Macky aime des serviteurs avilis. Il aime à les congédier et à les rétablir à sa convenance. Il aime à mesurer leur degré de servitude, il se repait de leur souffrance silencieuse. Ne l’a-t-il pas vécu lui-même sous Wade ?
« Nos échecs ne sont pas dus aux défaites subies mais aux conflits auxquels nous refusons de participer » – Graffiti lu à Berne.
Macky Sall aime des serviteurs avilis. Il aime à les congédier et à les rétablir à sa convenance. Il aime à mesurer leur degré de servitude, il se repait de leur souffrance silencieuse. Il aime ceux qui encaissent. Ne l’a-t-il pas vécu lui-même sous Wade ?
Ceux qui ont cheminé avec le président savent qu’il ne confie des rôles importants à ses partisans et alliés que pour qu’ils les jouent profil bas, à ses pieds. Combien d’adversaires, jadis virulents et le verbe haut, sont passés de pourfendeurs en défenseurs du président, et sont devenus des exécutants zélés et craintifs dès qu’ils ont rejoint son camp ?
Le Premier ministre
Il aura mis 9 mois pour désigner un Premier ministre. On s’attendait à un joker sorti de sa manche, comme il le fit pour le président de l’Assemblée nationale. Mais non, il a fait reprendre service Amadou Ba, dont il s’était séparé sans que l’on sache trop pourquoi. Au préalable, après moult péripéties, il l’avait viré de son poste de ministre des Finances pour un poste de ministre des Affaires Etrangères avant de mettre fin à cette collaboration pour le néant. Le passage au néant est un passage obligé dans le magistère de Macky. Il ne lui faut pas de preuves pour prendre des décrets d’éloignement ; des présomptions lui suffisent comme disait Vergniaud*. Malgré les épreuves qu’il lui a fait subir, Amadou Ba est resté stoïque : le président a sabordé sa candidature à la mairie de Dakar, lui préférant Diouf Sarr dont toute la classe politique, y compris lui même, était sûre de la défaite. Il ne lui a pas confié la tête de liste des législatives lui préférant Mimi Touré dont il connaissait pertinemment le caractère clivant. C’est quand il vous plonge dans cet état végétatif, qu’il vous juge, et observe votre réaction. Il aime par dessus tout que les victimes de ses caprices fassent profil bas et adoptent la posture des esclaves affranchis dont le rêve ultime est de reprendre service auprès du maitre. Voila à quelle fin le président Sall réduit et aime voir ses compagnons ! Qu’ils avalent des couleuvres sans sourciller et qu’ils se taisent.
Amadou Ba et Aly Ngouille Ndiaye l’ont fait, les voilà de retour. Les autres recalés Hott, Saleh et autres savent ce qui leur reste à faire…dix huit mois c’est long pour un gouvernement, l’espoir leur est encore permis.
« Ne pas avoir honte de vivre sous le caprice d’un homme »*, voilà le mindset qui sied pour « réussir » sous Macky.
Le gouvernement :
Son gouvernement qualifié de gouvernement de combat n’est pas un gouvernement de rupture. Il a plutôt musclé sa garde. Après avoir renvoyé ceux à qui on prêtait des velléités de se présenter contre lui, il les reprend près de lui pour mieux les étouffer. On se demande juste où est passé Amadou Makhtar Cissé. Rétabli, Amadou Bâ a eu ses têtes. C’était lui ou Abdoulaye Daouda Diallo, à partir du moment où, le choix se porta sur lui, la messe était dite. Exit donc Abdoulaye Daouda Diallo, Hott dans le sillage. Etrangement, Idy garde la main avec deux ministres, on ne sait pas trop comment. Cela demeure encore une énigme qu’Idy conserve de l’influence auprès du président. Niasse qui n’arrêtait pas de déchoir au perchoir ne lâche toujours pas prise. Le voilà bombardé Haut représentant du président. Il a eu au passage la tête d’Alioune Sarr, suspecté de lorgner sur le parti AFP moribond. Les petits meurtres entre amis se poursuivent. Le PS garde ses ministres au gouvernement malgré leur dégringolade. Ils ont perdu les 2/3 de leurs députés dans cette législature. L’essentiel est ailleurs. Il faut serrer les coudes. Même Pape Diop, le rallié de la dernière heure, a eu son ministre. Manque à l’appel du partage la LD. Visiblement Macky ne fait toujours pas confiance à cette gauche réfractaire au troisième mandat. Qui disait que ce n’était pas la loi du partage qui prévalait ? Notre pseudo élite n’arrive décidément pas à opérer son aggiornamento mental.
D’autres jeunes loups sont admis dans la bergerie : Point de rêverie : Mame Mbaye Niang ne révolutionnera pas le tourisme. Il occupa déjà ce département et rien ne se passa ; Doudou Ka n’aura pas grand-chose à faire avec le transport aérien lesté d’une compagnie nationale qui bat de l’aile et, Pape Malick Ndour sera impuissant face à l’immensité de la tâche à laquelle fait face la jeunesse, tellement le problème de l’emploi est mal posé. Leur objectif est ailleurs. Ils sont là pour livrer bataille contre les « Sonkistes », « Barthistes » et l’imposant et tonitruant GMS. C’est là où le président les attend. Ne doivent-ils pas d’ailleurs leur entrée au gouvernement du fait de leur pugnacité face à l’opposition ? Leur tâche ne sera pas facile. Le règlement de comptes à « OK Corral » peut commencer. On fera les comptes en 2024 !
Le troisième mandat sera clivant au sein de Benno et même au sein de l’APR. Les lendemains seront bien incertains.
Les bannis, ceux qui seront contre ce mandat de la discorde et qui se rebifferont, seront livrés et taillés en pièces par la meute des fidèles du boss. C’est ce qui est arrivé à Mimi.
Mimi Touré
La trahison surtout en direct d’une personnalité politique reste une infamie insoutenable. Bien qu’on sache pourtant, que dans ce milieu aucune balle ne soit mortelle et que seuls comptent les intérêts politiques, on reste toujours surpris quand cela arrive. Le cas de Mimi Touré a attristé nombre de Sénégalais si l’on s’en réfère aux nombreuses indignations relevées sur les réseaux sociaux.
Pourtant on l‘a déjà virée à plusieurs reprises, que ce soit de la Primature, du CESE au profit de son pire ennemi Idrissa Seck et à chacune de ces occasions, nous n’avions pas mesuré son humiliation et nous n’avions pas montré une telle compassion pour elle. Cette fois à l’Assemblée c’était différent. C’était en direct à la télé à la radio. On a eu mal pour elle. Son amour propre en a pris un gros coup, on l’a vue trainer sa peine, blessée jusque dans l’âme. Elle prit son sac et ses chaussures et rentra tranquillement chez elle. Pourtant ce qui lui est arrivé, est arrivé à bien d’autres et elle s’en était bien accommodée. Mais de mémoire d’observateur, jamais manque de respect, jamais arrogance ne furent exprimés avec autant de violence en son endroit qu’en ce jour de vote. Elle a juste reçu un coup de fil du président, quelques heures avant le vote, l’informant qu’elle ne serait pas présidente de l’Assemblée nationale. Il se sera passé plus d’un mois entre sa campagne victorieuse du 31 juillet et l’installation de la nouvelle Assemblée ! Il avait de la place pour la recevoir et discuter avec elle. Mimi a commis plusieurs erreurs dont celle de penser très tôt que le poste de présidente de l’Assemblée lui était dû. Un match de foot ne se termine qu’au coup de sifflet final. « It ain’t over till it’s over »*. Mener une campagne fût-elle victorieuse ne vous propulse pas patronne de l’Assemblée.
D’autant plus que votre victoire fut étriquée, que vous n’avez pas gagné dans votre centre de vote, que vous ne faites pas l’unanimité dans votre camp et qu’il y a eu des précédents en l’espèce. Elle le sait mieux que quiconque.
Mimi s’y est vue trop tôt. C’est ce qui explique l’ampleur de sa déception. De tous les soumis au président Sall, elle restait celle qui le défendait le plus âprement, celle qui, toutes griffes dehors, égratignait et mordait à pleines dents les adversaires de son patron. Avez-vous entendu parmi les caciques, Amadou Ba, Mbaye Ndiaye ou encore Abdoulaye Daouda Diallo s’ériger en bouclier du président devant les attaques de Sonko, ou celles jadis de Idy ? Non. Elle seule, montait au front, portait le fer aux adversaires et de quelle façon. C’est cette posture qu’on lui connait, qui exacerbe le sentiment d’injustice qui l’habite, et qui anime aussi bon nombre de citoyens témoins de ses bagarres partisanes. Mais là encore, elle doit savoir qu’en politique, il n’y a point de reconnaissance. Si elle en voulait, elle devrait s’acheter un chien comme dirait l’ancien Premier ministre britannique John Major.
Mimi en a eu marre de se soumettre et de se taire. Visiblement, elle s’est dit qu’elle n’attendrait plus la grâce de son boss. Elle s’est révoltée bruyamment ce jour dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Et revoilà la parabole du jeune garçon avec le couteau qui guette le président :
« Ce jeune garçon qui a un couteau et qui l’essaie sur les fleurs, puis sur des morceaux de bois, puis sur des meubles et, finalement le brise sur une pierre ». Mimi pourrait être sa pierre, comme jadis il fut la pierre de Wade.
L’Assemblée nationale
Le fiasco des législatives avec la perte de plus de 40 députés a ébranlé la coalition BBY. Une défaite de telle ampleur, conduit fatalement à des bouleversements dans la coalition vaincue. Exit un parlement à ses pieds avec une cohérence et une efficacité gouvernementales toute acquises. Avec cette majorité ténue, la délibération et le contrôle parlementaires seront de plus en plus convoqués dans l’hémicycle. A ce nouveau jeu, Mimi ne faisait pas l’affaire. Il faut d’autres acteurs.
L’opposition, s’est illustrée de façon calamiteuse en ce jour d’élection. Obstruction, bagarres, furent les armes qu’elle décida d’utiliser. On regretta presque la tribune qu’on leur a offerte, vu l’usage qu’elle en faisait. N’ayant pas pu transcender ses divergences, elle offrit à BBY une victoire facile. A posteriori, le couac Mimi aurait pu jouer en sa faveur, si elle avait présenté un seul candidat et joué le jeu à la régulière. Au lieu de cela, elle a laissé quelques têtes brûlées, grisées par on ne sait trop quoi, avoir des prétentions hors normes. Le tropisme du compromis est le rapport de force. Il eût fallu que le Pastef imposât ce rapport de force à ses partenaires de la coalition Yewwi–Walu, comme l’APR le fit à ses alliés de BBY, et désignât le candidat de la coalition. C’est en cela qu’elle aurait eu une chance, une mince chance de s’imposer.
Dr Tidiane Sow est coach en Communication politique.
Notes
P. Vergniaud: Avocat, homme politique français;
“Quelle honte de vivre sous le caprice d’un seul homme”
F. Chateaubriand, Ecrivain, Homme politique
It ain’t over till it’s over : « Ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini » Yogui Berra, joueur américain de Base Ball
Tidiane Sow de SenePlus