Pape Alé Niang : la liberté de la presse questionnée au Sénégal

par pierre Dieme

COUP DE SEMONCE. L’opposant Ousmane Sonko et les organismes de défense des droits de l’homme ont réclamé la libération du journaliste actuellement détenu.

La situation se crispe de plus en plus autour de l’affaire de l’arrestation et la détention du journaliste Pape Alé Niang. Patron du site Dakar Matin, celui-ci a été arrêté le 6 novembre avant d’être inculpé mercredi pour « divulgation d’informations non rendues publiques par l’autorité compétente de nature à nuire à la défense nationale », « recel de documents administratifs et militaires » et « diffusion de fausses nouvelles de nature à jeter le discrédit sur les institutions publiques », et incarcéré. Selon les syndicats de la presse au Sénégal, les autorités reprochent à Pape Alé Niang d’avoir diffusé « des messages confidentiels sur le dispositif sécuritaire à mettre en place pour la comparution de M. Sonko devant le juge, et d’avoir appelé à descendre dans la rue ».

Connu dans son pays pour ses chroniques sur l’actualité, Pape Alé Niang a été arrêté pour des publications qui ont coïncidé avec l’interrogatoire récent de M. Sonko par la justice. De quoi confirmer que l’affaire Sonko continue d’être source de tensions au Sénégal. Ousmane Sonko a été inculpé pour viols et menaces de mort et placé sous contrôle judiciaire en mars 2021, sur plainte d’une employée d’un salon de beauté où il allait se faire masser. Il dénonce un complot du pouvoir pour torpiller sa candidature à la présidentielle de 2024. Il a été entendu pour la première fois sur le fond de l’affaire le 3 novembre.

Mur de résistance des droits de l’homme et de la liberrté de presse

« Ce qui arrive à Pape Alé Niang est une injustice. Le journaliste s’est battu pour le Sénégal. La prison n’est pas sa place », a déclaré jeudi à la presse Ousmane Sonko, accusant le pouvoir de chercher à « éliminer les alerteurs » du peuple. De son côté, Reporters sans Frontières réclame « la libération immédiate » du journaliste. « Il est anachronique de voir un journaliste en prison dans un pays comme le Sénégal, considéré comme l’une des démocraties les plus stables en Afrique », écrit l’ONG de défense des journalistes dans un communiqué.

« Pape Alé Niang n’aurait jamais dû être arrêté ni détenu, simplement pour avoir diffusé ce document. Nous appelons les autorités sénégalaises à respecter la liberté de la presse et des médias, de protéger les lanceurs d’alerte, et nous demandons la libération immédiate et inconditionnelle de Pape Alé Niang, » a déclaré Alassane Seck de la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme (LSDH). 

Quant à la Coalition des associations de presse (CAP), elle a vigoureusement condamné l’arrestation de Pape Alé Niang et dénoncé les pressions croissantes des autorités étatiques sur les journalistes sénégalais.

Ce à quoi Sadikh Niass, président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO), a ajouté : « La liberté d’expression et celle de la presse sont consacrées par la constitution sénégalaise et la Charte africaine des droits et des peuples de l’Union africaine. En cherchant à réduire au silence les journalistes par des arrestations arbitraires, les autorités violent les principes et textes auxquels elles-mêmes ont adhéré ». 

« La sécurité nationale et l’ordre public ne doivent pas être utilisés abusivement pour torpiller la liberté d’expression ou le droit à l’information. Nous demandons aux autorités de respecter le travail journalistique et de ne pas contraindre les journalistes à divulguer leurs sources d’information, ni pénaliser des lanceurs d’alerte rendant publics des informations d’utilité publique », a dit Seydi Gassama, directeur général d’Amnesty International au Sénégal. 

Autant de déclarations qui illustrent une vraie inquiétude sur la liberté de presse. Élément à savoir : le Sénégal figure à la 73e place (sur 180) de l’édition 2022 du classement mondial de la liberté de la presse établi par l’organisation de défense des journalistes Reporters sans frontières (RSF). Le pays a perdu 24 places par rapport à l’année précédente. Un très mauvais signal.

lepoint

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