Le nouveau gouvernement n’aura pas d’état de grâce, tant de nombreux dossiers l’attendent dont certains avec une charge sociale avérée. Il s’installe alors que les Sénégalais font face à une inflation généralisée
Le nouveau gouvernement n’aura pas d’état de grâce, tant de nombreux dossiers l’attendent dont certains avec une charge sociale avérée. Il s’installe alors que les Sénégalais font face à une inflation généralisée. Au plan économique, le contexte international n’incite pas à l’optimisme. Amadou Bâ doit reconduire la politique de soutien aux prix, à défaut de réchauffer le front social à 17 mois de la présidentielle.
Le chaudron qu’est devenue l’Assemblée nationale avec une représentation presque égale de l’opposition et la relative proximité de la présidentielle de 2024 ne sont pas les seuls corsets du nouveau gouvernement. Le vrai adversaire de la nouvelle équipe se nomme ‘’conjoncture’’.
L’équipe d’Amadou Bâ va, en effet, faire face à une demande sociale inédite, car accentuée par le sentiment d’abandon des consommateurs face à la spéculation sur les prix des denrées et d’autres produits comme le ciment. Le constat est sans bavure. Dans sa 5e Note stratégique publiée le 1er septembre 2022, le Bureau de prospective économique (BPE) dirigé par l’économiste sénégalais Moubarack Lô, dresse un tableau alarmant de l’évolution de l’inflation au Sénégal, ces deux dernières années.
L’organe logé au Secrétariat général du gouvernement affirme que le renchérissement des produits alimentaires s’accélère depuis mai 2021 (1,6 % ce mois-là), atteignant 5,4 % en décembre 2021, 10,6 % en février 2022 et 17,2 % en juillet 2022. Il est vrai que c’est là une crise d’une autre nature après celle, terrible, de la Covid, qui a obligé le gouvernement à instituer le Programme de résilience économique et social (Pres).
Il était question de relance pour accélérer le Pap2A, quand la guerre en Ukraine est venue noircir le tableau des perspectives économiques. Le conflit a provoqué une perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales et une pénurie de produits essentiels tels que le pétrole, le gaz et les céréales importés d’Ukraine et de Russie.
Ainsi, les prix des produits alimentaires importés par les pays de l’UEMOA, exprimés en francs CFA, se sont accrus de 46,2 % en mai 2022, comparés à la même période de l’année 2021, après un accroissement de 30,6 % le mois précédent, tirés par la hausse des prix du blé (+77,2 %), des huiles (+54,0 %), du riz (+35,9 %) et du sucre (+28,5 %). Or, plus de 70 % du riz et tout le blé consommé au Sénégal sont importés, dont 64 % de Russie et d’Ukraine, pour ce qui concerne le blé. Il y a une semaine, l’Inde a décidé de restreindre ses exportations de riz.
Une réalité faite de privation
Au-delà de ces chiffres très parlants du reste, il s’agit de saisir une réalité faite de privations, de difficultés liées au coût de la vie et de désagréments que les Sénégalais ont traduits dans les urnes par un vote favorable à l’opposition dans les grands centres urbains (Dakar, Touba, Thiès, Saint-Louis, Tivaouane) et en Casamance. Parmi les courants idéologiques qui ont installé une tête de pont à l’Assemblée nationale depuis les élections du 31 juillet dernier, il y a une, très visible, qui atteste qu’une large part de nos difficultés provient de ‘’nos intérêts divergents avec la France’’.
Ce courant ‘’anti-impérialiste’’, incarné par certains députés de Yewwi Askan Wi, dont Guy Marius Sagna membre de Frapp France dégage, pourrait trouver du grain à moudre avec l’autre raison de la tension économique : le handicap monétaire matérialisé par la chute vertigineuse de l’euro (donc du F CFA) par rapport au dollar américain. La semaine dernière, la BCEAO a été obligée de hausser ses taux directeurs pour répondre à l’inflation.
Le Premier ministre Amadou Bâ et son gouvernement n’ont pas une grande marge de manœuvre et devraient continuer sur la lancée de ce qu’on a connu ces derniers mois : laisser filer le déficit budgétaire, pour favoriser une relance rapide de l’économie et soutenir le pouvoir d’achat des ménages, à travers des subventions et des abandons de taxes.
C’est à un jeu d’équilibriste qu’un gouvernement, quel qu’il soit, serait astreint, en attendant les rentrées liées à l’exploitation du gaz attendues dans le deuxième semestre de 2023.