Nous avons été étonnés de la concomitance de l’audition de Sonko dans le cadre de l’Affaire Sweet Beauty et de l’arrestation de ses gardes de corps. Pis, notre surprise n’en a été qu’encore plus grande lorsque nous avons aussi appris l’arrestation de Pape Alé Niang, journaliste, quelques jours après pour, selon l’accusation, avoir publié certaines informations estampillées confidentielles.
L’arrestation de ces personnes pour diverses affaires qui ne sont pas directement liées à Sweet Beauty, mais qui lui sont connexes, trahit un désir, manifeste, de la part des autorités, de démontrer quelque chose. Il s’agit manifestement de contre-feu, d’écran de fumée dont le but n’est pas ici de faire oublier l’affaire, mais de montrer à tous qu’elles tiennent la situation en main. En effet, après un dispositif sécuritaire impressionnant à Dakar, notamment le jour de l’audition d’Ousmane Sonko et des mesures sur la réduction des denrées, les autorités publiques sont toujours dans la riposte par rapport à ce qui s’était passé en mars 2021. La mort de 14 personnes et les dégâts matériels énormes sont restés au travers de la gorge de Macky. Du coup, comme du reste il l’a promis, il a tenu à démontrer que cela ne se reproduira pas. Et qu’il a la solution…
Ainsi, faute d’espérer que Sonko soit mis en détention, il agit contre tous ceux qui, à ses yeux, gravitent autour de ce leader de l’opposition ou qui, directement ou indirectement, travaillent en sa faveur ou avancent des arguments qui lui sont favorables. C’est pour cette raison que les gardes de corps ont été arrêtés et c’est également pour cela que Pape Alé que le régime ne supporte pas pour ses prises de position, l’a aussi été. Et en même temps, convaincu que les gens étaient sortis non pas parce que Sonko l’avait demandé mais parce que la vie était devenue intenable dans un contexte de couvre-feu et de cherté, l’Etat a pensé apporter également une réponse à ce niveau. En clair, tout ce qui est en train de se passer obéit à une logique ‘’mackyavélique’’ de démonstration de force et même d’intimidation pour pousser les récalcitrants à savoir raison garder dans un dessein inavoué.
Donc, après avoir testé la résistance du dispositif contre les politiques, il fallait en faire de même avec la presse pour évaluer sa capacité actuelle de résistance du fait de la précarisation dont elle est la victime depuis de longs mois. Heureusement que les journalistes sont restés solidaires, même s’il y a eu quelques grincements de dents, quelques hésitations. Aujourd’hui, ils ont compris qu’il s’agit de délits de presse. Et que le musèlement est inadmissible. En clair, quels que soient la théorie avancée et le texte de loi mis en avant, il faudra se convaincre que le caractère confidentiel d’un document ne lie pas un journaliste. C’est à sa source d’être identifiée si possible et d’être sanctionnée, s’il le faut.
Et le journaliste ne doit nullement aider à cela. Mais si on admet que le ‘’secret défense, le secret de l’enquête, de l’instruction et de la réglementation applicable à l’accès à certaines structures’’ doivent limiter le travail du journaliste, c’est reconnaître que le journalisme d’investigation n’est pas possible au Sénégal. C’est en effet à ceux qui sont chargés de garantir le caractère confidentiel de ses documents qu’il faut opposer un tel texte. En tout état de cause, si l’Etat a tant besoin d’être si provocateur, c’est qu’il nourrit un autre dessein beaucoup plus hardi et qui nécessite un défrisage du terrain, un tel excès de zèle. Mais, quel serait ce dessein ?
Assane Samb