Actuellement, le même scénario semble se répéter, car après les inquiétudes nourries par certains membres de l’opposition sur un probable projet de troisième candidature du président Macky Sall, les professeurs Babacar Guèye, Jacques Mariel Nzouankeu et le juge Ibrahima Hamidou avaient tiré la sonnette d’alarme.
Malheureusement, leur avertissement n’avait pas été pris en compte par le pouvoir qui, pourtant, pouvait régler ce problème définitivement. Et aujourd’hui, on est fondé à croire que le camp présidentiel qui avait à l’époque étouffé ce débat qu’il avait jugé « infondé» et « prématuré» l’avait fait à dessein, pour le moment venu, s’engouffrer dans cette brèche laissée ouvert.
Invité au Grand Jury du 8 octobre 2017, le professeur Babacar Guèye déclarait qu’un 3ème mandat pour Macky Sall était dans le domaine du possible. « La Constitution actuelle du Sénégal, telle qu’elle est libellée, n’interdit pas au Président Macky Sall de briguer un troisième mandat », avait laissé entendre le Constitutionnaliste. Des propos qui avaient soulevé un tollé et lui avaient valu une volée de bois vert au professeur Guèye, rappelle le quotidien Tribune.
Malgré tout, ils avaient été confirmés par son collègue Jacques Mariel Nzouankeu, selon qui : «en 2024, avec le droit positif actuel, il n’y aura pas de débat sur la recevabilité d’une candidature du Président Macky Sall». Surtout, avait-il expliqué, «nulle part, il n’est écrit que le mandat de 7 ans est, ou n’est pas compris dans le décompte des deux mandats consécutifs du nouvel article 27».
Malgré la sortie de ces juristes dont la crédibilité ne souffre d’aucun doute, le camp présidentiel a préféré jouer à la politique de l’autruche, choisissant d’entretenir un flou artistique en attendant le moment propice pour se dévoiler et mettre tout le monde devant le fait accompli.
C’est conscient de cette situation que le juge Ibrahima Hamidou Dème s’était lui aussi invité dans le débat pour tirer la sonnette d’alarme et émettre des solutions. Ainsi dans une contribution intitulée «La Constitution piégée pour un troisième mandat», publiée en mars 2019, laquelle avait pour objet de démontrer que la révision constitutionnelle de 2016 «a ouvert une brèche permettant une troisième candidature de l’actuel président en 2024». Aussi, avait-il expliqué que «cette hypothèse que le pouvoir feint de rejeter pour le moment est, en réalité, juridiquement défendable».
C’est pourquoi, pour anticiper sur les événements, le juge Dème avait suggéré l’adoption de dispositions transitoires par la voie parlementaire, précisant que le mandat en cours fait partie du décompte des mandats ; ce qui pouvait régler définitivement ce quiproquo constitutionnel.
Malheureusement, pour n’avoir pas tenu compte des avertissements et des suggestions de ces éminents juristes, les Sénégalais sont tous aujourd’hui rattrapés par leur indifférence qui, au final, risque encore une fois de plus de (re) plonger le pays dans des lendemains incertains.
Malèye Mboup