Faible déploiement des prestataires, difficulté de remboursement des prises en charge, pose de première pierre en stand-by Des cris de cœurs n’ont pas manqué lors de la délocalisation des services de l’hôpital Artistique Le Dantec vers des hôpitaux
L’hôpital Aristide Le Dantec, fermé depuis le 15 août dernier, ses bâtiments démolis pour motif de reconstruction d’un nouvel hôpital au standard international, continue encore de susciter de la polémique. Pour cause, alors que la pose de la première pierre étant prévue pour le 1er septembre passé, la population sénégalaise attend toujours. Au même moment, certains patients courent derrière le remboursement de leurs frais de prise en charge déjà payés alors que des prestataires se retrouvent sans emplois.
Des cris de cœurs n’ont pas manqué lors de la délocalisation des services de l’hôpital Artistique Le Dantec vers des hôpitaux de Dakar et de Touba. L’Etat du Sénégal avait donné un délai pour que les pensionnaires puissent quitter les lieux avant le 15 août 2022. Les consultations ont été suspendues avant la date et beaucoup de médecins surtout les chefs de services avaient déjà rejoint leur nouvelle destination, laissant les malades à leur propre sort. Syndicats, prestataires de santé et malades avaient tous décrié cette « précipitation » du gouvernement du Sénégal qui a avancé comme motif le démarrage des travaux de reconstruction pour septembre et la pose de leur première pierre pour le premier de ce même mois. Près de deux mois après, les Sénégalais attendent encore, l’Etat du Sénégal semble oublier ses promesses. Aujourd’hui, sur plus de 800 prestataires et contractuels que comptait la structure sanitaire, ils sont nombreux à ne pas trouver une destination.
Si la ministre de la santé, Marie Khemesse Ngom Ndiaye, avait donné comme garantie que tout le personnel de l’hôpital Dantec sera reversé dans des structures sanitaires du pays, des syndicats de la santé ont démenti cette garantie de leur tutelle. Pour Cheikh Seck du Syndicat démocratique des travailleurs de la santé et du secteur social affilié à Cnts/fc ( Sdt3s), « les conditions de la réhabilitation de l’hôpital le Dantec ont été catastrophiques voire dramatiques. Un drame humain touchant une grande frange de la population notamment les malades et le personnel ».
Mangue Ngom, membre du collectif pour la sauvegarde des intérêts de l’hôpital Aristide Le Dantec, agent de santé de surcroit, embouchera la même trompette : « nombreux sont ces travailleurs qui ne sont toujours pas affectés. D’autres sont chez eux en attente de travail. Il faut noter aussi qu’ily a une tentative de liquidation des prestataires qui ont tout donné depuis des années pour la santé de la population et la bonne marche de l’hôpital lorsque les autorités ont eu besoin d’eux dans les moments difficiles ».
Mamadou Ndiaye, agent de santé faisant partie de cette catégorie témoigne : « les chefs de services ont rejoint leurs postes d’affectation au moment où le personnel de soins était dans l’expectative. Pour les prestataires et contractuels, il n’y a pas eu de note de service pour les affectations. Les confrères qui ont été déployés dans des structures de santé sont partis sur la base de connaissance ou de leur proximité avec le chef de service. Nous sommes nombreux à être aujourd’hui dans une situation de non prise en charge ». Comme M. Ndiaye, ils sont légion à partager la même souffrance. Les témoignages de ces derniers se ressemblent. Le cri de cœur reste le même. «Nous ne sommes pas contre la reconstruction de l’hôpital Le Dantec. Mais c’est la démarche qui est à décrier. Pourquoi l’Etat s’est-il précipité pour démolir le Dantec. Des malades en ont souffert et continuent de souffrir, des rêves de familles ont été briés, faute d’emploi » s’est laissée aller une autre victime de Dantec.
PRISE EN CHARGE DU PERSONNEL REDÉPLOYÉ
Beaucoup de prestataires de soins et de contractuels sont redéployés dans des structures sanitaires du pays. Aujourd’hui, le syndicaliste Cheikh Seck a renseigné : « à l’état actuel, aucune convention officielle n’est établie afin de permettre aux travailleurs de connaitre ce qui les lie avec les structures où ils sont affectés ».
RECONSTRUCTION DE LE DANTEC
Le patrimoine de l’hôpital Aristide Le Dantec tient sur 6 hectares. Seulement pour la reconstruction qui doit se faire en hauteur avec des tours de 6 étages, le nouvel édifice sera bâti sur trois hectares et le reste cédé pour sa mise en œuvre. Si le plan a fait l’objet de plusieurs amendements de la part du personnel, le projet reste maintenu. L’Etat du Sénégal a décidé d’y aller à fond. Des bâtiments de l’hôpital ont été démolis sous le regard impuissant des travailleurs. Un mois après ; tout est à l’arrêt. Pour Cheikh Seck : « l’autre scandale plus grave est la gestion trouble des transactions et du montage financier. Une reconstruction aux allures nébuleuses, à la limite catastrophique du fait d’un marché de gré à gré de 92 milliards de francs CFA attribué à Cantum Ghesa par le Fonsis ». Et ce dernier de renseigner : « en effet, ce contrat ne respecte pas le code des marchés parce qu’il n’y avait pas un motif impérieux, ni urgence, ni risque de rupture de continuité du service public de santé. Il s’y ajoute un plan chaotique de manifeste de mauvaise prise en charge des malades et de redéploiement des travailleurs ».
LA SOUFFRANCE CONTINUE DES MALADES
Au niveau de l’hôpital Aristide Le Dantec, des familles de malades courent toujours derrière l’administration pour le remboursement de frais de prise en charge, avec des rendez-vous de patients annulés sans qu’ils soient remboursés. Si certains avaient payé pour une opération, cette intervention n’a jamais eu lieu et le remboursement tarde. Des malades sont plaqués dans des endroits dont les conditions ne sont pas rassurantes. C’est le cas des hémodialysés transférés au Hangar des pèlerins. Ces derniers ont manifesté leur mécontentement la semaine derrière face « aux dures conditions» de leur prise en charge, mais aussi à l’enclavement du site. D’autres malades en souffrance sont ceux atteints du cancer, contraints de quitter l’hôpital Le Dantec. Selon des syndicalistes, cette situation a entrainé pour certains une rupture de leurs cures de chimiothérapie.
Denise ZAROUR MEDANG