Deux mois après sa nomination, le chef du gouvernement passe incognito dans l’espace public. Sans siège pour la Primature, en retrait lors des concertations sur la vie chère, Ba serait-il un Premier ministre de façade ?
C’est à se demander si le Sénégal avait besoin d’un Premier ministre. Ce poste restauré par l’Assemblée nationale, le 10 décembre 2021, en procédure d’urgence, a attendu 9 mois pour trouver un occupant. Amadou Ba, nommé le 17 septembre dernier, chef du gouvernement, a bouclé aujourd’hui 2 mois. Troisième institution du pays, énumérée dans l’article 6 de la Constitution, le gouvernement est représenté par un Premier ministre. Pour le cas d’espèce, c’est une institution sans siège officiel. L’ancien lieu qui abritait la Primature sis en face du Palais de la République, est devenu une maison militaire. Par conséquent, Amadou Ba expédie les affaires courantes à partir du « Petit Palais », la résidence officielle du chef du gouvernement, située derrière l’Hôpital Aristide Le Dantec. D’après des membres de l’entourage de Macky Sall contactés par Bés bi, « le Premier ministre va loger au Building administratif Mamadou Dia, en attendant la fin des travaux ».
Premier ministre invisible
Et là, quelques interrogations subsistent. Pourquoi durant ces mois à attendre un Premier ministre, un siège n’a pas été construit pour accueillir la Primature ? Macky Sall s’était-il réellement préparé à avoir un Premier ministre ? La deuxième question laisse penser à une réponse par la négative. En effet, Amadou Ba, au-delà d’être sevré de siège, reste peu visible certainement pour ne pas faire de l’ombre au président de la République. Ce dernier qui, à un moment donné, n’avait ni numéro 2 à l’Apr, ni de Premier ministre, a montré son hostilité à avoir un Exécutif à deux visages. D’ailleurs, si Amadou Ba a quitté le gouvernement, surtout le ministère des Finances, c’est parce qu’en partie, il commençait à prendre des galons. Arrivé à la station de Premier ministre, Ba semble avoir appris la leçon. Chat échaudé craint l’eau froide, dit-on.
Peu visible dans la presse, Amadou Ba travaille dans l’ombre, loin des indiscrétions. De plus, dans sa bataille à distance avec Abdoulaye Daouda Diallo, directeur de cabinet du président de la République, Ba sait que la moindre erreur pourrait lui être fatale. Même lors des concertations sur la vie chère, le Premier ministre a laissé l’initiative au président de la République. Lors de ses années en tant que Pm, Mahammed Boun Abdallah Dionne conduisait les négociations avec les syndicats d’enseignants, de la santé, entre autres. Mais Dionne n’est pas Ba. Ce dernier est vu comme un dauphin par certains et donc, son acte le plus anodin, est épié.
Un Premier ministre selon Macky
Mais c’est la compréhension que le Président Sall a de cette fonction de Premier ministre. Il l’avait expliqué le 31 décembre 2019, lors du grand entretien avec la presse : « Vous pensez que sans Premier ministre, le gouvernement ne travaille pas ? Il faut savoir qu’il a des responsabilités, mais pas de pouvoirs. J’ai été Premier ministre de Wade, c’est lui qui détenait le pouvoir. On a fait délégué au Premier ministre l’Administration. Maintenant s’il ne le sait pas et que les sirènes des motards lui donnent d’autres envies, il se trompe ». Même lors de la dernière sortie de l’Apr, lors du lancement de la vente des cartes, samedi dernier, Amadou Ba était en retrait, laissant le soin à Macky Sall d’être sous le feu des projecteurs. Avec le Président Sall, c’est la stratégie pour exister. Finalement Amadou Ba serait-il un Premier ministre de façade ?
Babacar Guèye Diop