A quelque 16 mois de la présidentielle de 2024, la troisième candidature supposée du chef de l’État, Macky Sall, continue d’alimenter les discussions dans les bureaux, les salons et autres grand-places. Dans l’espace public de manière générale. Les politiciens, ceux de l’opposition comme leurs adversaires du pouvoir, s’étrillent sur le sujet et les juristes chevronnés s’attèlent autant que faire se peut pour éclairer ou embrouiller davantage ! , chacun selon ses principes et convictions, les populations sur le bienfondé ou pas de cette candidature. Citoyens pas si ordinaires, les religieux, régulateurs attitrés d’une société en pleine mutation, les marabouts et autres guides religieux, qu’ils soient musulmans ou catholiques, ont également leurs avis sur la question. Tour d’horizon sur la question avec nos religieux.
Chérif Mouhamadine Doucouré : « La position de l’Islam est sans équivoque sur le sujet » Pour Chérif Mouhamadine Doucouré, un jurisconsulte musulman établi à Mbour et qui a salué la pertinence d’un tel sujet, la position de l’islam est sans équivoque sur le sujet. À l’en croire, si le président Macky Sall décide de se présenter en 2024, il aura foulé aux pieds les paroles de Dieu qui dit explicitement dans le Coran ceci : «Ô vous qui croyez, pourquoi vous dites des choses que vous ne pouvez pas faire. Il n’y a pas de plus terribles péchés que cela. C’est 500 fois plus grave que l’adultère», Poursuivant, notre interlocuteur indique que «si vous revenez dans la tradition du prophète Mohamed (PSL), il a dit dans l’un de ses hadiths que les traits caractéristiques de l’hypocrite sont au nombre de trois : S’il palabre, il ment, s’il te promet, il se dédit ou se renie et si tu lui confies un secret, il le fait fuiter.
Or, tout le monde sait que c’est Macky Sall, lui-même, qui a dit à haute et intelligible voix qu’il ne se présentera pas en 2024. Donc, s’il le fait, il tombe sous le blâme du Coran et de l’islam». Chérif Mouhamadine Doucouré, qui décline toute appartenance à une quelconque formation politique autre que l’entité Sénégal, prie toutefois pour que notre pays soit entre les mains d’une personne véridique, travailleuse et chantre de la paix. Serigne Cheikhouna Mbacké : « Macky Sall avait verrouillé la Constitution » Autre jurisconsulte réputé, mais vivant dans la ville sainte de Touba cette fois-ci, Serigne Cheikhouna Mbacké abonde pratiquement dans le même sens que son homologie de Mbour. «Sur le plan islamique, la religion interdit formellement aux croyants de dire des choses qu’ils ne pourraient faire.
La sourate est là et les versets disponibles. Quand une personne dit une chose et ne le fait pas, ceci est considéré comme un mensonge. Et il n’y a pas plus grave péché pour le musulman, selon le prophète Mohamed (PSL), que le mensonge qui peut mener tout droit à l’enfer. Même quand une personne dit une chose qu’elle peut faire et ne le fait pas, ça rentre dans le cadre du mensonge. Même les anges n’enregistrent pas les péchés relatifs au mensonge. Ces péchés s’envolent d’eux-mêmes directement vers Dieu qui les répertorie. Et si on se base sur les déclarations de Macky Sall et de ses alliés, il n’y a pas d’équivoque sur le sujet. Macky Sall a dit et répété moult fois qu’il ne sera pas candidat en 2024. C’est dit et écrit», tranche Serigne Cheikhouna Mbacké. Sans pour autant être un expert de la loi constitutionnelle, Serigne Cheikhouna Mbacké estime que, sur le plan juridique, on peut dire que Macky avait été élu pour un mandat de 7 ans même s’il avait promis de réduire ce mandat à 5. Toujours selon ce marabout établi à Touba, on peut aussi dire que le Conseil constitutionnel lui a interdit de faire un premier mandat de 5 ans, ce qui ne l’a nullement empêché de dire que s’il est réélu en 2017, il fera 5 ans; ce qui fera 7+5 = 12 ans. Et, au-delà, toujours selon notre interlocuteur, il a dit qu’il ne fera plus de mandat.
Limpide comme l’eau de roche ! Autre argument soulevé par ce jurisconsulte rigoureux, le fait que Macky Sall ait trouvé, à son avènement à la magistrature suprême du pays, une Constitution laissée par son prédécesseur Abdoulaye Wade et qui stipulait que personne ne pourrait faire plus de deux mandats. Macky Sall est allé même jusqu’à verrouiller cette disposition constitutionnelle en disant que nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs. «Par conséquent, à partir de ce constat, aussi bien sur le plan constitutionnel que celui de l’islam, Macky Sall est disqualifié pour un troisième mandat», juge Serigne Cheikhouna Mbacké. La sourate 61 intitulée « Le Rang » disqualifie Macky Sall Pour l’écrivain et chercheur Imam Ahmadou Makhtar Kanté du Point E, le président Macky Sall ne peut, dupoint de vue éthique ou religieux, se présenter pour un autre mandat en ce sens que «ce serait ne pas respecter sa parole publique». Imam de la mosquée de Bagdad à Thiaroye Azur, Youssoupha Fall évoque à l’instar, des autres juris- consultes musulmans interrogés par nos soins, la sourate 61, Le Rang ou As-Saff en ses versets 2 et 3 : «O vous qui avez cru !
Pourquoi dites- vous ce que vous ne faites pas? C’est une grande abomination auprès d’Allah que de dire ce que vous ne faites pas». Serigne Ibrahima Kounta : « Nous devons cultiver la paix et nous inscrire dans une dynamique de paix » Jeune marabout appartenant à la famille religieuse de Ndiassane, Serigne Ibrahima Kounta pense que, dans ce monde, nous devons cultiver la paix qui est le socle de tout développement. Pour lui, il ne s’agit pas de prier pour avoir la paix, il faut la cultiver en nous inscrivant dans une bonne dynamique. C’est seulement ainsi que Dieu agréera nos prières de paix, selon lui. « Les avis divergent sur la troisième candida- ture du président Macky Sall. Au début de son mandat, il a donné sa position sur la limitation des mandats. Aujourd’hui, manifestement, son esprit et son cœur penchent pour le contraire de ce qu’il avait soutenu. C’est dans la nature de l’être humain de revenir sur des choses déjà dites. Nous avons un mode de scrutin démocratique au Sénégal et notre principale arme, à nous autres citoyens, est notre carte d’électeur. Si quelqu’un dit une chose et fait le contraire, qu’il soit sanctionné par le verdict des urnes.
Cela s’est déjà passé sous Abdoulaye Wade. Il est d’essence divine que l’être humain a du mal à se résoudre à mettre un terme à son pouvoir. Notre devoir et notre recherche essentiels doivent être la préservatio de la paix sociale», recommande Serigne Ibrahima Kounta. A.L.F : « Risque de Chaos indescriptible » Quant à A. L. F, un chef coutumier de la place, il soutient que le président Macky ne doit pas, à tous points de vue, se représenter en 2024. « Toutes ses déclarations antérieures et son parcours politique, notamment son départ du Pds et les conditions de création de l’Apr, doivent faire réfléchir son entourage sur les risques que sa candidature peut engendrer lors d’une éventuelle déclaration avant la fin du mandat en cours. Visiblement, les récentes sorties de ses partisans montrent une tendance favorable à sa candidature en 2024. Je viens de suivre le ministre Abdoulaye Saydou Sow sur Walf Tv (Ndlr : l’entretien a eu lieu le dimanche 23 octobre 2022). Ils disent tous que Macky doit suivre les instructions de son parti et de la coalition à laquelle il fait partie relativement à cette question de candidature en 2024.
Ils disent tous que c’est le peuple qui doit trancher la question lors d’une élection démocratique et transparente, comme en 2012 avec Abdoulaye Wade. Ce qui veut dire qu’ils vont faire le for- cing pour présenter Macky en 2024, même s’il y a des risques de morts, mais les Sénégalais vont trancher en élisant le candidat de leur choix. Moralement, religieusement et du point de vue éthique, Macky ne doit pas se présenter en 2024, mais tout porte à croire que c’est le contraire qui se passera, et ce serait bien dommage, parce qu’il y aura beaucoup trop de dégâts dans le pays qui risquent de plonger dans un chaos indescriptible». Abbé Alphonse Birame Ndour : « Il faut tout simplement savoir partir la tête haute » Prêtre de l’archevêché de Dakar, curé de la paroisse Saint Charles Borromée de Gorée, l’Abbé Alphonse Birame Ndour, malgré son calendrier hyper chargé, a bien voulu se prêter à nos questions tout en précisant intervenir à titre personnel.
« Mes propos n’engagent aucunement l’Eglise. Je voudrais dire à l’entame que je ne suis ni légiste encore moins un praticien du droit. Les questions constitutionnelles ne sont pas non plus de mon expertise. Et je voudrais féliciter Monsieur le Président Macky Sall sur le travail qui a été fait pour mener le Sénégal sur la voie de l’émergence », a d’emblée précisé l’Abbé Alphonse Birame Ndour. Pour l’homme de Dieu, il est de notoriété qu’après deux mandats consécutifs, on ne devrait plus se représenter selon le texte. «Du point de vue religieux et biblique, en citant l’Evangile selon Saint Matthieu au chapitre 5 verset 37, qui fait partie de l’ensemble du discours sur la montagne, Jésus donne des recommandations fermes à ses fidèles. Et, dans la finale de cette partie, il dit que votre oui soit oui, que votre non soit non, tout ce que vous y ajouterez vient du malin. C’est-à-dire vient du mauvais », tranche Abbé Alphonse Birame Ndour. Le curé de la paroisse St Charles Borromée de Gorée de poursuivre : « En me basant sur cela, je voudrais parler de la question de la parole donnée qui fait que nous ne devrions pas nous dérober encore moins revenir en arrière sur ce qui a été déjà dit urbi et orbi et qui justement a résonné dans les oreilles des uns et des autres.
Dans notre pays, le Sénégal, malheureusement, on peut facilement se dédire. Ce qui n’est pas une bonne valeur éthique ni morale mais qui devrait pouvoir être évité de manière à ce que nous puissions par la même occasion éviter des incompréhensions et des malentendus et parfois même des conflits et des violences parce que nous pensons et sentons que nous avons été lésés. Quelqu’un qui est lésé cherche à manifester. Voilà pourquoi, du point de vue de la Bible, il est clairement dit que l’homme doit avoir une seule parole : que votre oui soit oui, que votre non soit non. Maintenant, comme je l’ai dit tout à l’heure sur la question du troisième mandat, il ne m’appartient pas de disserter là-dessus mais de prier pour que notre Sénégal continue de connaître des lendemains meilleurs dénués de calculs politiques parce qu’il est sûr et certain qu’une volonté peut être atrophiée par des volontés supérieures qui nous influencent à faire des choses que nous n’avons pas souhaité faire ou que nous n’avons pas voulu faire.
Dans la Bible toujours, il y a ce sage qu’on appelle Qohélet et qui tient des propos clairvoyants, pertinents et réalistes : il dit il y a un temps pour tout. Un temps pour vivre, il y a un temps pour mourir. Il y a un temps pour rire, il y a un temps pour pleurer, il y a un temps pour danser. Il y a un temps pour s’arrêter. Mais aussi il y a un temps pour partir car l’on vient. Le temps de partir ne doit pas être distendu et tendu à souhait. Il faut tout simplement savoir partir la tête haute d’autant plus que c’est Dieu qui choisit, élit et au-delà de nos cartes de citoyens, je vois toujours la main de Dieu pour le bien du Sénégal.
Alors que vive le Sénégal, et que nous puissions toujours continuer à vivre dans la paix et la quiétude». Aussi bien dans le Coran que dans la Bible, la parole donnée est une parole sacrée et est dotée d’une valeur morale et sociétale. Et vraisem- blablement elle tranche, à elle seule, la troisième candidature du Président Macky Sall. Autant le dire ici et maintenant, la troisième candidature de Macky Sall, sur le plan moral, éthique et religieux est loin d’avoir l’assentiment de nos guides religieux. C’est le moins que l’on puisse dire !
Amadou Ly, Le Témoin