il l’avait abusé ; ce qui aurait pour conséquence une rupture morale dont le corolaire est toujours la rupture politique (les résultats des dernières élections en sont un avant-goût).
Cependant, à notre sens, il faudrait revenir à l’orthodoxie. Et pour cela, il faudrait commencer par se poser la question de savoir ce qui avait réellement
déterminé la volonté du Peuple lors du référendum pour l’adoption de l’article 27 alinéa 2. On trouverait alors la réponse à cette question dans les enregistrements vidéo qui circulent sur la toile. En procédant de la sorte, on constaterait que la volonté du Peuple a été persuadée et déterminée par les affirmations faites et les explications fournies personnellement et de vive voix par le Président Macky Sall qui est l’initiateur et l’auteur de l’article 27 alinéa 2. Sa plaidoirie a même été appuyée par l’ensemble de ses plus proches collaborateurs
(Premier-ministre, Directeur de cabinet, Conseiller juridique, Porte-parole…).Ils ont tous persuadé le Peuple que le Président Macky Sall, en application de l’article 27 alinéa 2, serait à son 2ème et dernier mandat s’il était réélu en 2019. C’est pourquoi, si demain, le Président Macky Sall saisissait le Conseil Constitutionnel pour avis, l’acte serait considéré comme une manœuvre au sens juridique du terme, aux fins de légitimer une 3ème candidature qu’il sait inconstitutionnelle.
Dans une telle hypothèse, si le juge constitutionnel donne un avis favorable à une 3ème candidature, il tombera sous le coup de l’article 118 du Code Pénal,
parce qu’il aura substitué sa propre volonté, qui n’a aucune légalité, à celle du Peuple, qui a l’exclusivité de la légalité. Par ailleurs, en usant de manœuvres pour légitimer une 3ème candidature, tout en sachant qu’à l’image de 2011 et à l’exemple de ce qui s’est passé dans
plusieurs pays de la sous-région, la déclaration d’une 3ème candidature inconstitutionnelle est une cause génératrice de troubles avec mort
d’hommes, le Président Macky Sall se verrait appliquer la règle de « la responsabilité pénale des faits d’autrui ». Il serait co-responsable de tous les
crimes et délits qui auront été perpétrés. Et, dans ce cas, contrairement au mois de mars 2021, chaque parent de victime
pourrait saisir la juridiction à compétence universelle de son choix (La Haye, Belgique, USA, Angleterre, France…).
Ce serait une méprise que de croire que les événements du 23 juin 2011 et de mars 2021 n’étaient que fortuits. Car, les violences qui ont marqué ces dates sont en réalité les épisodes convulsifs de la transformation de notre société. Il faut savoir qu’aujourd’hui, il y a chez les jeunes générations, qui constituent la majorité de notre population, le sentiment national qui fermente à grande vitesse. Il s’agit de ce sentiment qui, depuis 1960, faisait défaut à nos populations selon le professeur Duverger. L’Alliance Pour la République (APR) et la coalition Benno Bokk Yaakaar regorgent d’hommes compétents et méritants qui pourraient prendre le relai.
C’est pourquoi, nous avons espoir qu’en homme sage, le Président Macky Sall saura transformer en triomphe la fin de son magistère, seule voie royale pour l’ouverture de perspectives multiples.

You may also like

Web TV

Articles récentes

@2024 – tous droit réserver.